Tour d'horizon des activités du groupe

Derichebourg est une entreprise familiale, dont l’activité principale repose sur la collecte des déchets et le recyclage des ferrailles et des métaux non ferreux (Aluminium, cuivre, plomb...). Le groupe développe aussi une branche multiservices qui s’adresse aussi bien aux industriels qu’aux collectivités au travers de solutions de nettoyage, d’éclairage public, d’affichage ou encore de sourcing RH et d'intérim. Cette branche permet d’apporter de la stabilité au groupe qui connaît jusqu’à lors une cyclicité de ses revenus, fortement dépendants du cours de l’acier et autres métaux.

Derichebourg environnement, la branche recyclage du groupe, profite aujourd’hui de l'expansion de la technologie de production d’acier par four à arc électrique, qui peut accueillir une proportion plus significative de ferrailles par rapport aux hauts fourneaux. Le recyclage de l’acier et des autres métaux provenant de véhicules hors d'usage, de matériel électronique et autres débris industriels traduit l’implication du groupe dans la lutte contre le réchauffement climatique et le développement d’une économie circulaire.

La stratégie du groupe repose sur des investissements et acquisitions qui lui permettent de développer son maillage territorial et ainsi éviter le transport des millions de tonnes de matériaux que le groupe collecte et valorise.

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Figure 1 : Description des activités du groupe Derichebourg

La nécessité de recycler

On peut légitimement se poser la question de la place de Derichebourg dans un portefeuille responsable. Le recyclage des déchets, dont les métaux, semble être une solution évidente à la lutte contre le réchauffement climatique. Encore faut-il que les méthodes de transformation ne soient pas plus énergivores ou émettrices de GES que les procédés de production de métaux vierges. Ce qui est certain, c'est qu'une économie de ressource est faite.

D’après la direction, et cela va dans le sens des rapports du GIEC, “le recyclage de produits en fin de vie est la seule alternative aux ressources primaires qui s’amenuisent. La production de minerai primaire est inexistante dans plusieurs régions du monde. Les produits recyclés sont donc la seule mine de surface disponible.” 

De plus, il s'avère que la production de produits “secondaires” coûte moins cher que la fabrication de produits vierges. Les investissements sont trois à quatre fois moins élevés et l’économie d’énergie est très significative (60 à 99% en fonction des métaux).

Quelques chiffres de 2020

Derichebourg environnement, c’est un CA supérieur à 1 600 M€ pour un EBITDA approchant les 143 M€ généré grâce aux 3 160 milliers de tonnes de ferrailles et 550 milliers de tonnes de MNF (Métaux Non Ferreux) valorisées. La société possède environ 28 broyeurs, 67 presses-cisailles et 465 ha de propriété répartis dans 9 pays différents. Cela lui permet de traiter, entre autres, plus de 400 000 véhicules hors d’usage et 200 000 tonnes de déchets électroniques. La branche environnement emploie seulement 4900 collaborateurs.

Derichebourg Multiservices occupe une place légèrement moins importante dans le groupe avec 800 M€ de CA mais emploie plus de 37 300 collaborateurs. Leur activité se traduit par un ensemble de services tels que la propreté, l'intérim, l’énergie et les services aéronautique externalisés.

Un groupe, deux branches

Les deux activités sont soumises à des cycles économiques différents. D’après la direction, “la volonté d’adjoindre au recyclage une activité plus résiliente s’est traduite par l’acquisition des activités multiservices.”

L’activité multiservices semble tout de même assez éparse. Un nombre conséquent d’activités de différentes natures sont développées. Cette branche est censée apporter de la stabilité financière au groupe et permet d’éviter une dépendance trop importante du CA vis-à-vis du prix des métaux. Cependant, la crise que nous traversons n’a pas épargné le marché des services aux entreprises. Même si le CA de l’activité multiservices recule seulement de 2.5% sur l’année 2020 contre 11.9% pour Derichebourg environnement (effet volume sur les ventes de ferrailles, hauts fourneaux à l’arrêt chez leurs clients…), le redémarrage de certaines activités reste lent (aéronautique principalement).

Le marché du recyclage

Revenons sur l’activité recyclage. Le marché des ferrailles dans le monde est estimé à environ 700 millions de tonnes par an, dont 500 millions sont accessibles aux sociétés de recyclage (la différence provenant des chutes recyclées en interne par les sidérurgistes). Le groupe a quant à lui traité 3,16 millions de tonnes au cours de l’exercice 2020, un volume en diminution de 8.3% par rapport à celui de l’exercice précédent. Mais attendez la suite et la présentation des résultats du premier semestre 2021.

