J'ai lu ce matin le commentaire bien tourné d'une banque d'affaires qui parlait de bruit médiatique et de vérité. L'auteur y explique en gros que les marchés financiers réagissent depuis deux semaines aux informations contradictoires en provenance d'Ukraine et de Russie et que seule la volatilité en sort gagnante, mais pas la vérité. C'est assez juste évidemment, et cela nous prouve que la narration reste au cœur de la façon dont nous percevons les événements, qui plus est dans notre société surinformée (ou surdésinformée, rayez la mention inutile).

Hier donc, les marchés européens ont poursuivi leur rebond, en se racontant leur vérité du moment : les discussions continuent entre les belligérants pour aboutir à un cessez-le-feu et le pétrole baisse. L'autre vérité, c'est que l'on continue à s'étriper sur le terrain et à ravager l'Ukraine, pendant que le baril reste plus cher qu'il y a quinze jours. Je ne sais plus qui a écrit "le prix détermine le récit et le récit détermine le prix, de sorte que les folies peuvent durer longtemps", mais il avait foutrement raison.

L'optimisme de façade en Europe n'est pas forcément partagé par les Américains, qui ont encore connu une journée boursière compliquée hier. Malgré la proposition d'Elon Musk de provoquer Vladimir Poutine en duel d'homme à homme. Je me demande s'il y a plus dangereux qu'un milliardaire américain qui s'ennuie. Mais c'est un autre débat. Si le Dow Jones continue à faire de la résistance, le Nasdaq 100 a baissé pavillon en perdant 1,9%. L'indice technologique est officiellement entré en marché baissier, ou bear market (bear = ours, l'animal qui symbolise la baisse des marchés financiers et qui illustre ce papier), c’est-à-dire qu'il a perdu plus de 20% sur ses récents pics (précisément, il est passé de 16 576 points le 27 décembre 2021 à 13 046 points en clôture hier, soit -21,2%).

Le Nasdaq n'est pas le seul lieu qui dysfonctionne actuellement. Je pourrais citer par exemple la bourse russe et le marché du nickel, qui pour le coup ne fonctionnent plus du tout. Mais aussi les valeurs technologiques chinoises, qui déconnent à plein tube. Ou le service de la dette russe, qui se profile demain et qui se fera en rouble et plus en dollar, sanctions obligent. Je peux aussi citer l'investissement socialement responsable, dont tout le monde parle mais qui passe systématiquement au second plan derrière l'urgence économique.

Et puis il y a le dysfonctionnement majeur du moment, l'inflation galopante, qui va saccager le pouvoir d'achat d'une bonne partie de la planète dans les semaines à venir. Lors de la réunion du conseil municipal de mon village hier, notre maire qui officie dans le domaine agricole dans le privé a lancé "vous verrez qu'il y aura des bons alimentaires en France à partir de cet été". C'est sa vérité du moment. Peut-être que ce sera la nôtre aussi dans quelques mois. Les banques centrales sont censées s'occuper du problème, même si elles sont très éloignées de mon village. Notamment la banque centrale américaine, qui doit démarrer demain sa campagne de relèvement des taux directeurs, en serrant la vis d'un quart de tour. Les "swaps" liés à la Fed intègrent désormais sept hausses de taux en 2022. L'économiste Brian Wesbury écrivait hier soir que les hommes politiques essaient d'imputer l'inflation à toutes sortes de causes. A gauche, à la cupidité des entreprises ou à la Russie. A droite, à la dépense publique ou aux déficits. Au centre, à la démondialisation. Alors qu'en réalité, elle est essentiellement issue de l'expansion de la masse monétaire alimentée par la banque centrale. "Si la masse monétaire augmente trop rapidement, l'inflation augmente ; si la masse monétaire augmente trop lentement ou diminue, il y a déflation.  Si la banque centrale fait bien son travail, vous obtenez des prix stables", estime Wesbury. Son attaque vise bien sûr la Fed, qui a du pain sur la planche si elle veut reprendre le contrôle d'une situation qu'elle a elle-même créée. Mais elle s'applique aussi aux autres banques centrales qui ont choisi la fuite en avant pour gérer les problèmes économiques depuis la crise financière de 2008, en ratant les occasions qu'elles avaient de normaliser leurs politiques quand la situation économique le permettait.

A la veille de l'important changement de politique monétaire de la Fed, le rendement de la dette américaine à dix ans est monté à 2,14%, dépassant ses pics récents. Les marchés boursiers chinois s'effondrent à nouveau, avec un Hang Seng qui perd 5% à l'heure où ces lignes sont écrites. Tokyo fait encore de la résistance en grappillant quelques points sur le Nikkei 225. Les indicateurs avancés européens pointent vers une ouverture en baisse, avec une volatilité toujours bien présente, on l'aura compris. L'indice de nervosité américain VIX est remonté non loin de 32 points, pendant que son homologue européen calqué sur le DAX, le VDAX, est stable autour de 40 points. Ceux qui se sentent une âme d'investisseur de long terme devraient peut-être éteindre leurs ordinateurs et aller à la pêche pour échapper au bruit ambiant. C'est ma vérité du jour, mais vous n'êtes pas obligés de la partager.

Le CAC40 perdait 1,1% à 6300 points peu après l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

Le sondage ZEW de confiance des investisseurs allemands est attendu à 11h00 (cet indicateur mesure le moral des analystes sur la situation de l'économie allemande à six mois, par rapport à l'enquête du mois précédent). Aux Etats-Unis, l'indice Empire State de mars et l'indice des prix à la production de février seront publiés à 13h30. L'Empire State est un questionnaire d'activité envoyé à 200 dirigeants industriels de la région de New York le 1er du mois, qui mesure le dynamisme de l'économie.

