Loïc Vandromme, Hexaôm a publié un résultat dans le rouge en 2022. A quand remonte votre dernier exercice déficitaire ? Quelle leçon tirez-vous de l’accident sur les marges de la rénovation B2B ?

"Je tiens en préambule à préciser que seule l’activité Rénovation B2B est déficitaire, le reste de nos activités sont bénéficiaires avec un résultat opérationnel qui s’établit à 32 millions d’euros. La dernière fois que le groupe a affiché des pertes, c’était il y a une trentaine d’années. La guerre du Golfe avait alors mis fin à un marché immobilier en forte hausse. En 2022, ces pertes ont effectivement pour origine les pertes opérationnelles et une provision pour dépréciation de notre filiale B2B, L’Atelier des Compagnons. La rénovation B2B est un métier encore récent pour nous, où la clientèle est constituée d’entreprises. Après notre prise de contrôle à 51% de cette société en 2017, nous avons laissé la main à la deuxième génération de dirigeants. La forte croissance était au rendez-vous, mais la structure n’a pas suivi et, en 2022, nous avons pris conscience de l’ampleur du dérapage sur les résultats. Il faut savoir que le cycle de production est particulièrement long dans ce métier :  36 mois au total. Au-delà des erreurs de management, qui a été renouvelé depuis, nous avons subi les conséquences, en termes de délais et de prix, de la désorganisation de la chaîne de production pendant la crise sanitaire et suite à la guerre en Ukraine. Nous avons donc décidé de provisionner intégralement cette participation et de monter à 100% au capital de cette filiale que nous avons recapitalisé à hauteur de près de 26 M€."

Combien faudra-t-il de temps pour redresser le B2B et atteindre les 8% de marge opérationnelle que vous visiez lors de notre dernier échange, en 2019 ? 

"Malheureusement, quand vous livrez des chantiers signés à prix fixés jusqu’à trois ans plus tôt, le délai nécessaire au redressement de la situation s’avère très long. La remontée des marges sera donc progressive et nous connaitrons encore des pertes en 2024. L’atteinte d’une marge conforme à celle ambitionnée par le groupe, environ 6%, n’interviendra probablement pas avant 2026."

Quelle est votre vision du marché de la construction de maisons individuelles dans les prochaines années ?

"Le nombre de maisons individuelles construites devrait se stabiliser sous la barre des 100 000, à comparer aux 120 000 maisons annuelles des vingt dernières années. Cependant, compte tenu de la hausse des prix et de la poursuite de nos prises de parts de marché dans un marché qui reste très atomisé, nous devrions, moyennant des reprises de chantiers défaillants, limiter notre perte d’activité. En 2023, nos reprises de chantier devraient nous rapporter 26 M€ de CA. Cela pourrait être beaucoup plus dans les années à venir car les faillites seront nombreuses et parce que nous serons plus disponibles par rapport à cette année où notre niveau de production restera très élevé compte tenu de l’allongement des délais."

Evolution du marché et des commandes de maisons individuelles chez Hexaôm

Quelle sera la place de la construction hors-site sur ce marché et au sein du groupe Hexaôm ?

"Nous sommes convaincus qu’il y a un avenir à la construction hors site. Cependant, nous restons prudents car la rentabilité dans le temps de ce mode de construction reste à prouver dans un marché cyclique où le niveau des coûts fixes doit rester maîtrisé. Les avancées technologiques ou la clarification de la réglementation pourraient favoriser une évolution de notre stratégie, sachant que nous avons déjà expérimenté ce domaine dans les années 1980 pendant lesquelles nous avons construit jusqu’à 400 maisons en bois par an et plus récemment avec le Maisons performances. Notre priorité en matière de développement aujourd’hui est la rénovation B2C car ce marché est plus mûr et nous offre une meilleure visibilité. Chacune de nos agences de construction de maisons individuelles aura, à terme, une offre rénovation avec une équipe dédiée (vente et production). Cette stratégie s’appuie sur le succès de notre marque Rénovert qui va ainsi pouvoir se spécialiser sur la rénovation énergétique."

Que pensez-vous du consensus d’analystes qui prévoit un retour du groupe à sa marge opérationnelle moyenne de 2019-2021, 3.3%, en 2024 ?

"Cela me parait crédible sachant que ce niveau de marge opérationnelle correspond à celui que nous avons réalisé hors Atelier des Compagnons en 2022 »

Comment réagissez-vous aux chiffres et acteurs de votre secteur qui annoncent un effondrement de la construction neuve d’ici 2024 ?

"2023 va continuer de bénéficier de ventes restées soutenues jusqu’à la rentrée 2022, de l’allongement des délais et de la hausse des prix. En revanche, 2024 sera plus compliquée pour le marché et nous même connaitrons une baisse du chiffre d’affaires sur la maison individuelle qui ne sera peut-être que partiellement compensée par le développement de nos nouvelles activités. Nous nous tenons prêts à adapter notre niveau de charges fixes et à reprendre des chantiers plutôt que des sociétés en difficulté."

Analyse de la rentabilité par activité (source : société) 

L'Auteur est actionnaire de la société à titre personnel.