Marin (awp/ats) - Le conflit affectant Migros Neuchâtel-Fribourg n'est pas près de connaître son dénouement. La proposition de révoquer l'administration de la coopérative a été rejetée par 64,53% des voix, à la satisfaction de son président Damien Piller. Le résultat est déjà contesté.

Après connaissance du résultat de la votation extraordinaire annoncé mercredi, le comité coopératif de Migros Neuchâtel-Fribourg (MNF) a introduit une dénonciation pénale pour faux dans les titres et tentative d'escroquerie auprès du Ministère public du canton de Neuchâtel. L'épilogue pourrait ainsi prendre un certain temps encore.

La démarche fait suite aux révélations du journal télévisé de la RTS de lundi sur la découverte de 400 bulletins de vote, tous en faveur de Damien Piller, dans des boîtes aux lettres sises hors les cantons de Neuchâtel et Fribourg. Selon le comité coopératif, "il existe une forte suspicion de manipulation électorale et c'est pourquoi le résultat de ce scrutin doit être examiné".

Dans un communiqué diffusé en soirée, le Ministère public du canton de Neuchâtel confirme s'être saisi de la plainte et avoir ordonné la mise en sûreté de la totalité des bulletins de vote reçus par le bureau de dépouillement. "Les actes d'enquêtes nécessaires seront ordonnés à bref délai", précise-t-il.

"Nous prenons note du résultat communiqué aujourd'hui par l'organisateur de la votation (ndlr: PwC). Migros prendra toutes les dispositions qui s'imposent pour soutenir les membres de la direction et les collaborateurs de la coopérative dans cette situation difficile", a pour sa part dit Daniel Bena, président du comité coopératif.

Administration satisfaite

Du côté de l'administration de MNF, qui équivaut à un conseil d'administration, on prend note "avec satisfaction" du résultat de la votation initiée par le comité coopératif qui s'est achevée samedi. "Les coopérateurs ne se sont pas laissé influencer par la propagande de la Fédération des coopératives Migros à Zurich."

L'administration, présidée par l'homme d'affaires fribourgeois Damien Piller depuis 23 ans, "remercie les coopérateurs pour leur clairvoyance et la confiance accordée", a-t-elle réagi immédiatement. "Elle décidera prochainement des actions à entreprendre pour ramener la sérénité au sein de la coopérative régionale".

Au-delà du résultat, la Fédération des coopératives Migros (FCM) et la direction de MNF, à Marin (NE), s'en tiennent pour leur part aux mesures juridiques déjà engagées, est-il précisé. Elles veulent que le pouvoir judiciaire puisse évaluer "les faits rapportés dans les deux plaintes pénales déposées contre Damien Piller et inconnus".

"Les soupçons sérieux à l'encontre de Damien Piller quant à une éventuelle gestion déloyale demeurent", estiment les deux organes, qui comptent sur l'indépendance de la justice. Le taux de participation à la votation a atteint 41,72%. Le réviseur PwC a reçu 50'335 cartes de vote sur un total de 120'661 délivrées.

Factures contestées

Tous les organes de MNF, excepté l'administration qui fait bloc derrière son président, et la FCM accusent Damien Piller, avocat actif dans l'immobilier et les médias, d'avoir facturé à Migros près de 1,7 million de francs suisses via deux de ses sociétés, "sans recevoir de contre-prestation équivalente en échange".

Selon Migros, Damien Piller aurait détourné des fonds dans le cadre de nouveaux magasins bâtis à Belfaux et La Roche en 2013 et 2014. Différents rapports arrivent à cette conclusion, selon la coopérative pour qui toute l'affaire réside ici.

En réponse, Damien Piller a ouvert les comptes des deux sociétés en question à un expert-comptable et à un architecte. Les résultats de ces audits, dévoilés début novembre, ont révélé que les deux montants de 864'000 francs suisses, toutes taxes comprises, correspondent à des prestations fournies, d'après l'homme d'affaires.

Le comité coopératif de MNF - représentant les intérêts des coopérateurs et des consommateurs -, la direction - qui gère opérationnellement la coopérative - et la commission du personnel exigeaient la révocation de toute l'administration de MNF. Les deux camps ont recouru à des annonces dans la presse pour attirer les votes à eux.

Les présidents des neuf autres coopératives Migros, la Fondation G. et A. Duttweiler - du nom du fondateur de Migros - et la FCM soutenaient aussi la révocation de Damien Piller. L'affaire, sortie au grand jour début juillet, dure en fait depuis environ un an en interne.

L'administration de MNF - qui fixe les objectifs et la stratégie - a demandé cet été une expertise "neutre" à l'avocat genevois Alan Hughes. D'après elle, le rapport, bien que "sévère", a "écarté les accusations" à l'encontre de Damien Piller. L'administration décrit ses quatre membres comme des "personnes dévouées à Migros et à ses valeurs".

ats/al