Le London Metal Exchange (LME) a suspendu les livraisons de métal russe produit à partir du 13 avril afin de se conformer aux dernières sanctions annoncées vendredi par les gouvernements américain et britannique.

L'aluminium, le cuivre et le nickel se sont envolés au début de la journée de lundi, reflétant l'importance de l'approvisionnement russe pour ces trois marchés.

Toutefois, les sanctions ont été soigneusement conçues pour minimiser les turbulences du marché.

La date butoir du 13 avril signifie que le métal russe déjà présent dans le système du LME peut continuer à être échangé, ce qui est particulièrement important pour l'aluminium puisque les marques russes représentaient plus de 90 % des stocks garantis à la fin du mois de mars.

En revanche, l'interdiction des nouvelles livraisons de métal au LME et à son homologue américain, le CME, risque de diviser le marché du métal russe, le prix de base de l'échange devenant supérieur à celui du métal qui n'est plus livrable à l'échange.

TITRES RUSSES

Les marques russes d'aluminium représentent plus de 90 % des stocks garantis par le LME depuis la fin du mois de décembre.

Bien que de nombreux utilisateurs occidentaux aient opté pour l'auto-sanction en refusant d'utiliser le métal russe, il est clair qu'il existe toujours un marché mondial actif pour l'aluminium produit par le producteur russe Rusal.

Le métal russe représentait 58 % de tout l'aluminium livré par les entrepôts du LME en janvier, ce ratio passant à 94 % en février et à 88 % en mars, selon le LME.

Les quantités de cuivre et de nickel russes dans le système du LME à la fin du mois de mars étaient inférieures, avec respectivement 62 % et 37 %.

La dynamique du marché du cuivre est beaucoup plus serrée que celle de l'aluminium. Les stocks en bourse sont moins importants et la Chine, premier acheteur mondial, semble tout à fait disposée à absorber le métal russe. Les importations de cuivre russe ont augmenté de 14 % pour atteindre 371 000 tonnes métriques en 2023.

L'offre de nickel est globalement excédentaire, mais le marché du métal de classe I produit par la société russe Norilsk Nickel et négocié sur le LME est beaucoup plus étroit que celui des formes de classe II du métal, telles que le ferronickel et la fonte de nickel. Comme pour le cuivre, les stocks en bourse sont moins importants et se caractérisent par un mouvement actif dans les deux sens.

Alors que les gouvernements américain et britannique ont interdit toutes les importations d'aluminium, de cuivre et de nickel russes, les dernières sanctions autorisent toujours les transactions sur le marché physique dans d'autres régions et, dans le cas du métal produit avant le 13 avril, les transactions boursières et la livraison physique, bien qu'avec des restrictions pour les citoyens des deux pays.

MARCHÉ SÉPARÉ

Il est donc possible que d'importantes livraisons de métal russe soient effectuées sur le mandat du LME, les détenteurs de matières produites hors marché avant le 13 avril jouant la carte de la sécurité et choisissant de livrer ce métal à la bourse.

"Il est possible qu'une offre relativement importante de métal pertinent soit justifiée (...) à titre de mesure de sauvegarde", a déclaré le LME dans un avis aux membres.

Les stocks d'aluminium hors marché, définis par le LME comme du métal stocké dans le cadre d'un contrat d'entreposage avec une option explicite de garantie, s'élevaient à 734 000 tonnes à la fin du mois de février.

La quantité de métal russe dans ce stock fantôme est inconnue. Mais étant donné que le métal russe est encore livré régulièrement hors des entrepôts du LME en vue d'une livraison physique à la chaîne d'approvisionnement, "le LME s'attend à ce qu'un ensemble suffisamment large d'acteurs du marché soit en mesure d'utiliser" ce métal, a déclaré le LME.

En fait, la conception du nouveau train de sanctions pourrait même profiter au LME, qui a résisté aux appels à bannir unilatéralement le métal russe de son système.

Les partisans d'une telle mesure ont fait valoir que le fait de permettre au métal russe de s'échanger librement sur le marché boursier risquait d'affaiblir le prix du LME, qui finirait par refléter le métal le moins recherché par la chaîne d'approvisionnement physique.

Le LME craint que le simple fait de retirer tout le métal russe de la liste des métaux livrables ne crée une crise de liquidité pour le contrat d'aluminium du LME.

Ces craintes ont été apaisées en permettant au métal produit avant le 13 avril de continuer à faire partie de la base de liquidité physique du LME.

De plus, en créant un nouveau pool de métal russe non livrable, le résultat logique est que le métal nouvellement produit se négocie avec une décote par rapport au prix du LME, ce qui renforce effectivement la validité du prix de base de l'échange.

Les sanctions peuvent donc avoir pour effet de réduire les recettes des producteurs russes de métal provenant de la nouvelle production, tout en évitant un défaut de livraison de la part des détenteurs de positions courtes au LME, incapables de livrer du métal russe plus ancien en contrepartie de leurs positions.

INCERTITUDE

Les trois métaux concernés ont bondi au début de la journée de lundi. L'aluminium à trois mois du LME a atteint son plus haut niveau depuis près de deux ans, soit 2 728 dollars la tonne. Le cuivre, qui était déjà en plein rallye haussier, a étendu ses gains à 9 640,50 dollars, le prix le plus élevé depuis juin 2022. Le nickel a atteint 19 355 dollars, un niveau atteint pour la dernière fois en octobre 2023.

Dans les trois cas, la réaction spontanée initiale s'est rapidement inversée, le marché réfléchissant à la possibilité d'une période d'augmentation rapide des stocks à mesure que le métal russe plus ancien sort de l'ombre pour être stocké dans les entrepôts du LME.

D'autres surprises pourraient survenir à mesure que les flux commerciaux s'adaptent à la nouvelle normalité, mais pour le LME, les nouvelles sanctions apportent une clarté bienvenue à une question qui avait polarisé la base d'utilisateurs de la bourse.

Les opinions exprimées ici sont celles de l'auteur, chroniqueur pour Reuters.