Un bon garde-fou lorsqu'on investit est de se tenir à l'écart des problèmes — plutôt qu'espérer les régler, autant simplement les éviter. Or ceux-ci arrivent en pagaille chez BAT. Le principal d'entre eux reste la baisse à deux chiffres des volumes de combustibles vendus, qui ne peuvent désormais plus être amortis par des hausses de prix répétées. Cette dynamique se double par ailleurs d'une tension législative extrême aux Etats-Unis, où le groupe réalise la moitié de son profit d'exploitation.

Hélas pour les actionnaires, et contrairement à ce que l'on peut lire dans certains médias ce matin, la dépréciation d'actifs ne sera pas déductible fiscalement puisque qu'elle concerne un écart d'acquisition plutôt qu'un investissement capitalisé. Elle reste néanmoins sans impact sur les cash-flows, et a priori sur l'endettement.

Le management fait au passage avaler une autre pilule amère à ses actionnaires, en se résignant enfin à admettre que ses précédentes projections de croissance dans la fourchette des 5%-7% étaient irréalistes. Ces dernières sont donc revues à la baisse, et fixées à 3%-5%. D'aucuns avanceront que cela demeure peut-être trop optimiste.

Les amateurs de couteaux qui tombent saliveront à la vue d'une capitalisation boursière qui ne représente qu'un multiple de cinq à six années de profits, et d'un rendement sur dividende qui atteint 10%. Certes il y a £40 milliards de dette nette, mais son échéancier reste bien ventilé et BAT pourrait monétiser une partie de sa participation — £15 milliards au cours du marché — dans le cigarettier indien ITC.  

Le britannique est pris en tenaille entre trois orientations stratégiques : racheter ses actions, pour un rendement en théorie trois fois supérieur au coût de sa dette ; jouer la sécurité et au contraire privilégier le désendettement, au risque de déprimer la rentabilité ; ou investir dans les produits de nouvelle génération, dits NGP. Jusque-là, il n'a que timidement fait un peu des trois, sans satisfaire personne.

Là où Philip Morris a construit une position compétitive inattaquable dans les NGP avec sa marque de tabac à chauffer IQOS, BAT a fait le choix d'orienter sa stratégie vers le tabac à "vaper" avec Vuse. Cependant, la concurrence est féroce sur ce segment, et si l'on peut légitiment s'attendre à la voir s'amenuiser au fur et à mesure que sévit le législateur, le retard à l'allumage est ici criant. 

Idem dans les tabacs à chiquer. Malgré le succès de Velo, BAT reste loin derrière son rival en terme de pénétration de marché, a fortiori depuis que ce dernier a racheté Swedish Match. Pionnier des NGP, Philip Morris travaille secrètement à un spin-off de son activité combustibles qui lui permettrait de développer ses nouveaux débouchés et d'évacuer une partie substantielle de sa dette.

BAT annonce que son activité NGP devrait atteindre l'équilibre cette année, et représenter la moitié de son chiffre d'affaires d'ici 2035 — soit presque dix ans après Philip Morris. C'est là un horizon de temps fort lointain : si la baisse des volumes de combustibles se poursuit à ce rythme, cela ne suffira pas à sauver les meubles.