par Matthieu Protard

Décidés à en finir avec les pratiques bancaires d'avant la crise, les chefs d'Etat et de gouvernement du Groupe des Vingt se sont engagés fin septembre à encadrer les bonus des traders accusés d'inciter à des prises de risques excessives et à relever les exigences de fonds propres pour prévenir les risques de faillite.

Préparant la nouvelle réglementation devant entrer en vigueur d'ici fin 2012 pour succéder aux règles de Bâle II, le comité de Bâle, l'instance internationale chargée de la supervision bancaire, a proposé le 17 décembre une série de nouvelles normes soumises à consultation.

Avant d'être définitivement arrêtées d'ici à la fin de l'année prochaine, ces propositions feront l'objet d'une étude d'impact dans le courant du premier semestre 2010.

"En 2010, parmi les principaux défis auxquels les banques vont être confrontées, il y a évidemment l'enjeu réglementaire de l'après-G20", explique Christophe Nijdam, analyste financier chez Alpha Value.

"Il est toutefois fort probable qu'on laissera plusieurs années aux banques pour atteindre des ratios dont on connaît les grandes lignes mais qui n'ont pas encore été définis en montant", ajoute-t-il.

Comme un avertissement, Jose Maria Roldan, le responsable de la régulation bancaire à la Banque d'Espagne, a déjà prévenu les banques qu'elles devaient s'attendre à une remise à plat complète de la réglementation.

"Préparez-vous, car ce tsunami réglementaire est en route, que cela vous plaise ou non", a-t-il ainsi lancé aux banquiers lors d'une conférence organisée par The Economist à Paris fin novembre.

DES BANQUES EUROPÉENNES PLUS PÉNALISÉES

"Il faut s'attendre à quasiment un an d'étude d'impact et d'intenses négociations entre les banques et les régulateurs. On ne sait pas encore précisément ce qui va sortir de la nouvelle régulation", commente Pascal Decque, analyste bancaire chez Natixis Securities.

Des analystes comme ceux de Credit suisse ont jugé que les propositions du comité de Bâle étaient particulièrement pénalisantes pour le secteur bancaire européen.

L'indice sectoriel DJ Stoxx des banques européennes avait ainsi clôturé le 17 décembre, le jour de l'annonce du comité de Bâle, sur un repli de 2,7%. Les français Crédit agricole et Société générale ont ce jour là perdu 4,59% et 3,36%, l'allemand Commerzbank -4,26% et le britannique Barclays -6,22%.

"On travaille surtout sur les déductions à venir sur le ratio tier one avec derrière le risque possible pour les banques de devoir augmenter leurs fonds propres", fait remarquer Pascal Decque.

L'objectif de la nouvelle réglementation vise à améliorer la qualité des actifs qui composent les fonds propres de base - "tier one" - des banques en les incitant à privilégier les actions ordinaires et les mises en réserve des bénéfices réalisés dans les périodes de croissance, au détriment notamment des titres hybrides.

MOINS DE BONUS ET DE DIVIDENDES

"Les mises en réserve signifient deux choses. D'abord qu'il y aura moins de dividendes versés aux actionnaires, ensuite qu'il y aura moins de rémunération versée aux collaborateurs", souligne Christophe Nijdam. "L'idée étant d'inciter les banques à diriger les bénéfices vers le renforcement des fonds propres."

Les régulateurs entendent aussi compléter la boîte à outils réglementaire en introduisant deux nouveaux ratios destinés à renforcer la solidité et la solvabilité financière des banques, à savoir le ratio d'endettement et le ratio de liquidité.

Les sauvetages du belge Fortis et du franco-belge Dexia au début de l'automne 2008 ont montré que la précédente réglementation avait sous-estimé les risques de liquidité des banques quand ces dernières se révèlent trop dépendantes des marchés financiers pour leurs besoins de financement.

"Le ratio de liquidité demandera aux banques d'avoir un certain pourcentage d'actifs vraiment liquides au bilan", commente Christophe Nijdam.

En revanche, l'introduction du ratio d'endettement destiné à encadrer les capacités de prêts des banques est accueillie avec réserves par les banques européennes, et surtout les banques françaises.

"Je pense que les banques françaises seront plus pénalisées par le ratio d'endettement que les autres banques européennes", estime l'analyste d'Alpha Value.

Réagissant aux projets du comité de Bâle, la Fédération bancaire française a d'ailleurs mis en garde contre des exigences trop élevées de fonds propres qui pénaliseraient, selon elle, la capacité des banques à octroyer du crédit.

Edité par Jean-Michel Bélot