La plupart des compagnies aériennes peuvent encore assurer toutes leurs liaisons en s'appuyant sur d'autres appareils et certaines, confrontées à des problèmes de surcapacités, poussent même peut-être un soupir de soulagement.

La nouvelle version du 737, l'avion le plus vendu au monde, n'est entrée en service qu'en 2017 et il y en a donc encore assez peu dans le ciel.

"Si on avait cloué au sol un appareil comme le 737-800, l'impact serait énorme. Mais avec le MAX, il y en a moins de 400 dans le monde", relève un analyste du secteur de l'aviation.

La chute dimanche du Boeing d'Ethiopian Airlines, qui a coûté la vie à 157 personnes, est le deuxième accident impliquant un 737 MAX en moins de six mois, après celui en octobre d'un appareil de la compagnie Lion Air qui a fait 189 morts en Indonésie.

Selon Flightglobal, il y avait 371 avions de la famille 737 MAX en service avant les immobilisations décrétées par la Chine, l'Europe et d'autres cette semaine.

Environ deux tiers de cette flotte est maintenant immobilisée, selon les calculs de Reuters. Avec plus de 6.000 exemplaires de l'ancien modèle 737 NG encore en service, les compagnies aériennes ont largement les moyens de continuer à exploiter au moins certaines liaisons.

"A l'heure actuelle, l'impact de l'immobilisation est limité au regard de la flotte mondiale relativement réduite d'appareils actuellement en service", a déclaré à Reuters John Strickland, un consultant en aéronautique.

La réduction des capacités aériennes n'est pas forcément un élément négatif pour les compagnies au vu de la période actuelle de l'année, des inquiétudes sur la croissance du trafic aérien et du ralentissement de l'économie mondiale.

"On est hors saison, c'est donc une décision plus facile à prendre et certaines compagnies aériennes s'inquiètent davantage d'un excès de capacité", a déclaré un responsable du secteur aérien.

DES COMMANDES ET DES LIVRAISONS MENACÉES

Pour les compagnies qui peuvent difficilement se passer du 737 MAX 8, cela risque cependant d'avoir un coût.

"C'est un casse-tête pour les compagnies aériennes que de mettre des avions hors service, avec de probables annulations de vols et un impact sur le chiffre d'affaires", a ajouté John Strickland.

Norwegian Air a déclaré mercredi qu'elle réclamerait à Boeing une indemnisation pour la perte de revenus et les coûts supplémentaires liés à l'immobilisation de sa flotte de 737 MAX 8.

"Nous nous attendons à ce que Boeing prenne en charge cette facture", déclare dans un communiqué le transporteur norvégien à bas coûts, qui exploite 18 737 MAX.

La société chinoise de données aéronautiques Variflight a déclaré lundi qu'au moins 29 vols internationaux et domestiques avaient été annulés à la suite de l'immobilisation du 737 MAX.

Les compagnies aériennes ont cependant utilisé d'autres appareils sur 256 vols initialement prévus avec le 737 MAX 8.

La catastrophe en Ethiopie pourrait surtout avoir un impact sur les futures livraisons de Boeing car des transporteurs comme Korean Air Lines ont passé des commandes relativement importantes pour le 737 MAX 8, a déclaré Um Kyung-a, analyste chez Shinyoung Securities.

"Cela pourrait devenir un gros casse-tête pour ces transporteurs si Boeing ne parvient pas à comprendre les causes des récents accidents", a-t-il ajouté, estimant qu'un changement de leurs commandes pourrait alors devenir nécessaire.

Lion Air a refusé de prendre livraison de certains avions mais les analystes estiment que la compagnie indonésienne souffre de surcapacités et pourrait bénéficier de cette pause.

Elle a menacé en novembre d'annuler ses commandes à Boeing en raison d'un différend lié à l'accident du mois précédent mais elle n'a pas encore franchi le pas, ont dit des sources sectorielles. Airbus est aussi un fournisseur de la compagnie et il semble discuter de commandes supplémentaires.

Les autorités malaisiennes ont pour leur part demandé à la compagnie nationale Malaysia Airlines de reconsidérer une commande de 25 avions 737 MAX.

(avec Aradhana Aravindan à Singapour, Heekyong Yang à Seoul, Marcelo Rochabrun à Sao Paulo, Liz Lee à Kuala Lumpur et Tim Hepher à Paris; Claude Chendjou pour le service français, édité par Bertrand Boucey)

par Jamie Freed et Alexander Cornwell