PARIS (Reuters) - Le projet de nouvelle régulation du marché français de l'électricité risque d'aboutir à un renforcement de la position dominante d'EDF et entraînera des hausses de prix mécaniques, a estimé Engie mercredi.

La nouvelle régulation envisagée repose sur la conclusion de contrats à long terme et sur un prix de référence de l'électricité nucléaire de 70 euros par mégawatt-heure (MWh), avec un système de taxation des revenus d'EDF à partir de 78 euros/MWh environ, qui doit permettre d'assurer une stabilité des prix pour les consommateurs à travers une redistribution des sommes ainsi prélevées.

Deuxième fournisseur d'électricité en France derrière EDF, Engie estime que ce dispositif "porte le risque d'un renforcement de la position dominante" du groupe public et souhaite que la volonté du gouvernement "d'aller vers un fonctionnement de marché assumé, sans régulation des ventes", s'accompagne d'un "fonctionnement transparent et équitable de ce marché".

Dans une déclaration à la presse, Engie a dit juger nécessaire que les activités de producteur et de fournisseur d'EDF "soient strictement séparées, afin de garantir à tous les fournisseurs un même accès aux volumes d'électricité (...) et une égalité de traitement pour proposer des contrats aux particuliers et aux entreprises".

"Ce qui est mis sur la table, c'est un fonctionnement renforcé du marché, donc une dérégulation. Nous sommes par principe favorables à cette approche. Mais il est vrai que, dans ce contexte, il est absolument critique que les règles de la concurrence s'appliquent de manière très rigoureuse", a déclaré à Reuters la directrice générale d'Engie, Catherine MacGregor.

"Les conditions dans lesquelles EDF va faire du commerce doivent clairement faire l'objet d'un examen attentif et doivent être respectueuses des règles de la concurrence, ça me paraît un point très sensible et important pour ce qui sera mis en place", a-t-elle ajouté.

La nouvelle régulation, présentée le 14 novembre, doit entrer en vigueur début 2026 pour prendre le relais de l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) après la fin de ce dispositif, qui contraint EDF à céder une part de sa production nucléaire à ses concurrents à 42 euros/MWh et dont le groupe souligne de longue date l'impact négatif sur ses comptes.

Selon Engie, l'électricité française "sera mécaniquement plus chère, puisqu'elle sera dorénavant privée de près d'un tiers de la production vendue au prix actuel de l'Arenh".

Le gouvernement et EDF ont de leur côté assuré que le nouveau mode de fixation des tarifs réglementés permettrait d'éviter des hausses importantes.

Selon le document de consultation du projet de nouvelle régulation, publié mardi, le montant récupéré par l'Etat auprès d'EDF pour une année donnée "serait redistribué en totalité aux consommateurs, sous forme d'un versement apparaissant sur la facture en déduction du prix de l'électricité conclu avec le fournisseur".

Avant chaque année de livraison, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pourrait établir le montant prévisionnel en euros par MWh qui serait reversé aux consommateurs, sur la base des prévisions de versement dû par EDF au titre de la production du parc nucléaire existant, et en intégrant éventuellement le solde relatif aux années précédentes.

"La mise en oeuvre opérationnelle n'est pas très bien définie aujourd'hui et sera un objet d'attention très important, parce qu'il faut qu'on puisse donner de la visibilité à nos clients sur les prix qu'ils vont devoir payer", a déclaré Catherine MacGregor, Engie évoquant un mécanisme de captation des revenus d'EDF "à la fois complexe et aux contours encore flous".

"Je veux laisser une chance au dispositif, donc regardons ce qui va être mis en place pour répondre aux inquiétudes que nous formulons."

Tout en regrettant que les fournisseurs alternatifs, ainsi que les industriels et les représentants des consommateurs, "n'aient reçu qu'une information très limitée" avant la conclusion de l'accord entre l'Etat et EDF, Engie a fait savoir qu'il espérait désormais "peser dans ce débat jusqu'ici fermé".

Le groupe a dans le même temps réaffirmé son engagement à accélérer le développement des énergies renouvelables et notamment la production d'électricité locale "à des coûts maîtrisés".

(Reportage Benjamin Mallet, édité par Jean Terzian)