Paris (awp/afp) - Matériaux recyclables ou biosourcés, vitrage intelligent, batteries: sans abandonner le pétrole, le chimiste français Arkema, qui a confirmé mercredi l'élan de la reprise dans ses résultats du 3e trimestre, mise sur les "matériaux" de la transition énergétique, du bâtiment ou de l'automobile.

Que ce soit une peinture blanche contenant une fine couche de résine transparente pour mieux refléter le soleil et ainsi participer à l'isolation des bâtiments, ou un revêtement de vitrage qui laisse pénétrer les rayons du soleil et empêche la chaleur de ressortir, l'entreprise, sortie depuis 2006 du groupe Total, espère que son portefeuille d'activités sera centré à "100%" sur les "matériaux de spécialités" en 2024, à forte valeur ajoutée.

Arkema, qui possède une trentaine d'usines en France, a abandonné au passage des activités de "matériaux intermédiaires" comme le plexiglas, et envisage de se séparer de son activité de gaz fluorés (CFC, HFC), très émetteurs de gaz à effet de serre.

Et il vient tout juste de changer son identité visuelle pour mettre en valeur le "MA" de matériaux dans son nom, au détriment du K, qui désignait la chimie.

Cette stratégie, initiée en 2020, semble lui réussir. Le groupe a plus que doublé son bénéfice net au troisième trimestre, à 247 millions d'euros contre 93 millions un an auparavant.

Il a relevé pour la troisième fois cette année ses prévisions pour 2021, et table désormais sur un bénéfice d'exploitation de 1,6 milliard d'euros, en hausse par rapport à 2020 et 2019.

"Nous récoltons les fruits de notre stratégie orientée sur l'innovation pour répondre aux défis des grandes tendances sociétales", a résumé son PDG Thierry Le Henaff, lors d'une présentation à la presse.

Indispensable pétrole

Le groupe a par exemple annoncé au printemps l'achat de l'américain Edge Adhesives, spécialisé dans les adhésifs sur mesure pour le bâtiment. Et annoncé au troisième trimestre son intention de racheter l'activité "performance adhésives" d'Ashland, aux Etats-Unis également, spécialisé dans les solutions adhésives pour l'industrie.

Il prévoit en Chine, en 2023, le démarrage d'une usine de poudres de polyamide qui travaillera avec celle de Singapour fabriquant du polyamide 11 biosourcé, à partir d'extrait de ricin (Rilsan).

Ce matériau peut être utilisé dans des pièces moteurs automobile car il résiste aux très hautes températures. Il est utilisé aussi sous d'autres formes dérivées pour l'impression 3D en plein développement, pour faire du textile "respirant", ou des semelles de chaussures de sport.

Arkema mise aussi sur les batteries. Il vient d'entrer en juillet au capital d'une start-up grenobloise, Verkor, pépite spécialisée dans les batteries de haute performance, sélectionnée par Renault pour préparer l'arrivée du tout électrique dans l'automobile.

Le secteur des batteries devrait générer "plus ou moins la moitié" du milliard d'euros de nouveau chiffre d'affaires espéré en 2024 (par rapport à 2019) grâce à la nouvelle stratégie, a indiqué M. Le Henaff.

Même s'il a souffert comme l'ensemble de l'industrie des pénuries de matières premières, le groupe a transféré les hausses de prix sur ses tarifs, ce qui a préservé sa rentabilité. Mais il s'attend à de nouvelles augmentations "au quatrième trimestre", a prévenu M. Le Henaff qui dit "n'avoir jamais vu dans sa carrière de hausse aussi générale à ce niveau-là" et "espère" une baisse en 2022.

"Penser que l'on fera des matières sans avoir recours aux masses pétrolières n'est pas concevable", a néanmoins prévenu le dirigeant: "l'ensemble des chimistes et de fabricants de matériaux de spécialité continueront d'avoir une partie importante de leurs matières premières qui viendront de produits pétroliers".

"Mais par contre, nous ferons de plus en plus de produits biosourcés, de plus en plus de produits recyclables et recyclés". Arkema vient de racheter la société italienne Agiplast, spécialisée dans les polymères recyclés.

Le groupe s'est engagé à publier des objectifs sur ses émissions indirectes de gaz à effet de serre, dites "scope 3", ce qui inclurait les émissions générées par ses fournisseurs de matières premières. Mais cela sera "dans une période qui reste à définir", a ajouté M. Le Henaff.

afp/rp