"Selon vous la terminologie ETF a tendance à être galvaudée ?
Un ETF est un fonds coté et négociable en bourse. La forme juridique d’un ETF en Europe est dans la plupart des cas un fonds UCITS.
Cet acronyme est cependant parfois utilisé à mauvais escient pour des produits de bourse répliquant des indices, qui ne sont pas des fonds. La diffusion de l’information sur ces produits est généralement moins explicite que dans le cas des fonds tant sur la nature juridique que sur les objectifs d’investissement et sur le comportement des produits notamment en termes de risque de marché.

Certains acteurs du marché ont ainsi joué sur l’ambiguïté des acronymes ETF (Exchange Traded Fund), ETC (Exchange Traded Commodities) et ETN (Exchange Traded Notes), bien que commercialisant majoritairement des produits de nature obligataire (ETC et/ou ETN) et non des fonds (ETF). Ces obligations ne présentent de toute évidence pas le même niveau de protection que les fonds UCITS qui doivent respecter des règles de diversification et de contrôle des risques rigoureuses. Leurs cadres juridiques en effet diffèrent. Les ETF sont émis dans le cadre de la directive UCITS. Les ETC et ETN sont émis dans le cadre de la directive sur les prospectus qui n’impose pas de contraintes semblables en termes de diversification ou de risque de contrepartie par exemple.
Un ETF a par ailleurs un administrateur et un valorisateur indépendant qui recalcule la valeur liquidative du fonds et la valide tous les jours.

Selon vous il y a lieu de distinguer deux niveaux de risques s’agissant des ETF ?
On peut distinguer les risques liés à la structuration du produit, et les risques liés à la négociation, donc à l’utilisation du produit par l’investisseur.
Les risques liés à la structuration du produit sont des risques que l’investisseur doit avoir en tête mais cela n’influe pas sur les conditions de négociation des ETF.
L’investisseur professionnel par exemple sait que les risques liés à la structuration d’un ETF sont encadrés par la directive UCITS.

Quelle appréciation faites-vous du risque de liquidité lié aux ETF…
Le risque de liquidité d’un ETF, lié à sa négociation, dépend notamment de la liquidité de l’indice.
La liquidité de l’indice revient à se poser les questions sur sa composition (les pays, les devises, la nature des actifs sous-jacents…), comment cotent les composants de l’indice, et à quel niveau l’apporteur de liquidité va pouvoir négocier les composants de l’indice pendant la séance de bourse.
La liquidité du fonds en elle-même est un sujet autre. Le gérant qui gère un fonds UCITS a des obligations concernant les titres mis à l’actif du fonds. Il doit sélectionner des titres négociés sur des marchés règlementés.

Le risque qu’un investisseur prend sur un ETF correspond au risque sur la liquidité du sous jacent...

Notamment. Beaucoup d’investisseurs professionnels utilisent les ETF pour s’exposer aux indices traditionnels en complément des futures ou des swaps. Le produit a longtemps été vendu comme un produit d’accès au marché. Un investisseur particulier pourra pour sa part difficilement acheter par exemple des futures sur certains indices asiatiques sauf à acheter des futures liquides comme le Nikkei sur des plateformes spécialisées (et à gérer les appels de marges) ou à acheter un produit de levier en allant sur une plateforme CFD (Contrat Pour la Différence), où il est possible de perdre beaucoup plus que la prime d’investissement initiale.
Un investisseur qui veut s’exposer aux marchés asiatiques doit avoir en tête que quand il intervient sur un ETF pendant les heures européennes, le décalage horaire impacte la liquidité en bourse. Sur la Chine par exemple, tout asset manager ou banque qui veut investir sur le marché doit avoir une autorisation du régulateur chinois jusqu’à un certain plafond (ou quota) pour traiter sur les actions chinoises. Souvent les ETF qui sont exposés à la Chine donnent accès à des actions de sociétés de la république populaire de Chine cotées à l’étranger comme par exemple à Hong Kong.

