Milan (awp/afp) - Sous l'oeil vigilant de Vivendi, son premier actionnaire, Telecom Italia a convoqué pour jeudi après-midi une réunion sous haute tension de son conseil d'administration pour examiner les deux nouvelles offres améliorées reçues pour acquérir son réseau fixe.

La position du directeur général (CEO) Pietro Labriola, nommé en janvier 2022 avec le soutien de Vivendi, apparaît très affaiblie au moment où des décisions cruciales pour l'avenir de l'entreprise surendettée s'imposent.

Le géant français des médias considérerait comme un casus belli une énième tentative de temporiser et de renvoyer dos à dos les deux concurrents, la Caisse des dépôts italienne (CDP) et le fonds d'investissement américain KKR, pour leur demander de relever leurs offres.

"Il est évident que vingt précieux mois ont été perdus pour discuter d'offres clairement rejetées par le marché", avait fait valoir une source proche de Vivendi après l'assemblée générale des actionnaires de Telecom Italia en avril, qui avait rejeté le nouveau système de rémunération prévu pour le CEO.

Seulement 42,5% du capital représenté à l'assemblée a voté en faveur du mécanisme des primes pour les années 2023-2025, 10,6% des votes ont été défavorables et 46,8% des actionnaires se sont abstenus, dont Vivendi.

Cette abstention élevée "est un signal clair du rejet" du plan stratégique proposé par M. Labriola, qui cherche à vendre le réseau pour réduire l'énorme dette de l'opérateur, avait assuré la source proche de Vivendi.

Offres jugées insuffisantes

Si à ses débuts, le plan avait été soutenu par Vivendi, l'actionnaire français, qui détient 23,75% de Telecom Italia, a peu à peu pris ses distances face à des offres jugées largement insuffisantes.

"C'est la démonstration de l'absence totale de gouvernance adéquate" et "un changement de cap" s'impose, selon cette source.

Vivendi avait claqué la porte du conseil d'administration du groupe italien en janvier, en annonçant la démission de cette instance de son président du directoire, Arnaud de Puyfontaine.

"Nous avons maintenant une totale liberté pour défendre la juste valorisation" de Telecom Italia, avait déclaré en mars M. de Puyfontaine.

La CDP, deuxième actionnaire de l'opérateur avec une part de 9,81%, avait proposé en avril 19,3 milliards d'euros pour le réseau contre environ 18 milliards lors d'une première offre, alors que KKR a fait une proposition de 21 milliards d'euros, après 20 milliards auparavant.

Ces offres restent ainsi très éloignées des attentes de Vivendi, qui a mis la barre très haut en estimant la valeur du réseau à 31 milliards d'euros.

Pietro Labriola avait présenté en juin 2022 un plan stratégique axé sur la scission entre le réseau de téléphonie fixe, mis en vente, et les activités de services.

La cession du réseau devait permettre à Telecom Italia de diminuer sa dette, qui a grimpé fin décembre à 25,4 milliards d'euros.

En attendant le plan B

Vivendi, qui n'a pas soumis de contre-proposition concrète, attend désormais un plan B du conseil d'administration de Telecom Italia.

Signe de la mésentente, M. Labriola s'est rendu fin avril à Paris pour en discuter de vive voix avec la direction de Vivendi, mais n'a pas réussi à être reçu par M. de Puyfontaine.

Les médias italiens ont prêté à Vivendi l'intention de lancer une offre publique d'achat (OPA) sur Telecom Italia, associé à des fonds d'investissement et une entité publique, pour retirer le groupe de la cote.

Le réseau devrait ainsi passer sous contrôle public, tandis que la société des services resterait dans le giron de Vivendi.

Une façon de sortir par le haut pour Vivendi, dont l'aventure en Italie s'est révélée pour l'heure peu concluante.

L'effondrement de la valorisation de l'opérateur italien a pesé pour environ 1,7 milliard d'euros dans ses comptes l'an dernier.

La Première ministre Giorgia Meloni a affiché à plusieurs reprises son objectif de créer "un réseau national sous contrôle public".

Alors que le gouvernement avait promis des solutions pour Telecom Italia pour la fin 2022, il est resté silencieux sur le sujet depuis.

Le gouvernement Meloni aura son mot à dire dans la mesure où il a des pouvoirs spéciaux ("golden power") dans des secteurs considérés comme stratégiques, dont les télécommunications.

afp/jh