MILAN (awp/afp) - Telecom Italia (TIM) devrait donner une réponse à l'offre de rachat de 10,8 milliards d'euros soumise il y a plus de trois mois par le fonds d'investissement américain KKR, lors d'un conseil d'administration sous haute tension convoqué pour dimanche soir.

Le fonds, qui a fait jusqu'ici preuve d'une grande patience, attend une réponse de TIM à sa demande d'accès à ses comptes en vue d'un audit approfondi, soit la phase dite de "due diligence" classique, avant de lancer une OPA.

L'offre de KKR, soit 0,505 euro l'action, représente, si elle est maintenue, une prime de 75% sur le cours de Bourse actuel (0,288 euro).

Elle a toutefois été jugée trop basse par le principal actionnaire de TIM, Vivendi, entré au capital en 2015 à un prix moyen d'achat de 1,071 euro l'action.

Si le conseil administration a approuvé il y a dix jours à l'unanimité le plan stratégique du nouveau PDG, Pietro Labriola, qui semblait éloigner la perspective d'une OPA, la récente débâcle boursière du titre pourrait changer la donne.

L'action avait commencé à s'écrouler à la Bourse de Milan le 3 mars, au lendemain de la publication du plan et d'une perte nette abyssale de 8,65 milliards d'euros en 2021, et avait terminé à ses plus bas historiques pendant les deux séances suivantes.

Puis, l'action a remonté la pente après une série de rencontres de M. Labriola avec des investisseurs pour les convaincre du bien-fondé de son plan, mais elle n'a pas entièrement récupéré ses pertes.

Le plan prévoit une scission entre le réseau de téléphonie fixe et les activités de services, visant à mieux valoriser chacune des futures entités.

Actionnaires inquiets

Face à l'absence d'une réponse à KKR et rendus nerveux par la chute boursière, des fonds d'investissement et des petits actionnaires ont commencé à s'impatienter.

"Un refus d'autoriser l'accès" aux comptes serait "contraire aux intérêts des actionnaires", surtout à la lumière "des effets sur le cours boursier" du nouveau plan stratégique, a ainsi prévenu le fonds d'investissement Kairos dans une lettre adressée aux administrateurs.

Vivendi, par la voix de son président du directoire Arnaud de Puyfontaine, a apporté mercredi "tout son soutien" à M. Labriola et a estimé que la valeur de Telecom Italia était "très supérieure au cours de Bourse actuel".

Le géant français des médias a dû passer une dépréciation de 728 millions d'euros de sa participation dans Telecom Italia (23,75%), ramenant la valeur des titres dans ses comptes à 66 centimes par action.

La perte de 8,65 milliards d'euros essuyée par TIM en 2021 est "malheureusement la conséquence de la gestion précédente", a estimé M. de Puyfontaine.

Les comptes publiés par M. Labriola, assortis d'importantes dépréciations d'actifs, s'inscrivent dans le cadre d'un grand nettoyage du bilan marquant la rupture avec la stratégie menée par son prédécesseur Luigi Gubitosi.

Négociations ?

Parmi les options sur la table au conseil d'administration de TIM, programmé pour 17h00, figure la possibilité d'ouvrir des négociations avec KKR ou l'inviter à lancer directement une OPA, sans donner l'accès aux comptes, dans la mesure où "l'opération vérité" a déjà eu lieu.

Une telle décision obligerait le fonds à abattre ses cartes et dévoiler des détails de ses projets pour l'opérateur historique.

KKR avait, lui aussi, envisagé une scission du réseau, et prévu, contrairement au plan de M. Labriola, de retirer le groupe de la cote, en cas de succès de l'OPA.

Les administrateurs pourraient aussi mandater M. Labriola pour négocier un ralliement du fonds au projet de création d'une entité concentrée sur le réseau, la NetCo.

Le plan de M. Labriola relance le projet d'une fusion du réseau de TIM, FiberCop, avec celui de son rival OpenFiber, sous l'égide de la Caisse des dépôts italienne (CDP), qui détient des parts dans les deux sociétés.

Le fonds américain aura de toute manière son mot à dire, car il possède déjà 37,5% de FiberCop.

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