Ce risque de liquidité est fortement atténué par l’intervention d’un apporteur de liquidité ?

Un apporteur de liquidité (aussi appelé teneur de marché), au minimum, est en permanence positionné dans le carnet. Deux choses sont importantes. En premier lieu, que l’apporteur ait la possibilité de pouvoir souscrire et se faire rembourser des parts de fonds tous les jours auprès de la société qui gère l’ETF.
En second lieu cet apporteur de liquidité doit avoir la possibilité de couvrir son risque de marché dans la journée. La question est comment cet apporteur va-t-il pouvoir se couvrir, si le marché de l’indice est fermé. Dans ce cas, il aura plus de difficultés à se couvrir et devra utiliser des instruments financiers de type futures portant sur d’autres indices que le sous-jacent de l’ETF. Il devra alors calculer un panier de futures qui sera un proxy pour couvrir son risque de marché.

Quel regard portez vous sur l’opposition que l’on affiche parfois entre les deux principales méthodes de réplication de l’ETF, la réplication physique qui suppose du prêt emprunt de titres et la réplication synthétique qui sous tend un contrat d’échange de performance ? 
Il y a des risques attachés à chacune des techniques.
Dans le cadre d’une réplication physique, le gérant peut décider de prêter les titres détenus par le fonds dans le marché de manière à obtenir une rémunération supplémentaire, pour réduire les coûts liés à la gestion des paniers. En échange de ce prêt, il recevra alors du collatéral. Ce collatéral est généralement sensiblement différent de l’indice.
Dans le cadre de la réplication synthétique, le gérant va recevoir la performance de l’indice via un contrat d’échange de performance entre la performance du panier de titres détenus par le fonds (qui est souvent différent du panier de l’indice) et la performance de l’indice répliqué.
Ces techniques datent de plusieurs années. Elles ont été employées par des gérants actifs comme passifs. Le marché des ETF n’a rien inventé de ce point de vue.
Le plus important pour le client est de déterminer si l’ETF réplique bien l’indice tel qu’affiché dans l’objectif d’investissement du prospectus validé par le régulateur, et de connaître notamment les risques associés à un défaut de contrepartie.

Il y a un risque en cas de défaut de la société derrière la gestion du titre...
Si la société de gestion fait défaut, le fonds peut être géré par une autre société de gestion.
Si la contrepartie du prêt de titre fait défaut, il sera important d’identifier ce qui a été déposé en collatéral et de na pas faire face à des délais significatifs pour saisir le collatéral.
Aujourd’hui sur la réplication synthétique il est assez facile d’avoir des information sur les contreparties aux contrats d’échanges de performance. Pour les ETF d’Ossiam gérés de la sorte, nous publions la composition des actifs et les expositions aux contreparties tous les jours sur notre site internet.

Comment considérez-vous l’émission d’ETF de plus en plus structurés comme les ETF inversés ou les ETF à effet de levier ? Beaucoup d’investisseurs ne s’attardent pas à la lecture de tout ce qui est prospectus et documents marketing ...
Les premiers ETF inversés ou à effet de levier ont été lancés il y a plus de quatre ans. Ce sont surtout des produits destinés à des investisseurs qui veulent intervenir rapidement sur les marchés. A coté des warrants, des CFD, des turbos... ils servent plus à faire du trading qu’à de l’investissement de long terme.

Les investisseurs qui vont sur les ETF inversés ou à effet de levier ne lisent pas toujours la documentation juridique et/ou marketing qui comprend des exemples sur le comportement des produits dans différentes configurations de marché. Certains investisseurs s’orientent vers ces produits pensant que si le levier est de 2, c’est qu’au bout de quelques mois lorsque le CAC aura fait +20%, le produit affichera une performance de +40%. Ce qui n’est pas exact. Le levier souvent se calcule sur une journée d’où l’importance de prendre connaissance de la documentation du promoteur.

