LONDRES, 6 mars (Reuters) - Alors que le "Super Tuesday" a confirmé que Donald Trump se représenterait face à Joe Biden lors de la prochaine élection présidentielle américaine prévue en novembre, les investisseurs se préparent à un retour du candidat Républicain à la Maison blanche.

1/ Tensions commerciales

Toute aggravation des tensions commerciales entre les États-Unis et d'autres grandes économies pourrait ébranler les marchés boursiers mondiaux, qui atteignent actuellement des niveaux records.

Les responsables européens craignent que Donald Trump ne réimpose les droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium depuis le bloc, suspendus depuis par Joe Biden, ou qu'il ne s'intéresse aux voitures ou aux restrictions imposées par l'UE aux grandes entreprises technologiques américaines.

Donald Trump a déclaré qu'il envisagerait d'imposer des droits de douane de 60% sur les produits chinois, une mesure qui, selon Capital Economics, pourrait réduire le PIB de la Chine de 0,7% si elle était accompagnée d'un contrôle plus strict des tarifs douaniers.

Donald Trump avait imposé des droits de douane sur 200 milliards de dollars de produits importés chinois, une mesure que Joe Biden a conservée.

Le commerce bilatéral a d'abord diminué, mais il s'est redressé pendant la pandémie de COVID-19, lorsque les importations américaines de produits électroniques ont augmenté. La croissance des échanges commerciaux entre les deux pays a depuis ralenti.

"Les valorisations des actifs chinois intègrent déjà beaucoup de mauvaises nouvelles, mais rien de tel", constate Michael Metcalfe, responsable de la stratégie macroéconomique de State Street, en faisant référence aux droits de douane de 60% que Donald Trump pourrait imposer à la Chine.

Le yuan et les actions chinoises, déjà pénalisés par le ralentissement de l'économie domestique, pourraient en souffrir.

2/ Leçon d'histoire

L'histoire prédit que les actions américaines afficheront une performance positive cette année, quel que soit le vainqueur.

Pour autant, les marchés pourraient être volatils, d'autant qu'un Congrès polarisé pourrait empêcher le futur président de faire adopter son programme.

Joe Biden devrait continuer à mettre l'accent sur les énergies renouvelables, tandis que Donald Trump est susceptible de supprimer les subventions aux véhicules électriques et de prolonger des baisses d'impôts.

Si Donald Trump applique son programme de manière agressive, cela "pourrait affaiblir le dollar, augmenter l'inflation et entraîner une hausse des rendements obligataires, donc une baisse des investissements", prévient Joseph Kalish, stratège macroéconomique en chef chez Ned Davis Research.

Les marchés des devises semblent déjà s'attendre à une plus grande volatilité, le volume des options euro/dollar expirant le lendemain de l'élection étant presque quatre fois plus élevé que d'habitude, selon Société Générale.

3/ Paris sur la défense

La réélection de Donald Trump pourrait encourager l'Europe à renforcer ses capacités militaires, ce qui pourrait soutenir le secteur de la défense dont la valeur boursière a doublé depuis trois ans.

Pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, l'Allemagne a atteint l'objectif de dépenses liées à la défense de 2% du PIB, une cible fixée par l'Otan. D'autres pays sont proches de l'objectif, mais cela pourrait ne pas suffire.

Donald Trump a laissé entendre qu'il ne défendrait pas les alliés des Etats-Unis qui ne dépensent pas suffisamment pour leur défense, et qu'il encouragerait même la Russie à les attaquer.

"Dans une large mesure, le mal a été fait et l'hypothèse d'une aide américaine n'est plus certaine", constate Nick Cunningham, analyste chez Agency Partners.

Selon Morgan Stanley, l'aérospatiale et la défense sont les secteurs européens les plus populaires pour les fonds mondiaux, avec des allocations quatre fois supérieures au poids de l'indice de référence.

4/ Dette ukrainienne

L'avenir financier de l'Ukraine est suspendu au résultat de l'élection. Un projet de loi permettant à Washington de verser davantage d'aide au pays en guerre est enlisé dans des divisions politiques.

Donald Trump a appelé à une désescalade entre la Russie et l'Ukraine et s'est plaint des milliards de dollars dépensés jusqu'à présent.

Ce blocage a lieu alors que l'Ukraine devra trouver un accord sur sa dette avec ses créditeurs internationaux, qui ont accepté un moratoire sur les paiements prenant fin en août.

La performance des souverains ukrainiens est bien inférieure à celle de ses pairs depuis deux ans, et les analystes soulignent que l'incertitude des élections américaines ajoute aux pressions sur l'actif.

5/ Le baromètre du peso Le peso mexicain est considéré habituellement comme un baromètre de l'impact de la politique américaine sur les économies émergentes.

La victoire de Donald Trump en 2016 a vu le peso chuter de 8% en une semaine, sa défaite en 2020 déclenchant à l'inverse un rallye de 4%.

Jusqu'à présent, les investisseurs n'ont pas encore placé leurs paris sur la façon dont la monnaie se comportera en cas d'une victoire de Donald Trump.

Compliquant la situation, les élections mexicaines se tiendront le 2 juin, et le parti de gauche Morena, au pouvoir, est donné gagnant.

Certains sondages suggèrent que l'immigration et le contrôle des frontières sont des questions pressantes pour les électeurs américains, mais les analystes soulignent que Donald Trump n'a pas encore fait des relations commerciales avec le Mexique un thème important de sa campagne.

"L'espoir d'une continuité politique au Mexique, et peu d'incertitudes concernant la future relation commerciale entre les Etats-Unis et le Mexique, pourraient limiter la volatilité des devises", estime Pedro Quintanilla-Dieck, stratège marchés émergents chez UBS Global Wealth Management.

(Reportage de Karin Strohecker, Dhara Ranasinghe, Phil Blenkinsop, Danilo Masoni et David Randall, graphiques de Sumanta Sen et Riddhima Talwani ; version française Corentin Chappron, édité par Kate Entringer)