Si vous suivez régulièrement les actualités qui gravitent autour des cryptomonnaies, vous êtes sans nul doute au courant qu’Ethereum a, le 15 septembre dernier, modifié son mécanisme de consensus en passant de la preuve de travail (PoW) à la preuve d’enjeu (PoS). Un événement appelé The Merge. Suite à cet événement, en passant en quelque sorte d’un moteur thermique à un moteur électrique, la machine Ethereum s’est définitivement et officiellement ouverte à tout un panel de nouvelles solutions qui peuvent drastiquement améliorer les performances techniques de la blockchain. Parmi ces solutions, nous pouvons identifier trois outils, entre autres, communément appelés des Layer 2 (ou couches 2), qui ont su séduire les utilisateurs ces derniers mois.

Afin de bien cerner dans quel contexte évolue Ethereum, je vous suggère, si ce n’est pas déjà fait, de lire deux articles qui mettent en exergue les enjeux qui gravitaient autour de The Merge, la fusion du modèle de consensus d’Ethereum :

  1. The Merge : 12 minutes pour changer le visage d’Ethereum
  2. The Merge : les conséquences de la fusion d’Ethereum

C’est quoi ces Layer 2 ? 

Ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Commençons par identifier ce qu’est un Layer 1 (couche 1). Cette fameuse couche 1 correspond à l’architecture principale sous-jacente d’une blockchain. Typiquement, Bitcoin et Ethereum sont des Layer 1. Autrement dit, elles sont autonomes car elles peuvent valider et finaliser les transactions sans faire appel à un autre réseau pour les épauler. Le problème étant que, par leur infrastructure complexe, ces Layer 1 n’offrent pas, pour l’instant, des conditions optimales pour les utilisateurs et les développeurs. Le Graal de tout réseau Web3 étant d’atteindre le trilemme des blockchains, d’ailleurs évoqué par Vitalik Buterin, confondateur d’Ethereum : scalabilité, décentralisation et sécurité.

Bien que le critère de la sécurité soit rempli par ces deux blockchains jusqu’à présent, l’évolutivité est en revanche sacrifiée en affichant 5 transactions par seconde pour Bitcoin et entre 13 et 20 pour Ethereum. Nous comprenons assez facilement que l’adoption massive de ces réseaux est compromise, d’un côté par leur lenteur d’exécution, et de l’autre, par leur augmentation des coûts de transaction lorsqu’ils sont saturés d’opérations. C’est maintenant qu’interviennent les Layer 2 (couche 2).

Bitcoin peut compter sur Lightning Network (que nous explorerons dans un prochain article) et Ethereum sur différentes solutions comme Arbitrum, Polygon ou encore Optimism qui permettent, pour faire simple, de regrouper en dehors de la chaîne principale des centaines de transactions en une seule opération, qui est ensuite soumise pour exécution finale sur la chaîne principale, le Layer 1. Ça y est, on touche aux ingrédients de la potion magique 3.0. C’est en quelque sorte une compression de plusieurs transactions en une seule sur le Layer 2, qui est ensuite envoyée pour validation finale sur la blockchain principale. Ces différentes couches, qui portent bien leur nom puisqu’elles viennent se superposer comme une chaîne parallèle au Layer 1, peuvent traiter plusieurs milliers de transactions par seconde pour un coût très faible tout en s’appuyant sur la sécurité du réseau principal, en l'occurrence Ethereum. 

Nous comprenons ainsi pourquoi beaucoup de développeurs s’orientent vers ce type de solution pour faire fonctionner leurs applications car, comme nous l’avons vu (dans les deux articles cités en préambule), la fusion d’Ethereum n’a pas rendu le réseau plus efficace en termes de réduction des frais de transaction ou d’augmentation du débit d'exécution des opérations. Jetons un œil aux différents Layer 2 présents sur Ethereum.

