Président du directoire à partir de 1993 puis président du conseil de surveillance de 2002 jusqu'à son éviction en 2015, ce brillant ingénieur, père de 13 enfants nés de quatre femmes différentes, a transformé Volkswagen en misant sur une technique de construction modulaire. Avec elle, Audi, Skoda et la marque VW peuvent partager jusqu'à 65% de pièces communes, permettant ainsi au groupe allemand, premier constructeur automobile mondial en termes de ventes, de réaliser de vastes économies d'échelle.

"La vie de Ferdinand Piëch a été façonnée par sa passion pour les véhicules automobiles et les employés qui les créent. Il est resté un ingénieur enthousiaste et un passionné de voitures jusqu'à la fin", a déclaré Ursula Piëch dans un communiqué.

Sous sa direction, VW a accordé davantage d'importance à la créativité de ses ingénieurs qu'à la recherche du bénéfice. Le groupe s'est aussi lancé dans une série d'acquisitions qui lui ont permis de mettre la main sur des marques de luxe à fortes marges comme Bentley, Bugatti et Lamborghini.

Durant ses neuf années à la présidence du directoire, VW est passé d'une perte équivalente à 1 milliard d'euros à un bénéfice de 2,6 milliards.

Volkswagen est désormais un empire de 12 marques avec notamment Seat, Skoda, Audi, Porsche ou encore Ducati en plus des camions MAN et Scania.

"D'abord et avant tout, je me suis toujours considéré comme un homme de produit, et je me suis fié à mon instinct pour répondre à la demande du marché. L'économie et la politique ne m'ont jamais distrait du coeur de notre mission: développer et construire des voitures séduisantes", a écrit Ferdinand Piëch dans son autobiographie.

PERFECTION ET SOUCI DU DÉTAIL

Herbert Diess, l'actuel président du directoire de Volkswagen, a rendu hommage à son prédécesseur en le présentant comme un dirigeant courageux, énergique et brillant sur le plan technique.

"Ferdinand Piëch a surtout apporté la perfection et le souci du détail à la production automobile et dans l'ADN de Volkswagen", a-t-il déclaré.

Durant toute sa carrière, Ferdinand Piëch a pris d'énormes risques pour sortir de l'ombre de son grand-père Ferdinand Porsche, qui a créé et donné son nom à la célèbre marque de voitures de sport et a conçu la fameuse Coccinelle.

En 1968, alors âgé de 31 ans et responsable du développement chez Porsche, Ferdinand Piëch n'a pas hésité à investir les deux tiers du budget annuel du constructeur pour produire 25 prototypes de voitures de course dotés d'un moteur jamais testé de 12 cylindres et 600 chevaux.

Ce choix risqué lui a valu de vives critiques de la part des autres membres du clan familial mais il s'est révélé payant, la Porsche 917 allant accumuler les succès sur la piste et conforter ainsi le statut d'ingénieur visionnaire de son concepteur.

"Je me souviens de Ferdinand Piëch comme d'un grand manager et ingénieur", a déclaré Bernd Osterloh, le chef du comité d'entreprise de Volkswagen. "Grâce à son amour des produits, sa vision stratégique, sa clairvoyance et sa capacité à développer nos marques, il a forgé le succès de notre entreprise."

ÉCHEC INTERDIT

Ferdinand Piëch savait aussi jouer des rivalités internes, quitte à s'allier avec les représentants syndicaux au détriment de ses propres cadres. Dans son autobiographie, il affirme ainsi qu'"il n'est pas possible d'amener une entreprise au sommet en privilégiant la meilleure harmonie".

La gouvernance chez VW a été pendant des décennies marquée par un style de gestion impitoyable qui ne tolérait pas l'échec, une pratique vue par la suite comme étant à l'origine du scandale des émissions polluantes des moteurs diesel, qui a coûté au groupe plus de 30 milliards d'euros.

Ferdinand Piëch, évincé quelques mois seulement avant que n'éclate ce scandale en septembre 2015, réclamait aussi à ses ingénieurs de premier plan une loyauté inconditionnelle, parfois en les privant d'informations stratégiques, de peur que ces derniers ne passent un jour à la concurrence avec un savoir-faire crucial.

Il est aussi à l'origine du système à quatre roues motrices de l'Audi quattro et a fait de cette marque un concurrent crédible de Mercedes-Benz (groupe Daimler) et de BMW.

"Piëch restera dans l'histoire comme une légende de l'automobile, au même rang que Gottlieb Daimler, Henry Ford et Kiichiro Toyoda", écrivait Max Warburton, analyste chez Bernstein Research, dans une note de 2012.

Les familles Porsche et Piëch contrôlent le groupe Volkswagen avec 52,2% des droits de vote via leur holding Porsche SE.

(Avec Jan Schwartz à Hambourg et Ilona Wissenbach; Claude Chendjou pour le service français, édité par Bertrand Boucey)

par Edward Taylor et Jan Schwartz