SYDNEY/PARIS (Reuters) - Au moins deux personnes sont mortes mercredi dans les violences qui secouent la Nouvelle-Calédonie depuis l'examen et le vote par l'Assemblée nationale d'un projet de révision constitutionnelle visant à élargir le corps électoral dans l'île, ont rapporté les autorités locales.

Un porte-parole du président du gouvernement local Louis Mapou a fait état du décès de trois jeunes kanak, précisant tenir cette information de la police.

Le Haut-Commissariat de la République, cité par BFM TV, a annoncé deux décès.

Une personne a été tuée par balle "pas d'un tir de la police ou de la gendarmerie, mais de quelqu'un qui a certainement voulu se défendre", a déclaré le haut-commissaire de la République dans l'archipel, Louis Le Franc.

"Des échanges de tirs, il y en a eu sur l'agglomération de Nouméa. Entre émeutiers et groupes de défense civile", a-t-il dit lors d'une conférence de presse à Nouméa.

"L'heure n'est pas grave, elle est très grave. Si l'appel au calme n'est pas entendu, il va y avoir beaucoup de morts dans l'agglomération de Nouméa aujourd'hui. On est rentré dans une spirale dangereuse, une spirale mortelle", a-t-il ajouté.

Les violences sont alimentées par le projet de réforme de la Constitution visant à élargir aux personnes résidant depuis dix ans dans l'archipel le corps électoral, figé depuis l'accord de Nouméa de 1998.

Le texte, approuvé par l'Assemblée nationale dans la nuit de mardi à mercredi, doit désormais être soumis à l'approbation des parlementaires réunis en Congrès, qu'Emmanuel Macron s'est engagé à convoquer à la fin du mois prochain en l'absence d'un accord politique plus large entre les parties calédoniennes.

Le chef de l'Etat a lancé un appel au calme, de même que plusieurs figures du mouvement indépendantiste, qui redoute que cette réforme réduise encore le poids du peuple autochtone kanak sur l'île.

Dans un courrier adressé au député Nicolas Metzdorf et diffusé par l'élu de Nouvelle-Calédonie sur son compte Facebook, Emmanuel Macron a condamné des violences "indignes et inacceptables".

Le chef de l'Etat a également demandé au Premier ministre et au ministre de l'Intérieur de recevoir les représentants des forces politiques indépendantistes et loyalistes à Paris afin de parvenir à un accord. Gabriel Attal et Gérald Darmanin "fixeront une date dans les prochaines semaines".

"En l'absence (d'un) accord (...) le Congrès se réunirait avant la fin juin", souligne le courrier.

LES TROUBLES SE POURSUIVENT

De "graves troubles à l'ordre public" ont de nouveau eu lieu dans l'agglomération de Nouméa dans la nuit de mardi à mercredi, a déclaré le Haut-Commissariat de la République.

Une soixantaine de membres des forces de l'ordre ont été blessés et plus de 130 interpellations ont eu lieu, a-t-il dit.

Des commerces, des infrastructures et des établissements publics ont été pillés et incendiés.

Le couvre-feu instauré mardi de 18h00 (07h00 GMT) à mercredi 06h00 du matin à Nouméa va continuer de s'appliquer et les rassemblements resteront interdits dans l'agglomération.

L'interdiction de la vente d'alcool et du transport et du port d'armes en Nouvelle-Calédonie reste elle aussi en vigueur.

L'aéroport de Nouméa reste quant à lui fermé aux vols commerciaux et la population est appelée à limiter ses déplacements en journée, a ajouté le Haut-Commissariat.

Certains élus locaux ont appelé à l'instauration d'un état d'urgence, une option pour l'heure écartée par les autorités.

"Il faut d'abord peut-être que nous respections le couvre-feu", a déclaré le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin mercredi matin sur RTL.

(Rédigé par Camille Raynaud et Jean-Stéphane Brosse)

par Kirsty Needham