Polygon (MATIC)

Polygon est une blockchain indépendante accolée (sidechain) à la blockchain Ethereum. Alors pourquoi nous pouvons la considérer comme un Layer 2 d’Ethereum si elle est indépendante ? Les deux blockchains sont connectées par des ponts (bridges) et des smart contracts qui peuvent transporter des informations d’Ethereum vers la sidechain Polygon et vice-versa. Par essence, une sidechain peut être complètement différente de la blockchain principale, que ce soit en termes de modèle de consensus (preuve de travail ou preuve d’enjeu), taille des blocs, nombre de nœuds validateurs, jetons de gouvernance etc. Mais la structure même de Polygon est conçue pour être interopérable avec Ethereum. Autrement dit, même si elle possède son propre modèle de consensus, elle interagit avec la machine virtuelle Ethereum (EVM), c’est-à-dire qu’elle peut prendre en charge les smart contracts (contrat qui exécute des opérations) écrits en Solidity (langage de programmation d’Ethereum) ainsi que gérer les tokens de norme ERC-20 (cryptomonnaies construites sur Ethereum). En fait, pour résoudre les problèmes d’évolutivité d’une application basée sur Ethereum, il suffit de déplacer l’exécution de ses smart contracts vers la sidechain de Polygon pour gagner en rapidité et diminuer les frais de transaction.

Finalement, la sidechain Polygon est clairement conçue pour effectuer la mise à l'échelle d'Ethereum et gérer le développement croissant d’applications décentralisées. Elle permet de régler des frais de transaction moins chers (divisée par 100 par rapport à Ethereum) et d’afficher une vitesse de transaction plus rapide. Le protocole a déjà réalisé jusqu'à 10 000 transactions par seconde (TPS) sur une seule chaîne latérale sur un testnet interne, ce qui est nettement plus rapide que les 14 TPS d’Ethereum.

L'intégration des paiements des jetons MATIC, le jeton natif du réseau Polygon, aux applications décentralisées est simple et peut évidemment être un outil utile pour les applications qui cherchent à offrir aux clients des transactions rapides et bon marché. Polygon a connu un intérêt croissant en 2021 et affiche de nouveau une forte activité depuis la récente fusion d’Ethereum comme l’indique l’augmentation significative du nombre quotidien d'adresses uniques qui étaient actives sur le réseau en tant qu'expéditeur ou récepteur d’opérations sur 1 mois.

Nombre d’utilisateurs actifs quotidiennement de Polygon
token terminal

Côté chiffres concernant les développeurs d’applications, Polygon c’est : 

  • Croissance de 335 % des équipes de développeurs actives depuis le début de l'année
  • Croissance de 804 % des équipes de développeurs actives Y/Y
  • Croissance de 153 % de la consommation d'API depuis le début de l'année

Enfin, en termes de performances, Matic, le jeton natif de Polygon créé en 2020, qui permet de régler les frais de transaction et d’alimenter les différents produits de la sidechain, reste toujours sous pression depuis le début de l’année après avoir connu une hausse stratosphérique en 2021.

MATIC/USD
Zonebourse

Optimism (OP) : 

Optimism est une solution de mise à l'échelle de couche 2 pour Ethereum qui permet de réaliser jusqu'à 2000 transactions par seconde (TPS). Concrètement, elle enregistre des lots de transactions soumises à la chaîne principale Ethereum et les exécute sur une chaîne parallèle de couche 2 à l'aide d'un processus appelé transaction rollup. Pour faire simple, cette technique atténue la majorité des frais généraux de calcul et de stockage des transactions d'Ethereum. En quelque sorte, c'est une solution qui vient directement se greffer à Ethereum pour survitaminer le réseau. Ces rollups nécessitent un article dédié que nous traiterons très bientôt sur Zonebourse. Pour Optimism, nous pouvons réellement parler de couche superposée et dépendante de l’évolution d’Ethereum, contrairement à Polygon qui est une blockchain indépendante. On pourrait même parler de relation “mère-fille” entre Ethereum et Optimism qui partagent le même algorithme de consensus et où la chaîne ”fille” allège la charge des opérations de la mère à laquelle elle est subordonnée. 

Un bon nombre d’applications décentralisées d’Ethereum se retrouvent sur Optimism afin d’offrir une meilleure expérience aux développeurs et aux utilisateurs, que ce soit en termes de délai d'exécution qu’en frais de transaction. Comme pour Polygon, Optimism affiche de nouveau une forte activité depuis la récente fusion d’Ethereum comme l’indique l’augmentation significative du nombre quotidien d'adresses uniques qui étaient actives sur le réseau en tant qu'expéditeur ou récepteur d’opérations ces dernières semaines.

