* Une évaluation annuelle de la pénibilité

* Une référence nationale et interprofessionnelle

* Le patronat reste très réticent

par Emmanuel Jarry

PARIS, 10 juin (Reuters) - Le gouvernement s'efforce de déminer, avant la conférence sociale de début juillet, le dossier du "compte personnel de prévention de la pénibilité", prévu par la réforme des retraites mais très critiqué par le patronat.

Le conseiller à la Cour des comptes Michel de Virville a rendu mardi les conclusions d'une consultation pour simplifier ce mécanisme destiné aux seuls salariés du secteur privé.

Il propose d'évaluer en moyenne sur l'année, et non plus sur une base mensuelle, l'exposition à des travaux pénibles dans dix domaines, du travail de nuit à la manutention manuelle de charges en passant par les vibrations mécaniques, le bruit, les agents chimiques dangereux ou les températures extrêmes.

Le compte des salariés employés toute l'année sera crédité de quatre points si un des seuils définis est dépassé, de huit si plusieurs le sont. Pour les salariés en contrats courts, chaque période de trois mois travaillée dans une situation reconnue de pénibilité donnera droit à un ou deux points.

Les points cumulables sur toute une carrière seront plafonnés à 100 points. Dix points permettront l'acquisition d'un trimestre de retraite ou une réduction du temps de travail équivalente à un trimestre à mi-temps.

Les 20 premiers points acquis ne pourront être utilisés que pour le financement d'une formation, sauf pour les générations de 55 à 59,5 ans au 1er janvier 2015. Cette réserve sera divisée par deux pour les 52 à 55 ans.

Michel de Virville propose d'adapter les logiciels de paye d'ici juin 2015 pour permettre une saisie simplifié de ces données par l'employeur, la délivrance de fiches correspondantes aux salariés et le versement automatique des cotisations.

Toutes les entreprises privées paieront une cotisation générale jusqu'à 0,2% de l'ensemble de leur masses salariale. Une cotisation additionnelle de 0,3% à 0,8% sera payée sur la seule masse salariale des salariés exposés à la pénibilité et pouvant être doublée dans le cas d'expositions multiples.

20% DES SALARIES CONCERNES

Le ministère de la santé estime que 20% des salariés sont concernés par cette réforme.

Les ministres des Affaires sociales et du Travail, Marisol Touraine et François Rebsamen, ont promis d'annoncer dans les prochains jours les modalités d'application de ce mécanisme "dans des conditions de simplicité maximale, tant pour les entreprises (...) que pour les salariés".

Les organisations patronales estiment pour leur part qu'on leur a forcé la main lors des discussions sur la réforme des retraites et ne cachent le regretter aujourd'hui.

"On a voulu lancer ce compte pénibilité pour faire passer une soi-disant réforme des retraites", a ainsi déclaré mardi à Reuters le président de la CGPME, Jean-François Roubaud. "C'était une erreur fondamentale."

"La réforme des retraites a été faite à minima et on se retrouve avec un truc qui va augmenter les charges, compliquer la vie des entreprises, et qui risque de faire partir 40% des salariés deux ans avant l'âge de leur retraite, ce qui fait que la réforme aura été parfaitement inutile", a-t-il ajouté.

Pour lui, cette réforme se traduira par une augmentation de charges sociales à partir de son entrée en vigueur en 2015.

Michel de Virville y voit au contraire une incitation à faire de la prévention pour éviter des charges supplémentaires.

Les critères seront appliqués en fonction d'un référentiel interprofessionnel national unique, pour tous les salariés, qui sera décliné selon les caractéristiques des divers métiers.

"Par exemple, le boulanger a quatre questions à se poser pour ses salariés : la poussière de farine, la température du four, le poids des sacs de farine à manipuler et le travail de nuit", a expliqué Michel de Virville.

Il a admis qu'un consensus sur ses propositions, notamment du côté du patronat, était un objectif "trop ambitieux" mais qu'il était possible d'arriver à des positions reconnues comme "raisonnables" par différents acteurs. (Edité par Yves Clarisse)