Alors que Budapest rejetait tout recours à l'aide du Fonds monétaire international depuis son arrivée au pouvoir au printemps 2010, la décision du chef du gouvernement conservateur de reprendre contact avec l'institution dirigée par Christine Lagarde constitue une défaite politique sans équivoque.

Mais cette concession de taille ne signifie pas pour autant que Viktor Orban acceptera facilement les conditions souvent drastiques posées par le FMI à l'octroi de lignes de financement, ni qu'il renoncera aux politiques non-conventionnelles qu'il a prônées jusqu'à présent.

Les analystes estiment que les deux parties auront beaucoup de mal à trouver un terrain d'entente, ce qui pourrait conduire les marchés à sanctionner lourdement la Hongrie.

L'annonce surprise jeudi du recours au FMI s'est pour l'instant traduite par un rebond du forint et des obligations hongroises tandis que la Bourse de Budapest gagnait plus de 1%, mais les investisseurs attendent désormais des avancées tangibles.

La Hongrie avait reçu depuis une semaine des avertissements de deux agences de notation qui menaçaient de l'exclure de la catégorie des pays "investement grade", la plus sûre à leurs yeux, en raison de la faiblesse de ses perspectives de croissance et du caractère imprévisible de ses politiques.

Budapest est pour l'instant notée BBB- par Standard & Poor's et Fitch et Baa3 par Moody's, soit le dernier échelon de la catégorie d'investissement.

PAS D'ACCORD "À L'ANCIENNE", DIT ORBAN

Le ministre de l'Economie, Gyorgy Matolcsy, a déclaré à l'agence de presse officielle MTI qu'une délégation du FMI et de l'UE devrait arriver à Budapest avant Noël et que les discussions pourraient être bouclées en janvier ou en février.

Il a assuré que le gouvernement n'agissait pas dans l'urgence, la Hongrie continuant d'emprunter sur les marchés, et que l'accord ne concernerait pas le financement de la dette publique.

"Nous ne sommes pas dépendants de la bonne volonté d'autrui", a-t-il dit.

Le représentant du FMI à Budapest n'était pas disponible dans l'immédiat pour commenter ces déclarations. De son côté, la Commission européenne a dit être informée de la volonté de Budapest de demander un soutien financier préventif, sans pour autant qu'elle ait reçu une demande formelle.

Le gouvernement Orban avait mis fin l'an dernier à l'accord d'aide de 20 milliards d'euros conclu en 2008 avec le FMI et il avait ensuite engagé des réformes mal vue pas les investisseurs, taxant lourdement les banques, nationalisant de facto les fonds de retraite privés et autorisant les ménages à rembourser les prêts contractés en devises étrangères à des taux fixes contraignant les établissements prêteurs à subir de lourdes pertes.

"Les accords FMI à l'ancienne comme celui auquel nous avons mis fin à l'automne 2010 revenait à les laisser nous dire ce que nous devions faire en Hongrie", a dit le chef du gouvernement à la radio MR1.

"L'esprit de ce nouvel accord (...), c'est que nous préférons une sorte d'assurance. Nous ne voulons pas renoncer à avoir les mains libres (en matière de politique économique)."

UNE MANOEUVRE POUR ÉVITER UNE DÉGRADATION ?

Le recours au FMI faisait la une de la presse hongroise vendredi, le journal grand public Blikk constatant: "Finalement, nous avons bien besoin de l'argent du FMI".

Pour les analystes, il est pratiquement impossible de conclure un nouvel accord avec le Fonds sans accepter de le laisser imposer la moindre condition.

Certains observateurs voient dans la décision de Budapest une manoeuvre visant à gagner du temps et à éviter une dégradation de la note du pays. Une tactique qui avait réussi à la Turquie il y a quelques années.

"L'une des possibilités, c'est simplement qu'ils 'jouent les Turcs' pour faire durer aussi longtemps que possible les discussions avec le FMI dans l'espoir d'apaiser le marché jusqu'à ce qu'ils signent un accord le jour où ils seront acculés", explique Timothy Ash, de Royal Bank of Scotland.

Un accord, quel qu'il soit, permettrait d'éviter une dégradation de la note souveraine, jugent certains analystes.

"Un nouvel accord avec le FMI, s'il est appliqué, constituerait un revirement important et changerait la donne en stabilisant le marché, en réduisant la prime de risque et en confortant la position actuelle de la Hongrie en 'investment grade', tout en écartant éventuellement la nécessité de hausses de taux en renforçant la monnaie", expliquait HSBC jeudi.

Budapest dispose des liquidités suffisantes pour financer ses besoins à court terme mais l'Etat devra faire l'an prochain près de cinq milliards d'euros de dettes en devises.

Marc Angrand pour le service français, édité par Catherine Monin