ROME (awp/afp) - Après des semaines de tension croissante, la crise de la pêche a dominé un entretien entre Emmanuel Macron et Boris Johnson dimanche, le président français appelant à la "désescalade" tandis que le Premier ministre britannique insistait sur le retrait des menaces de représailles de Paris.

Pour la première fois depuis le G7 en juin, les deux dirigeants se sont retrouvés en tête-à-tête pendant près d'une demi-heure, en marge du sommet du G20 à Rome.

Ce rendez-vous était très attendu alors que les relations entre Paris et Londres sont au plus bas en raison de plusieurs sujets de discorde: affaire des sous-marins australiens, traversées illégales de la Manche par des migrants, et mise en oeuvre du Brexit.

Le différend le plus urgent à traiter est celui de la pêche, qui menace de dégénérer dans les prochains jours avec l'entrée en vigueur prévue mardi de premières mesures de rétorsion de la part de la France. Le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune a encore rappelé dimanche matin sur Twitter que Paris se tenait prêt à appliquer "des mesures proportionnées et réversibles".

Mais l'Elysée et Downing Street ont donné deux versions assez différentes de la discussion entre MM. Macron et Johnson, en attendant que les deux dirigeants s'expriment publiquement lors de conférences de presse prévues dans l'après-midi.

La présidence française a affirmé qu'Emmanuel Macron et Boris Johnson s'étaient entendus pour qu'un "travail en commun" soit mené afin que "des mesures pratiques et opérationnelles soient prises le plus vite" pour favoriser "la désescalade".

Sans détailler les dispositions envisagées, elle a souligné qu'"une solution" était possible car le différend ne porte que sur "quelques dizaines de bateaux" français.

La tenue de telles discussions n'a pas été confirmée par la partie britannique qui, sur un ton plus offensif, a insisté sur la nécessité pour Paris de retirer ses menaces.

Boris Johnson a "réitéré sa profonde préoccupation au sujet de la rhétorique du gouvernement français ces derniers jours", selon un porte-parole de Downing Street, citant notamment les propos du Premier ministre Jean Castex selon lesquels "le Royaume-Uni devrait être puni pour avoir quitté l'UE".

Respect des "règles du jeu"

L'Elysée a indiqué qu'un point serait fait mardi sur la mise en oeuvre ou non des mesures de rétorsion annoncées par Paris, notamment l'interdiction aux navires de pêche britanniques de débarquer leur cargaison dans les ports français et le renforcement des contrôles douaniers de camions.

Ces décisions ont été jugées "disproportionnées" par Londres qui, fait rare, a convoqué l'ambassadeur de France et menacé, en représailles, de renforcer le contrôle de navires européens frayant dans ses eaux.

"Même si Boris Johnson cherche toujours à faire de cela un sujet franco-britannique, ce sont des affaires post-Brexit qui se traitent entre l'UE et le Royaume-Uni", a souligné dimanche l'Elysée. "Nous attendons qu'il respecte les règles du jeu et sa signature" de l'accord post-Brexit.

Cet accord, conclu in extremis fin 2020 entre Londres et Bruxelles, prévoit que les pêcheurs européens puissent continuer à travailler dans certaines eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu'ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l'ampleur des justificatifs à fournir.

Paris reproche ainsi à Londres d'accorder des licences de pêche post-Brexit aux pêcheurs européens en trop petit nombre.

En marge du G20, Boris Johnson s'était plaint samedi auprès de la cheffe de l'exécutif européen Ursula von der Leyen des menaces "complètement injustifiées" de Paris, et avait indiqué que Londres envisageait "activement" pour la première fois un outil de règlement des conflits prévu dans les accords post-Brexit avec l'UE.

Au cours de l'entretien, Emmanuel Macron et Boris Johnson se sont accordés sur un point: leur souhait de voir réussir la COP26 sur le climat à laquelle ils participeront lundi à Glasgow. Le Britannique a salué "le leadership" de la France dans "la lutte contre le changement climatique" et son "soutien aux pays les plus vulnérables".

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