Le contexte : la décollecte encore et encore…

 Dans le prolongement de juillet, août a vu les plus petites valeurs (indice CAC Small) prolonger leur sous-performance vis-à-vis des valeur moyennes (indice CAC Mid 60) et surtout des grandes valeurs (indice CAC 40). Ces dernières n’ont lâché que 0,7% sur le mois d’août, contre -4,4% pour les plus petites capitalisations. Comme l’indique ce graphique, depuis le 1er janvier, le CAC 40 fait plus que trois fois mieux que l’indice CAC Small, hors dividende ! Plusieurs gérants de notre sélection soulignent le retour à une faible valorisation des petites valeurs, notamment à la Financière Arbevel qui pointe du doigt des "ratios de valorisation particulièrement décotés pour le CAC Small, à la fois en comparaison des indices ‘large caps’ et des acteurs non cotés. Ainsi, d’après le consensus Bloomberg, le ratio VE/EBITDA 2019 du CAC Small DR ressort aujourd’hui à 7,7x, vs 8,6x pour le SBF 120 DR. En comparaison, l’indice Argos Mid-Market, qui retrace l’évolution du prix des opérations de M&A sur le segment du non coté européen, ressort à 10x l’EBITDA à fin juin 2019, soit une prime de 30% par rapport au CAC Small".

Avec ce repli d’août, les plus petites valeurs (indice Small 90) ne sont plus très loin de leur point bas du 24 décembre 2018. Il faut dire que, comme l’indique ci-dessous le tableau élaboré par la société de Bourse Portzamparc, les prévisions d’évolution de leurs bénéfices en 2019 et 2020 ont été revues en baisse d’environ 10% depuis le 1er janvier, contre une confirmation de l’évolution pour les valeurs du CAC 40.

N’oublions pas que cette sous-performance des ETI cotées vient après une phase de surperformance qui a duré des années et qui s’est achevée, probablement temporairement, fin 2017-début 2018, comme l’indique le graphique ci-dessous. Rappelons aussi que près de 8 années sur 10 depuis 20 ans, les petites et moyennes valeurs ont battu les grandes.

Qu’attendre des prochains mois ? Le rattrapage des petites valeurs sur les grandes ne se fera pas sans reprise de la collecte sur les fonds dédiés à cette classe d’actifs. Or, nous n’en sommes pas encore là. Les flux de dé-souscription (rachat ou vente) de parts de fonds investis sur ce compartiment de la cote ont continué de dépasser les flux d’achats de parts. Le graphique ci-dessous, élaboré par la société de Bourse Portzamparc, montre qu’après 12 mois consécutifs de décollecte sur la classe d’actifs small et mid caps, les flux restent enfoncés en territoire négatif. Si l’on se focalise sur les fonds PEA-PME, plus axés petites valeurs françaises que moyennes valeurs européennes, la tendance est encore plus négative. Notre sélection de fonds ne fait pas exception à cette tendance et rares sont les fonds qui collectent, même légèrement. La plupart sont en légère décollecte.

L’inertie de ces flux défavorables est forte, et en attendant la reprise de la collecte, la plupart des gérants allègent voire sortent des positions plus souvent qu’ils renforcent ou entrent de nouvelles idées en portefeuille. A noter que les deux fonds les plus performants sur cinq ans sont aussi ceux qui conservent le plus fort volant de liquidités, avec environ 15% du portefeuille non investi.

Revue des meilleurs fonds Small Caps à fin août 2019   

(Source : Quantalys, reporting mensuel des sociétés de gestion)

Le contexte étant dressé, venons-en aux mouvements de nos fonds vedette à travers notre tableau synthétique. A noter l’entrée dans la sélection du fonds Raymond James MicroCaps qui affiche une performance annuelle de plus de 10% sur 5 ans. Il remplace le fonds Dorval Manageurs Small Cap Euro.

De façon générale, nous remarquons :

  • Une performance moyenne de la sélection depuis le début de l’année (+12%) solide par rapport à leurs indices de références.
  • Des taux d’investissement stables, voire en très légère hausse, pour un nombre de ligne en légère baisse. La poursuite de la décollecte n’y est pas pour rien.
  • La prédominance des secteurs IT et Industries dans cette sélection, et des valeurs de croissance en général.

 De façon plus particulière, nous notons :

