Les brasseurs vendent moins de bière mais gagnent plus d'argent. Kiki paie la facture ?

Volumes en baisse de -4%, chiffre d'affaires en hausse de 5%. Revenu par hectolitre +9%. Anheuser-Busch Inbev, le papa de Stella, Jupiler, Corona, Leffe, Hoegaarden ou Budweiser, sort d'un bon trimestre, même si les gens boivent manifestement moins de bière. Il fut un temps où seuls les hectolitres écoulés importaient dans le secteur. Eh bien c'est fini. Ce qui est important, c'est le planter de bâton la croissance du revenu par hectolitre (en l'occurrence 9% sur le trimestre, après 9% sur le trimestre d'avant et 12,4% sur l'antépénultième). AB Inbev explique que ce petit miracle, répété depuis plusieurs trimestres donc, est le fruit "d’actions de tarification, de la premiumisation continue et d’autres initiatives de gestion des produits". En d'autres termes, le géant belge excelle à vendre plus cher ses boissons, même celles dont les qualités intrinsèques sont peu à même de changer (une Leffe est une Leffe). Mais ce n'est pas le seul : ses concurrents s'en tirent plutôt bien, même si Heineken, qui a moins de pouvoir de premiumisation, est un peu en-deçà.

Inflation sur la pinte (le prix, pas le volume)

Pour illustrer cette évolution, on peut trouver assez facilement des statistiques auprès des offices nationaux qui s'occupent d'inflation (gardez à l'esprit qu'il s'agit de moyennes, et que les prix varient beaucoup entre la ville et la pas-ville). Ainsi, au Royaume-Uni, l'ONS indique que le prix de la pinte de bière est passé de 380 à 462 GBX (de 4,35 à 5,30 EUR environ) en deux ans, soit une hausse de 21,6%. En France, où l'INSEE mesure le prix de la bière en demi plutôt qu'en pinte, le tarif moyen d'une blonde est passé de 3,09 EUR à 3,35 EUR en deux ans. On peut en conclure que l'inflation sur la bière, 10,5%, était deux fois moins forte qu'au Royaume-Uni. Mais que les Britanniques paient toujours leur bière moins cher que les Français. Tant mieux pour eux, puisque le Britannique moyen consomme 70,3 litres de bière par an (!!), loin devant le Français (33 litres !). On reste loin du recordman du monde, le tchèque, avec 140 litres (vraiment !!!).

Mais ce qu'il faut surtout retenir, c'est que les brasseurs vendent leurs produits plus cher, puisque les volumes baissent mais que le chiffre d'affaires augmente. Et ça ne devrait pas changer. Le directeur financier d'Heineken voit "peu de risques" que ça arrive, quand le PDG de Carlsberg n'a pas hésité à affirmer ce matin "nous ne prévoyons aucune réduction de prix nulle part". Moralité ? Ne pas compter sur les brasseurs pour participer à la déflation.

Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse

A ce stade, les résultats tiennent mais ils s'érodent un peu : on ne peut pas avoir la bière, l'argent de la bière et la moustache du brasseur. Pour autant, les analystes et les entreprises du secteur pensent qu'ils vont rebondir en 2024, car l'effet des hausses de prix va jouer à plein pendant que les coûts des intrants devraient s'assagir (enfin, normalement). Ce devrait être le cas du blé et de l'aluminium par exemple.