Paris (awp/afp) - Vinci, le géant français du BTP, a engrangé au premier semestre deux milliards d'euros de bénéfices grâce notamment à l'exceptionnelle rentabilité de ses concessions autoroutières, mais s'inquiète des effets de la crise immobilière sur la "cohésion sociale".

Le groupe, qui a obtenu à la mi-juillet l'attribution d'un lot emblématique du chantier du Grand Paris Express pour la construction d'un tronçon de la ligne 15, à l'ouest de Paris, a réalisé un très bon premier semestre 2023 dans toutes ses activités: construction, énergie, concessions, sauf dans l'immobilier, la plus petite.

Lors d'une conférence téléphonique avec la presse vendredi, Xavier Huillard s'est félicité d'un "très bon début d'année" et d'une "performance d'ensemble de très grande qualité", avec notamment sa filiale Vinci Airports (concessions de gestion d'aéroport) qui se "redresse de façon spectaculaire" après la crise du Covid.

Le bénéfice net du groupe au premier semestre a progressé de 12,6% par rapport aux six premiers mois de 2022. Et son chiffre d'affaires de 13,5%, à 32,4 milliards d'euros.

Seule activité en difficulté, Vinci Immobilier, "pénalisée par une mauvaise conjoncture du secteur en France dans un contexte de taux d'intérêts élevés". Son chiffre d'affaires chute de 23% à 600 millions d'euros.

"Cohésion sociale"

"Vinci Immobilier n'échappe pas à la crise de l'immobilier", a constaté M. Huillard, espérant que les pouvoirs publics "prennent en compte la réalité de cette situation qui commence à être réellement problématique, non seulement pour la profession -où beaucoup de PME sont installées sur le métier de la construction de logements- mais surtout pour la cohésion sociale de notre pays".

Selon des estimations publiées vendredi par le ministère de la Transition écologique, sur douze mois, le nombre de chantiers commencés, qui suit traditionnellement celui des permis de construire, était inférieur de 12,7% de juin 2022 à juillet 2023 à celui des douze mois précédents.

"Cela fait environ trois ans que nous voyons les signes avant-coureurs de cette crise, et nous constatons que les réponses apportées par les décideurs, nos gouvernants, ne sont pas à la hauteur des enjeux de la filière", a souligné M. Huillard.

Le PDG de Vinci a espéré que le nouveau ministre délégué chargé du Logement, Patrice Vergriete, maire de Dunkerque, s'inspire des conclusions du dernier rapport du Conseil national de la refondation.

Ses propositions ont été "peu reprises" par le gouvernement, a-t-il regretté, remarquant qu'elles émanaient de représentants emblématiques de toute la chaîne du logement, de la fondation Abbé Pierre au leader de la promotion immobilière Nexity.

"Il faut bien comprendre que c'est une véritable filière, qui commence par le logement d'urgence pour des migrants ou des gens en situation d'exclusion, qui passe ensuite au logement social, puis au logement intermédiaire, puis au logement libre, acheté par des particuliers ou par des investisseurs pour la location. C'est tout une chaîne", a-t-il dit.

Taxe

Le groupe, lui, s'en sort très bien ce semestre, grâce notamment à l'exceptionnelle rentabilité de ses concessions autoroutières et aéroportuaires.

Face à l'explosion de cette rentabilité, le ministre délégué aux Transports Clément Beaune a d'ailleurs confirmé vendredi aussi, sur France Inter, le projet de taxer davantage les sociétés concessionnaires d'autoroutes dans le budget 2024, pour financer la transition écologique.

Chez Vinci, si l'excédent brut d'exploitation (EBITDA) du groupe s'élève à 5,3 milliards d'euros (16,4% du chiffre d'affaires), il culmine en effet à 76,7% pour la branche autoroute, et à 60,8% pour les concessions aéroportuaires, contre 4% dans la construction, laquelle assure près de la moitié du chiffre d'affaires.

Dans ce dernier secteur, marqué par de grands projets d'infrastructures ferroviaires en Australie ou d'électrification sous-marine entre le Danemark et l'Allemagne, le chiffre d'affaires total s'élève à 14,9 milliards d'euros, dont 6,8 milliards sont réalisés en France.

Dans l'Energie, Vinci Energies enregistre un bond de 18% de son chiffre d'affaires pour construire des stations de conversion de courant, comme l'interconnexion entre la France et l'Espagne ou des champs photovoltaïques géants, notamment au Brésil. "D'autres suivront en Espagne et au Portugal d'ici la fin 2023", a précisé M. Huillard.

afp/rp