L'histoire boursière d'Eurofins s'est cassée un jour de septembre 2021. Paradoxalement, ça a coïncidé avec son entrée dans le CAC40 (aux dépens d'Atos, pour les amateurs de grandeur et de décadence). Entre 1997 et la fin de l'été 2021, Eurofins était ce que Peter Lynch a appelé un multibagger, c’est-à-dire une action dont le cours a été démultiplié parce que le marché a valorisé un modèle économique exceptionnel. Entre l'automne 2021 et ce matin, le titre a perdu 60%.

L'arrivée en bordure de falaise en septembre 2021 a concerné de nombreuses sociétés dans le monde, en particulier celles qui avaient profité à plein de l'effet Covid (Carl Zeiss, Sartorius Stedim Biotech, Lonza…). Mais Eurofins a du mal à redorer son blason depuis. L'action a quand même rebondi après un plus bas à 44,83 EUR en octobre dernier. Mais les résultats publiés aujourd'hui ont éliminé une partie des gains. Le titre perd plus de 12% en séance. Qu'est-ce qui cloche ?

Les IDS, vous connaissez ?

Si vous demandez à un analyste qui aime bien le titre, il vous répondra probablement que les résultats 2023 sont plutôt bons et que les perspectives sont au diapason (i.e. chiffre d'affaires de 7,075 à 7,175 Mds€, EBITDA ajusté de 1,525 à 1,575 Md€ et génération de cash-flow libre ajusté de 800 à 840 M€. Tout a l'air un peu au-dessus des attentes.

Mais l'action perd 12% donc il se passe quelque chose. Allen Wells, chez Jefferies (qui n'aime pas beaucoup le dossier puisqu'il est à sousperformance avec un objectif de 48 EUR), souligne que les chiffres sont proches des attentes mais qu'ils contiennent beaucoup d'IDS. Les IDS, ce sont les "éléments communiqués séparément" (Separately Disclosed Items en anglais), une habitude d'Eurofins pour expliquer la différence entre l'EBITDA comptable et l'EBITDA ajusté communiqué au marché. Ces IDS comprennent tout un tas de trucs réputés non-récurrents (coûts d'intégration, activités abandonnées, pertes "temporaires", paiements en actions, dépréciations, ajustements fiscaux…). Eurofins détaille précisément ce que recouvrent les IDS.

Mais le truc, c'est qu'il y a vraiment beaucoup de choses qui entrent dans cette catégorie. En 2023, ils ont représenté 129 M€ d'impact sur l'EBITDA, et devraient rester à "un niveau élevé" de 125 M€ en 2024, concède Eurofins, qui prévoit de les ramener à 0,5% des revenus en 2027. Les analystes n'aiment pas trop ces ajustements maison permanents, bien qu'ils fussent documentés et autorisés. Le groupe les justifie pour la plupart en expliquant qu'ils reflètent le temps pour les actifs acquis d'atteindre les standards qualitatifs et financiers du réseau mature. Mais le marché y voit parfois une fuite en avant qui gêne la lisibilité des comptes (et qui alimente indirectement la petite musique entendue par le passé selon laquelle la structure financière d'Eurofins était plus tendue qu'elle n'y paraissait. Des bruits de couloirs jamais avérés, je le précise).

Donc les IDS vont rester un peu élevés. Il faut ajouter à cela un dividende divisé par deux, un objectif d'amélioration du besoin en fonds de roulement qui n'a pas été atteint et une génération de cash-flow décevante, grevée par les coûts de restructuration et de démarrage. Mis bout-à-bout, ces éléments nourrissent la défiance du marché, même si les objectifs 2027 (10 Mds€ de chiffre d'affaires, 24% de marge et un FCF de 1,5 Md€) restent d'actualité.

En bonus, voilà ce que dit le communiqué sur les résultats ajustés et les IDS :

  • L'EBITDA ajusté d'Eurofins reflète "la performance continue des activités matures et récurrentes à l'exclusion des "éléments divulgués séparément".
  • Les éléments présentés séparément comprennent :
    • Les coûts uniques d'intégration et de réorganisation
    • Les activités abandonnées
    • Les autres produits et coûts non récurrents
    • Les pertes temporaires et autres coûts liés à l'expansion du réseau, aux démarrages et aux nouvelles acquisitions faisant l'objet d'une restructuration importante
    • Les charges liées aux paiements fondés sur des actions
    • La dépréciation du goodwill
    • L'amortissement des immobilisations incorporelles acquises et le goodwill négatif,
    • Les gains/pertes sur la cession d'activités et les coûts de transaction liés aux acquisitions, ainsi que les revenus provenant de l'annulation de ces coûts et des montants non utilisés dus pour les acquisitions d'entreprises
    • Les coûts financiers nets liés à l'emprunt et à l'investissement des liquidités excédentaires et des effets financiers ponctuels (nets des produits financiers)
    • Les coûts financiers nets liés au capital hybride et les effets fiscaux correspondants.