 

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Figure 2 : Place du recyclage des ferrailles dans la production mondiale d'acier en fonction des procédés

Le groupe est présent surtout en France, le recyclage n’est pas une activité qui s’exporte si facilement. Dans notre pays, le groupe dispose du maillage le plus important du marché avec 162 sites. La nécessité de ces investissements s'explique dans la maîtrise des coûts de transports. La proximité du lieu de production des déchets est donc stratégique. Le groupe estime donc disposer d’une part de marché de 16 à 17% sur la collecte de ferrailles. Elle partage ce marché avec de nombreux acteurs locaux, mais surtout avec les sociétés Boone Comenor (groupe Suez Environnement) et Ecore, que Derichebourg est en phase d'acquérir (opération à l’étape antitrust pour l’instant).

L’acier issu de la filière électrique

La répartition de la production d’acier entre filière haut-fourneau et filière électrique est quelque chose de très important pour un groupe comme Derichebourg. La part de l’acier issu de la filière électrique a tendance à progresser chaque année. Même la Chine (de loin le plus gros producteur) se met à faire de l’acier plus propre ! Les avantages de la filière électrique sont nombreux: des investissements moindres, la possibilité d’arrêter et redémarrer la production (processus très long pour les haut-fourneaux), moins d’émissions de GES (rapport de 1 à 2)... Cependant, à l’heure actuelle la filière haut-fourneau bénéficie toujours d’un coût de production à la tonne plus faible. 

Les flux commerciaux de l’acier et des ferrailles

Depuis plusieurs années, la Chine réduit ses exportations d’acier vers le reste du monde. Sa consommation intérieure augmente. Cela a permis aux sidérurgistes européen (et Turcs) d’augmenter leur production. Ce sont alors les producteurs turcs qui concurrencent les aciéristes européens.

Depuis 2018, la libéralisation du commerce international (quasi-disparition des droits de douane) est remise en cause à l’initiative des USA qui taxe la majorité des importations d’acier sur son territoire. Les entreprises bien installées sur leur marché de proximité (comme c’est le cas pour Derichebourg) ont donc fait choix qui s’avère être le bon. 

Le marché du recyclage des ferrailles est connu comme étant l’un des plus volatils, combinant effet volume et effet prix. A l’heure actuelle, au vu de l’explosion du cours de l’acier, Derichebourg est en mesure de profiter de la tendance haussière.
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Figure 3 : Production mondiale d'acier et part de marché occupé par la Chine

Acquisition de Lyrsa

En 2020, le groupe consolide sa nouvelle acquisition datant de 2019. L’entreprise espagnole traite environ 1 million de tonnes de déchets métalliques par an, dont 160 000 tonnes de déchets non ferreux. Elle emploie 650 salariés. L’acquisition a été réalisée au moyen de la trésorerie disponible et de lignes de crédit déjà existantes. Cependant, un nouveau crédit syndiqué a été mis en place juste après l’acquisition. Au vu de la position géographique de Lyrsa, peu de synergies peuvent être créées entre les deux entités. Cependant, l’objectif de Derichebourg est d’appliquer la même stratégie de gestion au sein de l’entreprise (diminution des coûts et amélioration du BFR), pour monter la marge d’EBITDA de celle-ci à un niveau équivalent à l’activité française, c’est-à-dire vers les 8%.

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Figure 4 : Quantité de ferrailles et MNF (Métaux Non Ferreux) traités par le groupe Derichebourg avant et après acquisition de Lyrsa

Quand la C-19 frappe

La crise sanitaire s’est largement fait ressentir dans l’ensemble des activités du groupe. La fermeture de plusieurs usines consommatrices de ferrailles et la raréfaction de l’offre de déchets ont contraint la société à fermer la plupart de ses sites d’apport au détail. Grâce à l’activité partielle et le soutien du gouvernement, certains sites industriels sont restés ouverts. Le 10 avril 2020, la branche environnement fonctionnait à seulement 15% de son volume d'activité ! La reprise a été progressive, continue et amplifiée à partir de mai 2020. En septembre, Derichebourg environnement a retrouvé une activité comparable à celle de l’an passé en France. En Espagne, l’impact était lui aussi notable et la reprise légèrement décalée. Aux US et au Mexique, l’activité est revenue à 100% dès le mois de Juin.

Concernant la branche multiservices, l'impact a été limité ou plutôt soutenu par des activités stratégiques comme les services propreté. Concernant l'intérim, cela dépend des secteurs. L’aéronautique a souffert mais la grande distribution, la logistique et le secteur bancaire ont bien résisté. De manière générale, les clients ont eu du mal à fournir du travail à leurs propres salariés, mais désormais, beaucoup d’entreprises s’expriment sur leurs difficultés à recruter. Une bonne nouvelle pour cette activité. 

