Après avoir connu une division par plus de deux de son activité entre 2012 et 2017, cet éditeur de logiciel de télécommunication devrait connaitre une 5e année consécutive de forte croissance en 2022, multipliant son CA par plus de 3 sur la période. En 2021, l’activité a progressé de 20% à 16,7 M€ grâce à l'activité "plateformes" de communications critiques ‘team on mission’ et ‘team on the run’ dont la croissance de 32% explique toute la croissance du groupe. Le point sur cette belle histoire de retournement avec son PDG fondateur.

Pascal Béglin, STREAMWIDE entre dans une cinquième année de croissance grâce à son repositionnement sur le marché des communications critiques. Comment avez-vous opéré ce retournement ?

" Nous avons pu reprendre le chemin de la croissance en 2018 grâce au décollage des ventes de nos logiciels de communication collaborative.

Pour simplifier, il s’agit d’offrir une sorte de WhatsApp sécurisé aux entreprises et gouvernements pour leurs activités critiques, à savoir les missions critiques à enjeu vital (armée, police, pompiers, sites industriels dangereux comme une centrale nucléaire – solution team on mission) ou les business critiques pour lesquels la continuité de services doit être irréprochable (EDF, Enedis ou les compagnies de limousines américaines – solution team on the run). Développées à partir de 2013 et commercialisée à partir de 2014, ces solutions ont eu du mal à trouver leur marché dans un premier temps. Jusqu’au moment où nous avons visé les organisations assurant des missions critiques en répondant notamment à des appels d’offre importants. A l’époque, le Cloud Act du président américain Donald Trump, qui octroyait aux autorités américaines un accès aux données des fournisseurs de services électroniques établis aux Etats-Unis, nous a beaucoup aidé. Il se trouve que lors de cette même année 2018 le Ministère de l’Intérieur Français nous a sélectionnés pour doter d'un système de communication moderne les forces appelées à gérer des situations de crise, dont le GIGN ou encore le RAID ou la BRI. Ce projet emblématique, PCSTORM, qui nous a permis de dégager 5 M€ de CA sur 4 ans, a été remporté face à Motorola, Airbus, et Thalès. Depuis, ces deux derniers commercialisent notre offre, contribuant à plus de la moitié des revenus de l’activité « plateformes ». En parallèle, nous n’avons cessé de nous adresser aux entreprises privées avec le produit team on the run qui a pesé de l’ordre de 10% de notre CA 2021. "

Le succès de ces deux plateformes de communications critiques garantit-il une croissance pour les cinq prochaines années ?

" Il convient de distinguer dans notre chiffre d’affaires la partie historique de notre activité, « legacy », qui représente un tiers de notre CA, et les deux autres tiers constitués des nouvelles solutions, les « plateformes ». Sur le "legacy", qui consiste en des solutions pour opérateurs de télécommunication (messagerie vocale, facturation et taxation d'appels en temps réel, serveurs vocaux interactifs, d’applications et d’annonces etc.), il s’agit d’un marché de niche en déclin sur lequel notre part de marché est très forte, ce qui nous permet de compenser le déclin par des hausses de prix. Il faut donc s’attendre, sauf opportunité particulière, à un chiffre d’affaires plus ou moins stable dans les prochaines années, à un peu plus de 5M€. Sur les plateformes, nous attendons une croissance significative dans les 5 ans compte tenu de notre stratégie commerciale de diversification des sources de revenus qui s’appuie sur un écosystème de partenaires et de distributeurs adressant de nombreuses opportunités dans le monde entier. Depuis plusieurs mois, des dossiers structurants européens sont en phase de validation finale et le Groupe reste bien positionné pour être sélectionné au sein des consortiums retenus. La croissance ne sera donc probablement pas linéaire, et le contexte politique et électoral actuel oblige à une certaine prudence quant à la concrétisation à court terme de certains de projets de plus en plus conséquents. "

Quelle est la récurrence de vos revenus ? 

 "Sur l’activité historique "legacy", soit 34% de notre CA 2021, nous avons une très forte visibilité. Sur les plateformes, notre partenariat avec la division Secure Land Communications (SLC) d’Airbus Defence and Space nous assure une partie très significative des revenus. Toutes activités confondues, la maintenance représente 21% de nos revenus et les ventes SaaS environ 10%. Je dirais donc qu’un peu plus de la moitié de notre CA est récurrent et que cette part a vocation à s’accroitre avec l’arrivée des nouveaux contrats en phase de maintenance un an après la vente de licence."

Quelles sont vos sources de diversification de votre clientèle et à quel type de croissance peut-on s’attendre pour les années à venir ?

"Sur le gouvernemental et les missions critiques (team on mission), soit un cinquième de notre activité, nous adressons un marché de quelques centaines de millions d’euros, ce qui devrait se traduire par une croissance raisonnable dans les prochaines années.

Sur le business critique (team on the run), nous visons tous les pays, tous les secteurs et toutes tailles d’entreprise. Notre offre a une portée très large puisqu’elle permet la digitalisation des process internes de l’entreprise, donnant aux employés les moyens de réaliser toutes leurs missions via une seule plateforme applicative intégrant de plus en plus de fonctionnalités opérationnelles. "

Comment structurez-vous l’entreprise pour y parvenir ?

"STREAMWIDE est implanté dans 6 pays sur 4 continents. Sur 220 personnes à fin 2021, plus de 170 sont basées à l’international, occupant des postes techniques pour l’essentiel, notamment en Roumanie et en Tunisie. Notre force commerciale emploie une vingtaine de personnes que vient compléter notre réseau de partenaires distributeurs. En 2022, nous tablons sur un recrutement net de 30 personnes dans les fonctions commerciales et surtout techniques. La recherche et développement occupe 60% de nos effectifs, pour un budget en très forte augmentation en 2021 dont 6 M€ a été immobilisé. Nous souhaitons stabiliser ce montant tout en augmentant la productivité de nos équipes R&D. L’arrivée en mars prochain d’un nouveau responsable de la R&D constitue une étape importante. Ronan Jamet a notamment exercé cette fonction chez Cirpack pendant près de 7 ans où il a mis en œuvre des méthodes modernes de développement agile. STREAMWIDE s’est renforcé également dans la gestion des talents avec la nomination en janvier de Élodie Lopes, en provenance de Thalès, au poste de DRH Groupe. Enfin, le Groupe est en train de réaménager et de rénover entièrement son siège parisien. Un nouveau programme d’attribution de BSA est prévu pour intéresser les cadres aux succès de l’entreprise. "

A quel niveau de marge opérationnelle STREAMWIDE peut-elle prétendre à moyen terme ?

 " Le niveau de marge d’Ebitda de 55% atteint en 2020 constitue une bonne référence. Nous resterons très attentifs à la rentabilité, et notamment à la génération de cash. Surtout après la période difficile que nous avons traversée il y a quelques années."

STREAMWIDE a engrangé de la trésorerie et des actions en auto-contrôle ces dernières années. Quel usage comptez-vous en faire ? La croissance externe est-elle à l’ordre du jour ?

 " Nous souhaitons conserver une structure financière saine et solide. La première utilisation des ressources générées est l’investissement dans la R&D et donc la croissance interne plutôt qu’externe. Le surplus de trésorerie pourra être employé à racheter des actions ou à verser un dividende aux actionnaires. "