Une anecdote révélatrice : il y a eu 75 fusillades ce dernier week-end dans la seule ville de Chicago. Partout ailleurs on considérerait cela comme l'actualité d'un pays en guerre, mais c'est seulement "business as usual" de l'autre côté de l'Atlantique. 

Autrefois cycliques — car la durée de vie d'une arme à feu peut facilement s'étendre sur plusieurs décennies — les ventes ont eu tendance ces quinze dernières années à s'inscrire dans une trajectoire de croissance continue. 

Les deux véritables déclencheurs ont été l'abrogation du Federal Assault Ban — qui en théorie restreint la vente de fusils d'assault type AR-15 — et un courant politique progressiste de plus en plus hostile à la libre circulation des armes.

Les récentes tueries de masse ont bien sûr ravivé le débat, mais le sujet reste sensible car constitutionnel, et emblématique du caractère sacré des libertés individuelles aux Etats-Unis. 

Comme Ruger & Company, Smith & Wesson a concentré ses activités sur la conception d'armes de poing et d'épaules, cédant ses activités moins lucratives — textile, etc. — et concentrant sa stratégie d'allocation du capital vers la rémunération des actionnaires via des dividendes et des rachats d'actions. 

Ce positionnement est motivé par les déboires d'un secteur qui a connu une multitude de faillites, ainsi que par la contre-performance de Remington — contrôlé par la firme de private equity Cerberus — qui lui avait opté pour une stratégie de consolidation inefficace. 

Comme Ruger, Smith & Wesson a multiplié ses ventes par quatre sur les quinze dernières années. En revanche, sa rentabilité, sa position financière et le rythme auquel tournent ses inventaires sont moins bons que chez Ruger. Historiquement, la gestion de S&W fut clairement moins bien inspirée que celle de Ruger, quoique l'entreprise a désormais entrepris de corriger le tir.

L'an passé, à $15 l'action et sur une base de valeur d'entreprise de $630 millions, Smith & Wesson s'échangeait à x3 son profit réalisé en 2021. Etonnant en surface, mais ceci s'expliquait par un exercice 2021 exceptionnel, puisque pendant la pandémie les ventes étaient deux fois supérieures à la moyenne des années précédentes, déjà exceptionnelles. 

Le marché anticipait donc une sévère correction, et sur ce coup il ne s'y est pas trompé. A la lumière des résultats publiés hier soir, en 2023, les ventes de Smith & Wesson chutent de 44%, tandis que le profit est divisé par cinq.

Rappel aux investisseurs intéressés par des secteurs ou des activités cycliques : il est essentiel de toujours tenter d'y normaliser les ventes et les profits, de sorte à ne pas se laisser hypnotiser par des performances parfois hors-du-commun, forcément ponctuelles par nature.