Nombre d’utilisateurs actifs quotidiennement sur Optimism
source : token terminal

Optimism possède son propre jeton natif, OP, permettant aux détenteurs d’obtenir un droit de vote concernant les prochaines mises à jour du protocole. Les OP ont été distribués en juin 2022 aux premiers utilisateurs.
OP/USD
Zonebourse

Côté chiffres concernant les développeurs d’applications, Optimism c’est : 
  • > 1000 % de croissance des équipes de développeurs actives depuis juin 2022
  • > 1000 % de croissance des équipes de développeurs actives depuis juin 2022
  • Croissance de 460 % de la consommation d'API depuis juin 2022

Arbitrum 

Sans grande surprise, au même titre que pour Optimism, Arbitrum est un projet de solution de couche 2, qui s’appuie également sur la technologie rollup, visant à améliorer l'évolutivité des contrats intelligents d'Ethereum. La plateforme a pour objectif de simplifier l'exécution par les développeurs des contrats Ethereum Virtual Machine (EVM) et des transactions Ethereum au niveau de la couche 2 (Arbitrum) tout en conservant la sécurité supérieure de la couche 1 d'Ethereum. Une solution semblable à celle d’Optimism. Comme évoqué précédemment, nous explorerons ce qui nuance entre ces deux solutions dans un prochain article.

Arbitrum affirme pouvoir gérer 4500 transactions par seconde soit le double d’Optimism. Comme pour Polygon et Optimism, Arbitrum affiche lui aussi une forte activité depuis la récente fusion d’Ethereum comme l’indique l’augmentation significative du nombre quotidien d'adresses uniques qui étaient actives sur le réseau en tant qu'expéditeur ou récepteur d’opérations ces dernières semaines.

Nombre d’utilisateurs actifs quotidiennement sur Arbitrum
source : token terminal

Arbitrum, qui a pourtant été créé en 2018, ne possède pas de jeton natif bien qu’il ne soit pas impossible que, au même titre que pour Optimism, les développeurs souhaitent créer un jeton de gouvernance afin de décentraliser le protocole. 

Côté chiffres concernant les développeurs d’applications, Arbitrum c’est : 

  • Croissance de 516 % des équipes de développeurs actives depuis le début de l'année
  • Croissance de 795 % des équipes de développeurs actives Y/Y
  • Croissance de 121 % de la consommation d'API depuis le début de l'année

Le mot de la fin

Les projets de couche 2 comportent des risques par rapport à la détention de fonds et aux transactions directes sur Ethereum Mainnet. Par exemple, les séquenceurs sur un Layer 2 peuvent tomber en panne, ce qui vous oblige à attendre jusqu’à ce que le problème soit résolu pour accéder à vos fonds. Les ponts blockchain, qui facilitent les transferts d'actifs de la couche 1 vers la couche 2, en sont à leurs premiers stades de développement et il est probable que la conception optimale du pont n'ait pas encore été découverte. Ce qui les rend potentiellement vulnérables face à des hackers aux intentions perfides. Nous avions parlé de ces risques ici : les ponts inter-chaînes représentent 69% des hacks

Vitalik Buterin, cofondateur d’Ethereum, a mentionné que ces Layer 2 était la meilleure solution à court terme pour permettre aux développeurs et aux utilisateurs d’avoir la meilleure expérience avec les applications du réseau. Mais Buterin compte peut-être bien ne plus compter sur eux dans les prochaines années dans le meilleur des scénarios, ou sinon les intégrer définitivement. Après The Merge, que nous avons connu le 15 septembre, interviendra la prochaine mise à jour appelée The Surge, qui ne devrait pas être mise en œuvre avant au moins un an. Celle-ci introduira la technologie du “sharding” et contribuera à augmenter la scalabilité d’Ethereum nativement en divisant la chaîne principale en plusieurs chaînes plus petites appelées “shards”. Nous avons exploré largement cette technologie de sharding dans cet article : Near peut-elle faire de l’ombre à Ethereum ? Ce sharding qui devrait, d’après Vitalik Buterin, avoir lieu en 2023 permettra d’améliorer la scalabilité d’Ethereum d’un facteur 100 000. Cette fois-ci, l’utilisateur devrait pouvoir ressentir une nette amélioration dans son expérience d’utilisation directement sur le réseau.En attendant, Ethereum n’a, pour l’instant, pas d’autres choix que de s’appuyer sur ces Layer 2. 

L’objectif de cet article était de comprendre les enjeux qui gravitent autour de ces solutions de couche 2, mais dans de prochains articles nous explorerons les subtilités techniques qui permettent de les différencier. Et si je vous disais aussi qu’il existe aussi des Layer 3 ? Et si la recette de la potion magique n’était pas terminée ? A retrouver très vite dans les colonnes de Zonebourse.