Quelle opinion vous inspire le débat concernant les améliorations à apporter dans la régulation des ETF ? Pour vous, ce débat n’est-il pas la conséquence d’une guerre de parts de marché ?
Dans beaucoup des rapports et articles publiés, le mot ETF a été ou est utilisé pour parler indifféremment des ETF, ETC (Exchange Traded Commodities) et ETN (Exchange Traded Notes). Le débat est hétérogène et débouche progressivement sur un débat sur les fonds UCITS. Quant à la guerre des parts de marché qui est vive sur ce marché, le débat sur les techniques de réplication utilisées par les différents promoteurs a modifié la donne mais de façon hétérogène d’un pays à un autre en fonction de la sensibilité des investisseurs sur les risques.

Selon vous si des améliorations doivent être apportées elles devront surtout porter sur le prêt de titres plutôt que sur le risque de contrepartie lié à la réplication synthétique ?
Sur le prêt de titres, il existe des différences en terme d’exigence des régulateurs en Europe sur le collatéral. Cela est parfois difficile d’avoir une idée précise du partage des revenus tirés du prêt de titres.
L’utilisation des contrats d’échange de performance (swaps) est très encadrée dans un fonds UCITS et est homogène au niveau européen. La directive MIFID oblige la société de gestion à procéder par appel d’offres pour sélectionner ses contreparties. C’est ce que nous faisons. Trois paramètres sont alors déterminants : la réputation de la contrepartie et sa capacité à répliquer l’indice, sa notation par les grandes agences comme S&P ou Moody’s mais aussi son niveau de CDS qui reflète le sentiment du marché, et le prix qu’elle propose. Le gérant se doit de vérifier les niveaux auxquels il traite face à la contrepartie bancaire et les niveaux qui se traitent sur le marché et d’aller voir la contrepartie bancaire pour renégocier le cas échéant, ce de manière à respecter l’obligation de « best selection ».

Qui sont vos contreparties ?
Nous avons cinq produits et trois contreparties aujourd’hui, BNP, Morgan Stanley et Natixis.

De quelle manière les avez-vous déterminés ?
Nous avons défini avec notre actionnaire principal une liste de contreparties et nous avons envoyé à toutes ces contreparties un document d’appel d’offre leur indiquant l’indice que l’on souhaitait répliquer, les conditions que l’on souhaitait voir respecter (marché secondaire, bid-offer, etc..). Les contrats sont des contrats standards basés sur le modèle établi par l’ISDA qui comprend des clauses d’interruption.

Pourriez-vous nous citer un ou deux exemples d’échappatoire ?
Une contrepartie qui ne respecte pas ses engagements, qui ne livre pas sa valorisation en temps et en heure.
Vous semble t il nécessaire d’imposer plusieurs contreparties en fonction du volume d’affaires ?
Cela dépend de la qualité de la banque qui est contrepartie.
En fonction des encours nous diversifierons les contreparties, nous ne resterons pas sur une seule. D’ores et déjà nous avons plusieurs contreparties sur certains de nos ETF.
Est-il nécessaire de l’imposer sur le plan réglementaire ? Je n’en suis pas certaine.
C’est le travail du gérant : il est là pour servir au mieux son client, le porteur de parts, et non son actionnaire.

Certains avancent l’idée d’un label réservé aux ETF les plus complexes ?
Cette idée trouve sa source auprès de la FSA britannique.
Une distinction entre produits complexes et produits non complexes ne veut pas dire forcément que le particulier va faire plus attention à ce qu’il achète.
Beaucoup de particuliers ne prennent jamais la précaution de lire la documentation juridique et de regarder les risques. Il y a un comportement moutonnier.
Ce label ne résoudra pas forcément les choses. Il faut insister sur la pédagogie par le biais de séminaires ou tout autre outil marketing, plutôt que de rajouter des documents juridiques ou avertissements.
Il existe une offre étoffée sur le marché des ETF. Une offre qui continue à se développer notamment sur des indices dits de stratégie. Ossiam se spécialise sur cette offre d’ETF de Stratégies.
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