Rome (awp/afp) - Le patron du groupe Fiat Chrysler (FCA), l'italo-canadien Sergio Marchionne, dont la maladie semble précipiter un départ initialement prévu pour 2019, est un homme à poigne qui a redressé le groupe Fiat en 14 ans pour en faire un mastodonte international de la construction automobile.

Peu connu en 2004 lors de son arrivée à la direction du constructeur turinois, alors au bord du gouffre, il a réussi à conquérir politiciens, médias et syndicalistes en Italie, tous fascinés par sa capacité à sauver le plus grand groupe du pays sans suppressions massives d'emplois.

En 2009, il ajoute une dimension internationale à l'emblématique Fiat en s'alliant à l'américain Chrysler avec pour objectif d'en faire l'un des premiers constructeurs mondiaux.

Neuf ans après, Marchionne, âgé de 66 ans, a pu se féliciter, lors de la présentation du nouveau plan stratégique de FCA en juin, d'avoir ramené la dette industrielle du groupe à zéro, un immense défi puisque qu'elle atteignait 7,7 milliards d'euros fin 2014.

Le dirigeant, qui devait passer la main début 2019, a répété que son successeur serait issu du groupe. Mais, selon le site Automotive News, son état de santé, objet de rumeurs depuis quelques semaines, a obligé les administrateurs des trois groupes Fiat Chrysler (FCA), Ferrari et CNH Industrial à discuter en urgence samedi de son remplacement.

Franc-parler et main de fer

Réduction de coûts, nouveaux modèles, attention portée au design: en 2005, ce manager au visage rond et à la voix rauque de fumeur, fait sortir Fiat du rouge après quatre ans de pertes.

Mais la culture anglo-saxonne et le franc-parler de Marchionne, qui dit être parfois "dégoûté" par les relations sociales en Italie, fait grincer des dents dans la péninsule.

Sa décision de fermer fin 2011 l'usine de Termini Imerese en Sicile malgré les critiques du gouvernement et sa volonté de conditionner les investissements en Italie à la révision des accords sociaux afin de permettre plus de flexibilité ont secoué le pays.

"Nous voulons gérer les usines, cela n'a rien d'obscène. Ici, en Italie, on a l'impression de dire quelque chose d'aberrant", insistait-il en juillet 2010.

Derrière l'absence de manières et l'apparente décontraction du personnage presque toujours vêtu d'un pull-over sombre, se cache en effet un patron implacable qui, dès son arrivée chez Fiat, a renvoyé des dizaines de hiérarques et mis en avant une équipe de jeunes dirigeants.

"J'évalue en continu mes collaborateurs, je leur donne des notes et je leur dis +attention: à celui qui s'assoit, je lui retire la chaise+", raconte-t-il. Il s'est ainsi défait sans ménagement en 2014 du dirigeant Luca Cordero de Montezemolo après un quart de siècle à la tête de Ferrari.

Bourreau de travail, il n'hésite pas à imposer des cadences infernales à ses équipes pour prendre de vitesse la concurrence, comme lorsqu'il décide d'avancer de trois mois le lancement de la nouvelle Fiat 500 en 2007.

Chrysler, son coup de maître

Dès le début de la crise en 2008, M. Marchionne ne perd pas une minute pour s'adapter. Alors qu'il ne jurait que par les "alliances ciblées", nouées au cas par cas depuis le divorce de Fiat avec l'américain General Motors en 2005, il claironne qu'un choix s'impose: grossir ou mourir.

En janvier 2009, Fiat annonce son projet d'alliance avec Chrysler. En juin, l'américain sort du dépôt de bilan, Fiat en prend le contrôle opérationnel sans débourser un centime et Marchionne en devient le directeur général.

Le patron dévoile ensuite immédiatement son projet de racheter l'allemand Opel mais il perd la bataille face au canadien Magna.

Ce mariage avec Chrysler a un parfum de revanche pour le patron qui a quitté la région pauvre des Abruzzes en Italie à l'âge de 14 ans pour le Canada avec ses parents. "Je parlais anglais avec un fort accent italien. J'ai mis plus de six années à le perdre, six ans de perdus avec les filles", confiait-il en mai 2009 à La Stampa.

M. Marchionne, qui a deux enfants, a étudié le droit et le management au Canada et débuté sa carrière comme spécialiste fiscal pour Deloitte and Touche.

Avant de rejoindre Fiat, il a été directeur général du groupe suisse SGS, numéro un mondial de la certification, dont il est toujours président.

afp/rp