L'euro se négocie 1,0982 USD, en légère hausse. L'once d'or perd à nouveau du terrain à 1941 USD. La décrue du pétrole continue, avec un Brent de Mer du Nord à 102,30 USD et un brut léger américain WTI à 98,56 USD. Le rendement de la dette américaine dépasse ses sommets récents à 2,14% sur 10 ans, pendant que la dette allemande prend plus de 10 points depuis la veille, avec un Bund à 0,36%. Le bitcoin navigue autour de 39 000 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Air France-KLM : Berenberg reste à la vente avec un objectif de cours réduit de 3,25 à 3,10 EUR.
  • Aperam : Exane BNP Paribas passe de surperformance à neutre en visant 56 EUR.
  • Aryzta : Baader Helvea passe d'accumuler à acheter en visant 1,30 CHF.
  • Asos : Exane BNP Paribas passe de neutre à sousperformance en visant 1900 GBp.
  • Associated British Foods : Exane BNP Paribas passe de surperformance à neutre en visant 2050 GBp.
  • Biotalys : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 10,50 à 9 EUR.
  • CGG : Barclays passe de pondération en ligne à souspondérer.
  • Currys : Exane BNP Paribas passe de neutre à sousperformance en visant 85 GBp.
  • Deutsche Börse : Exane BNP Paribas passe de neutre à surperformance en visant 180 EUR.
  • EssilorLuxottica : Société Générale passe de vendre à conserver en visant 179 EUR.
  • Eurazeo : AlphaValue reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 89,70 à 93 EUR.
  • HeidelbergCement : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 68 EUR.
  • Hunting : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 330 à 380 GBp.
  • Ipsen : J.P. Morgan réduit son objectif de cours de 88 à 80 EUR.
  • LVMH : RBC réduit son objectif de cours de 880 à 770 EUR.
  • OMV : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 65 à 54 EUR.
  • Prosus : J.P. Morgan passe de surpondérer à neutre en visant 47 EUR.
  • Puma : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 115 à 95 EUR.
  • Rentokil : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 675 à 650 GBp.
  • SIG Combibloc : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 30 à 27 CHF.
  • Subsea 7 : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 90 à 100 NOK.
  • SUSE : Jefferies passe de conserver à acheter en visant 31 EUR.
  • Swedbank : Goldman Sachs passe de vendre à neutrons visant 169 SEK.
  • Technip Energies : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 18 à 14 EUR. Barclays passe de souspondérer à pondération en ligne.
  • Unibail : Société Générale passe de vendre à achat en visant 71 EUR.
  • Zalando : Exane BNP Paribas passe de sousperformance à neutre en visant 52 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Greenpeace France et Les Amis de la Terre France somment TotalEnergies de quitter la Russie.
  • Sanofi annonce une collaboration de 300 M€ avec Blackstone Life Sciences dans le myélome multiple.
  • Unibail vend un site en développement aux Etats-Unis pour 82,5M$.
  • Accor prévoit d'ouvrir plus de 300 nouveaux hôtels et resorts cette année.
  • Neoen vise 360 à 375 M€ d'Ebitda cette année et conforme ses prévisions 2025.
  • Vallourec lance sa plateforme de sélection des matériaux.
  • Aramis a convaincu 164 employés de participer à son premier plan d'actionnariat salarié.
  • DBV Technologies invitée à présenter à la 32e Oppenheimer Annual Healthcare Conference.
  • Pixium Vision convoque ses actionnaires pour valider de nouvelles sources de financement.
  • Lucibel communique sur le masque OVE développé par sa filiale cosmétique.
  • Eurasia rachète la Tour La Villette.

Dans le monde

Annonces importantes (et autres)

  • Foxconn (Hon Hai Precision) négocierait l'installation d'une usine de 9 Mds$ en Arabie Saoudite, selon le Wall Street Journal.
  • Solvay a présenté mardi un projet de séparation en deux entités indépendantes cotées en Bourse, l'une dans la chimie de base et l'autre dans la chimie de spécialités.
  • Intel va probablement choisir l'Allemagne pour implanter sa prochaine usine européenne.
  • Amazon pourrait être à quelques jours de conclure un accord concernant le rachat des studios de cinéma Metro Goldwyn Mayer, date-butoir pour la décision de la FTC.
  • Nielsen Holdings est courtisé par un consortium d'investisseurs, dont Elliott, pour 15 Mds$, selon le Wall Street Journal.
  • Le London Stock Exchange reprendra la cotation des contrats sur le nickel le 16 mars.
  • Equinor va suspendre ses transactions sur le pétrole russe suite au conflit en Ukraine.
  • Vetropack améliore ses revenus mais le bénéfice net recule, pénalisé par le franc fort et la hausse des coûts. Même situation pour Stadler Rail.
  • Tencent se prépare à une amende record de Pékin pour violation des lois anti-blanchiment.
  • Uniti Group Limited confirme négocier le rachat de HRL Morrison à 4,50 AUD par action.
  • Tsingshan Holding parvient à un moratoire avec ses banques créancières sur son appel de marge après la flambée du nickel.
  • D'Ieteren signe l'accord définitif d'acquisition de PHE.
  • Dufry prolonge de six ans sa concession à l'aéroport de Bali.
  • La suspension des covenants Kinepolis prolongée jusqu'au 31 décembre 2022.
  • Les principales publications du jour : Alimentation Couche-Tard, Ferguson, Assicurazioni Generali, RWE, Hennes & Mauritz, Traton, Wacker Chemie, Reply, Stadler Rail, TecanTout l'agenda ici.

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