* L'armée israélienne poursuit ses avancées autour de Rafah

* Tsahal intensifie ses bombardements à travers la bande de Gaza

* Le Hamas dit détenir un officier déclaré mort par Israël

* L'Egypte menace de renoncer à son rôle de médiateur

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par Nidal al-Mughrabi

23 mai (Reuters) - Des combats rapprochés ont eu lieu jeudi entre l'armée israélienne et le Hamas en périphérie de la ville de Rafah, à la pointe Sud de la bande de Gaza, alors que les bombardements israéliens se poursuivaient à travers l'enclave, tuant au moins 38 Palestiniens, selon les autorités sanitaires locales.

Les chars d'assaut israéliens ont progressé dans le sud-est de Rafah, frontalière de l'Egypte et considérée jusqu'à présent comme l'ultime refuge pour les civils gazaouis, continuant d'opérer par ailleurs dans trois zones périphériques de la ville, ont rapporté des habitants.

En parallèle, Tsahal a avancé ses chars vers le quartier de Yibna, dans l'ouest de Rafah.

Les troupes israéliennes d'"occupation tentent de progresser à l'ouest. Elles sont aux portes de Yibna, qui est densément peuplée. Elles ne l'ont pas encore envahie", a déclaré à Reuters un habitant, qui a demandé à ne pas être identifié.

"Nous entendons des explosions et nous voyons de la fumée noire émaner des zones que l'armée a envahies", a-t-il ajouté via une application de messagerie, déplorant "une nouvelle nuit compliquée".

L'armée israélienne a procédé ces dernières semaines à des opérations simultanées à la pointe Nord et à la pointe Sud de la bande de Gaza, provoquant un nouvel exode de centaines de milliers de Palestiniens contraints de quitter leurs logements.

Les principales routes d'acheminement d'aide humanitaire ont été coupées, Tsahal ayant notamment pris le contrôle début mai du point de passage frontalier de Rafah, par lequel transitait une grande partie de l'aide humanitaire depuis le début de l'offensive lancée par Israël en réponse à l'attaque du Hamas le 7 octobre dernier. Les Nations unies ont averti que la famine menaçait l'enclave palestinienne.

TENSIONS AVEC L'EGYPTE

S'exprimant mercredi lors d'une audition au Congrès américain, le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a exhorté l'Egypte à faire tout son possible pour que l'aide humanitaire puisse être acheminée de manière fluide à Gaza, des cargaisons s'entassant à la frontière.

L'Egypte, dont les tensions avec Israël se sont intensifiées depuis que l'armée israélienne a pris le contrôle de la partie gazaouie du point de passage de Rafah, a déploré un manque de sécurité pour les conducteurs des camions transportant l'aide.

Par ailleurs, Le Caire s'est offusqué d'informations de la chaîne américaine CNN selon lesquelles les négociateurs égyptiens sont à l'origine de l'échec début mai d'une proposition d'accord de cessez-le-feu. Les autorités égyptiennes ont prévenu qu'elles pourraient renoncer à leur rôle de médiateur entre Israël et les groupes armés palestiniens.

D'après les autorités israéliennes, 1.200 personnes ont été tuées et plus de 250 autres enlevées par le Hamas lors de l'attaque d'octobre. Certains des otages ont depuis lors été déclarés morts; d'autres ont été libérés, notamment dans le cadre d'une trêve d'une semaine fin novembre.

Plus de 35.000 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza depuis le début du siège total décrété en réponse par Israël, selon les autorités sanitaires locales, qui craignent que des milliers de personnes se trouvent par ailleurs sous les décombres des bâtiments ravagés par les bombardements.

Tsahal avait dans un premier temps focalisé son offensive sur le nord de la bande de Gaza, déclaré par la suite sous contrôle, avant de progresser dans l'enclave avec des bombardements et des opérations au sol. Rafah est la seule zone où l'armée israélienne n'a pas encore mené d'assaut massif.

"LE HAMAS DÉTIENT NOS OTAGES À RAFAH"

En dépit des avertissements - notamment des Etats-Unis, principal allié d'Israël - sur le risque de catastrophe humanitaire à Rafah, où près de la moitié des 2,3 millions d'habitants de la bande de Gaza avaient fui les combats initialement, Israël répète n'avoir d'autre choix que de mener un assaut à Rafah pour détruire les derniers bastions du Hamas.

"Le Hamas est à Rafah, le Hamas détient nos otages à Rafah, c'est pour cela que nous troupes manœuvrent à Rafah", a déclaré le porte-parole de l'armée israélienne. "Nous effectuons cela de manière ciblée et précise", a ajouté Daniel Hagari.

"Nous protégeons les civils gazaouis à Rafah pour qu'ils ne soient pas une protection pour le Hamas, en les encourageant à évacuer temporairement les zones humanitaires", a-t-il poursuivi dans un communiqué, revendiquant que Tsahal ait éliminé des "dizaines de terroristes du Hamas, mis au jour des dizaines de tunnels et détruit de vastes infrastructures".

Le Hamas nie se servir des civils comme de boucliers humains.

Selon l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), principale agence onusienne à Gaza, plus de 800.000 personnes ont fui Rafah depuis qu'Israël a pris le contrôle du point de passage frontalier et massé ses chars au porte de la ville début mai.

"TROIS MONDES COMPLÈTEMENT DIFFÉRENTS"

De nombreux civils sont toujours coincés à Rafah, a déclaré Suze van Meegan, à la tête des opérations de secours à Gaza du Conseil norvégien pour les réfugiés.

"La ville de Rafah est désormais constituée de trois mondes complètement différents: l'Est est un archétype d'une zone de guerre, le centre est une ville fantôme, et l'Ouest est une congestion de personnes massées vivant dans des conditions déplorables", a-t-elle dit dans un communiqué.

Israël a intensifié ses opérations terrestres à Jabalia, où plusieurs quartiers résidentiels ont été rasés par l'armée, et mené des frappes contre la ville de Beit Hanoun, située non loin de là. Tsahal, qui avait déclaré il y a plusieurs mois avoir terminé ses opérations majeures dans la zone, dit vouloir empêcher le Hamas de s'y regrouper.

Dans un communiqué, l'armée israélienne a déclaré avoir commencé à effectuer des raids ciblés à Beit Hanoun afin d'"éliminer des terroristes, de localiser et frapper des infrastructures terroristes" en surface et souterraines.

Un représentant sécuritaire de haut rang du Hamas, Diaa Aldine al-Chourafa, a été tué dans une frappe israélienne alors qu'il visitait des quartiers résidentiels de la ville de Gaza, a déclaré le ministère gazaoui de l'Intérieur, contrôlé par le Hamas.

La branche armée du Hamas a affirmé jeudi détenir un officier de l'armée israélienne capturé et blessé lors de l'attaque du 7 octobre, le colonel Asaf Hamani, qu'Israël avait déclaré mort le 2 décembre. Les Brigades Al-Qassam n'ont pas fourni de preuve, ni précisé s'il était encore en vie.

Trois soldats israéliens ont été tués mercredi dans des affrontements, a indiqué Tsahal, portant à 286 le nombre de soldats tués depuis le début de l'invasion de l'enclave palestinienne. (Rédigé par Nidal al-Mughrabi au Caire, avec la contribution de Dan Williams et Maayan Lubell à Jérusalem; rédigé par Jean Terzian)