  • Qu’au moins trois fonds ont été impactés par la baisse de Devoteam en août (-16%). L’explication de cette baisse est venue seulement début septembre lors de la publication de résultats décevants qui ont amplifié la chute du cours de Bourse de cette ESN formidablement repositionnée par ses dirigeants fondateurs, les frères Bentzmann. Pour un fonds très surpondéré sur la valeur comme Amplegest PME, qui en a fait sa première ligne (encore 8,36% du fonds à fin août), l’impact est significatif sur la performance puisqu’il explique environ 1,5 point de baisse sur 3,6 points perdus sur le mois.
  •  Le "portrait-robot" de la valeur recherchée par HMG Découvertes en cette rentrée de septembre : "Confrontés à un inéluctable risque de ralentissement économique, nous privilégions les sociétés positionnées sur des marchés en croissance (par exemple au sein des secteurs des logiciels, des loisirs, ou de la santé, ...) le plus indépendamment possible du cycle économique. Fidèles au nom du FCP, nous veillons aussi à ce qu’elles ne soient pas trop détenues par le marché, car nous nous méfions des sociétés déjà trop plébiscitées...Enfin, nous apprécions les situations actionnariales susceptibles de déboucher sur des opérations financières, ces opérations  étant,  selon  nous,  actuellement  à même de  se multiplier  avec  des  financements  aussi peu  chers,  aussi disponibles (notamment via le Private Equity) et une loi "Pacte" désormais promulguée, favorisant les retraits décote". Il semblerait que HighCo réponde à ces critères puisque les gérants ont renforcé cette ligne, se justifiant ainsi : « nous ne comprenons pas le manque d’intérêt des investisseurs avec autant de publications convaincantes et une valorisation toujours aussi raisonnable (7,5 fois le ROC en valeur d’entreprise, après déduction de la ressource de BFR) ». A noter également l’initiation d’une ligne contrariante, « Technicolor, dont nous espérons une amélioration des performances économiques au second semestre".
  • Que selon Marc Réveillaud, gérant d’ID France SmidCaps, les petites capitalisations sont "aujourd’hui largement décotées. Les niveaux de valorisation sont très bas, mais les incertitudes macro-économiques pèsent encore fortement sur ce segment pour le moment délaissé des investisseurs". Le gérant illustre cette défiance en prenant "le cas d’Aurès qui baisse de - 19.25% après sa publication. Une baisse surprenante dans la mesure où l’effet de base défavorable avait déjà été largement intégré par les analystes. Au-delà du fort potentiel du dossier, l’équipe de direction est réputée pour sa capacité à piloter les coûts dans les périodes plus difficiles. Manitou (-14.57%) nous a coûté elle aussi des points de performance. Malgré des résultats semestriels records et nettement en avance sur ses objectifs annuels, les investisseurs se sont concentrés sur le ralentissement des prises de commandes qui s’est intensifié au deuxième trimestre. La sanction nous paraît excessive, nous conservons." Ce fonds, très bien classé sur 5 ans, connait une période difficile, avec une baisse de près de 5% en août et une hausse de seulement 6% depuis le début de l’année, contre +12% en moyenne pour notre sélection.

Pour terminer, voici quelques informations complémentaires sur la douzaine de fonds de valeurs moyennes retenus pour leur capacité se maintenir en tête de classements sur longue période (nous avons retenu une durée de 5 ans, durée généralement retenue pour l’investissement dans les fonds actions) et leur forte pondération en valeurs françaises capitalisant moins d’un milliard d’euros (minimum 20% du fonds).  On y remarque que le style de gestion "croissance" ou "growth" domine la sélection et que le nombre de titres en portefeuille varie facilement du simple (40 valeurs) au doubles (80 valeurs), avec une moyenne de 54 titres.

Vous pouvez également lire l’interview du gérant du mois, Louis de Fels. Il co-gère le fonds Raymond James Microcaps.

GLOSSAIRE : LES STYLES DE GESTION

  • Le style de Gestion "Croissance" ou "Growth" privilégie les valeurs de croissance. Ces valeurs sont choisies pour leur fort potentiel de développement, en mettant au second plan leur valorisation boursière au regard du chiffre d’affaires et des résultats actuellement réalisés. Ces sociétés sont en effet souvent populaires et chères car leurs perspectives sont élevées et leur valorisation anticipe une poursuite de la croissance des bénéfices. Les plus belles valeurs de croissance sauront croitre par-delà les cycles et prendre régulièrement des parts de marché par croissance organique ou externe. Secteurs surreprésentés : la technologie, la santé. Ex. de valeur de croissance : Eurofins, Orpéa, Interparfums…Typiquement, leur PER dépasse les 20x.
  • Le style de Gestion "Valeur" ou "Value" privilégie les valeurs décotées, mal valorisées, et souvent mal-aimées. Les gérants se focalisent alors sur les chiffres publiés, plus rassurants que des prévisionnels incertains par nature. Les valeurs de croissance sauront croitre par-delà les cycles et prendre des parts de marché par croissance organique ou externe. Secteurs surreprésentés : les valeurs cycliques, l’automobile, les bancaires, la construction. Ex. de valeur : Plastivaloire, ALD, Nexans, Séché, … Typiquement, leur PER est inférieur à 10x.
  • Le style de Gestion "GARP" ou Growth At Reasonable Price ou Croissance à prix raisonnable, cherche à trouver un juste milieu entre les deux, à dénicher des valeurs de croissance certes, mais pas à n’importe quel prix. Ex. de valeur : Le Noble Age, SII, Fountaine Pajot, … Typiquement, leur PER se situe entre 10x et 20x.

Finissons par une citation de Warren Buffet : "Mieux vaut acheter une entreprise extraordinaire à un prix ordinaire qu’une entreprise ordinaire à un prix extraordinaire".