Airbus, qui n'a révélé aucun secret militaire américain, continue "comme d'habitude" à demander des licences à l'exportation dans le cadre de la réglementation américaine sur la commercialisation d’armes (Itar), a précisé le directeur financier Harald Wilhelm à des journalistes, lors de la publication des résultats trimestriels du groupe.

Cet examen interne mené par Airbus est distinct d'enquêtes sur l'utilisation d'agents lors de ventes d'avions de ligne, qui ne sont pas soumis aux Etats-Unis aux mêmes contrôles que les exportations d'armes mais sont sujets à certaines restrictions concernant le recours à des technologies avancées de navigation.

"Airbus a soumis sa notification initiale concernant des problèmes potentiels au département d'Etat en novembre 2016", a précisé le groupe dans une déclaration transmise à Reuters.

"Par la suite, nous avons continué notre examen qui nous a conduits à fournir au département d'Etat à la fin juillet 2017 une divulgation officielle, détaillée et volontaire et les résultats de notre enquête."

Airbus a souligné dans son communiqué de résultats trimestriels ne pas pouvoir estimer "raisonnablement" les conséquences du problème.

Harald Wilhem n'a pas non plus souhaité préciser si cette nouvelle divulgation pourrait déclencher une enquête du département américain de la Justice, qui est pour l'instant resté à l'écart des enquêtes anticorruption menées en Europe.

DES MILLIARDS D'EUROS D'AMENDES POTENTIELS

Le département de la Justice partage des compétences avec le département d'Etat concernant le règlement Itar en cas de suspicion d'activité criminelle.

Selon une source proche du dernier dossier en date, les inexactitudes portent à la fois sur des noms d'agents et sur les sommes versées.

Cette divulgation fait écho aux anomalies dans les demandes d'aides à l'exportation au Royaume-Uni à l'origine d'enquêtes distinctes du Serious Fraud Office (SFO) britannique et du Parquet national financier (PNF) français. Mais l'équipe au centre de ces accusations n'était pas concernée par la procédure américaine Itar, selon des sources.

En révélant elle-même les anomalies et en coopérant totalement aux enquêtes européennes, Airbus espère pouvoir obtenir un accord similaire au règlement de 680 millions d'euros accordé cette année au motoriste britannique Rolls-Royce.

Selon des experts juridiques, Airbus pourrait écoper de plusieurs milliards d'euros d'amendes en raison de la masse de documents suspects remontant à des années.

Les procédures au Royaume-Uni et en France ne font pas l'objet de provisions dans les comptes d'Airbus.

Harald Wilhelm s'est refusé à se risquer à toute prévision sur leur durée, estimant seulement qu'au regard d'autres affaires, elles pourraient prendre plusieurs années.

Tom Enders, président exécutif d'Airbus, a mis en garde début octobre le personnel du groupe contre une "période turbulente et déroutante" liée à ces deux enquêtes, qui pourraient entraîner des "pénalités importantes" pour le groupe.

"SPECULATIONS" SUR L'AVENIR DE ENDERS

Signe de la pression qui pèse sur Tom Enders, le Canard Enchaîné à paraître mercredi affirme qu'Emmanuel Macron souhaiterait que le numéro un d'Airbus soit remplacé et se serait donné jusqu'à fin janvier pour trouver le bon candidat.

Citant un proche du chef de l'Etat, l'hebdomadaire satirique précise que la chancelière allemande, Angela Merkel, ne serait pas opposée à ce qu'un Français prenne la tête du groupe aéronautique européen.

Au moins deux personnalités pourraient faire l'affaire et ont été sollicitées, selon le Canard, qui cite les noms du PDG de Thalès Patrice Caine - qui a décliné la proposition - et du PDG d'Atos Thierry Breton (Atos), qui pourrait devenir administrateur. Le nom de l'ancien patron d'Air France, Alexandre de Juniac, est également cité.

"On ne commente pas les spéculations", a réagi un porte-parole d'Airbus.

Tom Enders figure actuellement parmi les personnes visées par une enquête distincte à Vienne sur la vente à l'Autriche en 2003 d'avions de combat Eurofighter pour deux milliards de dollars. Mais Tom Enders a démenti toute malversation, jugeant l'enquête politiquement biaisée.

Le consortium Eurofighter réunit Airbus et le britannique BAE Systems avec 37,5% chacun, le solde revenant à l'italien Leonardo.

En Bourse, l'action Airbus mène les hausses de l'indice CAC 40 en début d'après-midi, les investisseurs saluant la confirmation des objectifs annuels du groupe après des résultats trimestriels en ligne avec les attentes.

(avec Jean-Baptiste Vey, édité par Yann Le Guernigou)

par Cyril Altmeyer et Tim Hepher