Il aura suffi d’une pirouette comptable — n’avoir finalement déprécié qu’une infime partie des stocks liés au segment Yeezy — et d’une stratégie de communication bien calibrée dans le registre du « sous-promettre de sorte à sur-délivrer » pour titrer en gros que le résultat d’exploitation de l’année est de « un milliard » supérieur aux attentes.  

Cette cosmétique ne résiste pas à l’examen plus général de la performance du groupe. Sa croissance est nulle et son profit d’exploitation divisé par trois par rapport à l’année précédente. Les ventes en Amérique du Nord sont en chute libre de 16%, et ceci n’est pas qu’imputable au désastre Yeezy puisque même retraité de cet élément les ventes y déclinent de 14%

La bonne tenue du cash-flow, pour sa part, doit beaucoup à l’écoulement des stocks et la diminution du besoin en fonds de roulement qui y est liée. On peut ici s’attendre à une certaine pression sur l'exercice fiscal qui débute car Adidas lance actuellement une pléthore de nouvelles collections.

En 2024, les actionnaires existants ou prospectifs auront donc intérêt à garder leurs yeux rivés sur les pieds de leurs congénères, et voir comment la sauce prend ! 

Le management met l’emphase sur le redressement des ventes en Chine, qui augmentent de 8% en 2023. On se souvient qu’il y a quatre ans, Adidas s’y était largement sabordé en pleine affaire du Xinjiang. L’épisode avait mis un terme à une très bonne séquence de croissance qui avait vu le groupe réaligner sa performance sur celle du frère ennemi Nike. 

Le terrain gagné a hélas été perdu depuis. Un autre sabordage en règle aura été d’avoir amarré le groupe au mercurial Kayne West. Adidas espérait tenir ici son Michael Jordan, comme Nike à l’époque de son âge d’or. Somme toute prévisible, l’épilogue de cette saga prouve à qui en doutait qu’il est risqué de mettre tous ses oeufs dans le même panier.  

Adidas souligne que les ventes dans son propre réseau de magasins augmentent de 12%. Le développement est positif, mais il fallait au moins cela pour absorber le recul des ventes en ligne et via les distributeurs — de respectivement 5% et 4%. Pris ensemble, ces deux canaux représentent les quatre-cinquièmes du chiffre d'affaires consolidé.

Pas certain, dans ces conditions, que les gains de valorisation des derniers trimestres soient pleinement justifiés. Il y a dix-huit mois, nous soulignions qu'il existait une réelle opportunité d'entrée lorsque le cours frisait avec les cent euros par action ; notre point de vue serait autrement plus réservé aujourd'hui.