 

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Figure 5 : Evolution (par segment) de l'EBITDA du groupe Derichebourg et mise en valeur du ratio CAPEX/EBITDA courant

Les résultats du premier semestre 2021

Excellent est le terme que j’ai sélectionné pour décrire les résultats du groupe sur le S1 2021. Derichebourg profite non seulement de la reprise économique, mais aussi de l'explosion du cours des métaux sur les marchés et de l'intégration très efficace de Lyrsa (Derichebourg Espagne désormais). Alors que sur l’ensemble de l’année 2020, l’entreprise génère un EBIT aux alentours des 60M€, celui-ci s’envole pour aller chercher les 112M€ sur le premier semestre 2021. Semestre à semestre, cela correspond à une augmentation de 237% et 302% pour le segment recyclage (on raisonne en EBIT et non en EBITDA pour éviter l’impact d’IFRS16. Le groupe n’a pas communiqué sur un éventuel EBITDA after leasing).

Toujours en comparant semestre à semestre, le chiffre d’affaires augmente quant à lui de 27% par rapport au S1 2020, et 20% par rapport au S1 2019. Sans surprise, c’est la branche environnement qui explique cette augmentation (+42% de croissance de CA sur cette activité par rapport au S1 2020). Dans ce contexte d’augmentation des prix, il convient de se concentrer sur les volumes : +20.8% pour l’acier (+14% à périmètre comparable) et +8.2% pour les MNF (-10% à périmètre comparable). L’activité de collecte des déchets qui s’adressent aux collectivités et particuliers a elle aussi connu un très bon semestre. Derichebourg remporte plusieurs nouveaux contrats en Normandie et renouvelle ceux au Canada.

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Tableau 1 : Résultats du S1 2021 de Derichebourg environnement

Concernant la filière multiservices, les résultats sont plus décevants. La variation du CA S1 à S1 est en déclin de 3.4%.Cela s’explique par la baisse considérable de l’activité HR & Intérim à destination de l'aéronautique qui fonctionnait encore à plein régime de septembre 2019 à mars 2020 (S1 2020 pour Derichebourg). L’EBIT courant est lui en croissance de 19.1%. La part de services au tertiaire occupe quant à elle une part de plus en plus importante du CA de la branche multiservices. En prenant en compte la croissance des activités destinées au tertiaire et un retour éventuel de l’activité dans le secteur de l'aéronautique, le CA de la branche multiservice pourrait renouer avec la croissance.

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Tableau 2 : Résultats du S1 2021 de Derichebourg multiservices

D’après les échanges entre les analystes en charge du dossier lors de la présentation des résultats du premier semestre 2021, l’EBIT annuel de Derichebourg pourrait atteindre les 300M€.

Acquisition de Ecore

Courant 2021, la direction de Derichebourg a annoncé vouloir mettre la main sur son concurrent direct de la filière recyclage en France. Ecore, numéro 2 du recyclage en France, possède 82 sites dans 7 pays (71 en France), emploie 1400 salariés et traite 3.7 millions de tonnes de déchets par an pour un chiffre d’affaires de 1.3 milliards €. La société n'étant pas cotée, il est difficile d’avoir accès aux marges et à la rentabilité du groupe. L’opération d’acquisition en est aujourd’hui au stade de contrôle antitrust.

Conclusion

  • Dans un contexte où l’inquiétude environnementale prend de plus en plus d’importance, une entreprise comme Derichebourg joue un rôle clef. 
  • Compte tenu de la reprise économique et de l’augmentation des prix de l’acier et des métaux non ferreux tels que le cuivre et l’aluminium, les analystes prévoient un chiffre d’affaires et un EBIT courant en nette hausse pour l’année 2021.
  • Au niveau des fondamentaux, aucune inquiétude concernant la solvabilité et la liquidité de l’entreprise en dépit d’une augmentation conséquente des dettes LT courant 2020 (1.34€ de dettes pour 1 € de capitaux propres, quick ratio de 1.14). Les marges ne sont pas régulières et les ratios de rentabilité non plus, caractéristiques d’une valeur encore cyclique. Le taux de distribution est quant à lui régulièrement ajusté autour des 30%.
  • L’acquisition de Lyrsa, exploitant 18 centres de recyclage, permet à Derichebourg de poursuivre son objectif de maillage territorial et renforce la présence du groupe dans le traitement des métaux non ferreux.
  • La branche multiservice joue son rôle et apporte de la stabilité au groupe dans les périodes d'incertitude et de forte volatilité. 
  • L’acquisition de Ecore permettrait à Derichebourg de créer de nombreuses synergies réductrices de coûts en France et en Europe.

Pour ces différentes raisons, Zonebourse et la majeure partie des analystes sont positifs sur le dossier.

 

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Figure 6 : Avis et objectifs de prix des analystes en charge du dossier. Source : Refinitiv

 

Note importante : l'auteur possède des actions Derichebourg.