Valenciennes (awp/afp) - Déçu mais pas désespéré par le veto européen à la fusion avec Siemens Mobility, le directeur général du constructeur ferroviaire français Alstom Henri Poupart-Lafarge veut privilégier les investissements internes. Il table aussi sur des "partenariats externes" pour prendre le virage du numérique.

"Maintenant, l'idée c'est évidemment de repartir" de l'avant, affirme-t-il dans un entretien accordé mercredi à l'AFP. La fusion avortée avec les activités ferroviaires de Siemens "était un projet stratégique pour le groupe", regrette-t-il.

Le patron d'Alstom n'est pas pour autant désespéré: "Non, parce que c'était un mouvement positif!" "Aucune des deux entreprises n'était le dos au mur, les deux entreprises avaient des capacités de développement. Simplement, il nous semblait --et il nous semble toujours-- que leur association représentait une force pour les deux entreprises, et puis pour l'industrie ferroviaire d'une manière générale, face au développement de la concurrence", notamment chinoise, souligne-t-il.

"Les opérations ne se sont jamais arrêtées pendant les fiançailles", remarque-t-il d'ailleurs. Avec un carnet de commandes frôlant les 40 milliards d'euros (45 milliards de francs suisses) à la fin 2018, Alstom a en effet de quoi voir venir. Le dirigeant reconnaît néanmoins qu'"il faut relancer les perspectives", pour rassurer ses propres troupes, ses clients, ses partenaires et les marchés financiers.

Nouvelle stratégie à définir

"Et je dirais que ça tombe bien", remarque M. Poupart-Lafarge, car il faut trouver un successeur au plan stratégique actuel, Alstom 2020. "A la fois parce que 2020 c'est demain et parce qu'on avait atteint les objectifs avec un an d'avance: les objectifs financiers, de croissance, de rentabilité..."

"Ca va prendre quelques mois pour le définir", reconnaît-il, voyant cependant une "échéance naturelle" pour l'annoncer "autour de l'Assemblée générale" programmée le 10 juillet. Ce qui est sûr pour le patron d'Alstom, c'est que "ça sera une étape qui sera elle aussi basée sur la croissance des marchés". "Les marchés restent très porteurs à travers le monde, donc on continuera à s'inscrire dans cette tendance très positive."

Plus qu'une expansion géographique déjà largement réalisée, "on est plus dans une étape de consolidation, d'efficacité et d'innovation", prévoit-il déjà. "Cette nouvelle étape sera aussi marquée par la digitalisation de nos métiers, tant sur l'interne que sur l'externe dans nos produits", ajoute-t-il aussitôt. "Et c'est une étape qui va nécessiter des investissements importants."

A cet égard, l'adossement à Siemens aurait aidé pour progresser dans les technologies numériques. "Il va donc falloir remplacer cela, si on peut dire, à la fois par des investissements internes et par des partenariats externes", dit-il. Sans oublier peut-être "des acquisitions".

Partenariats et alliances

"Les partenariats peuvent prendre plusieurs formes", note Henri Poupart-Lafarge, qui aime à citer son association avec Airbus dans la cybersécurité: "On valorise énormément le fait d'être associés avec Airbus qui est à la fois pour ses activités commerciales et de défense très avancé dans le sujet."

Restent les spéculations sur une nouvelle alliance pour Alstom, maintenant que la fusion avec Siemens Mobility a échoué. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait même indiqué qu'il cherchait à marier le groupe français, à peine tombé le verdict de Bruxelles.

"On a fait en quelque sorte une parenthèse pendant deux ans avec ces fiançailles avec Siemens", répond M. Poupart-Lafarge. "Mais il faut se rappeler qu'avant, il y avait des discussions un peu à droite à gauche. Je ne suis pas étonné qu'il puisse y avoir des rumeurs qui reprennent."

"Mais il n'y a pas de projet à ce stade", coupe le patron d'Alstom. La Commission européenne a mis son veto le 6 février au projet de fusion entre Alstom et Siemens Mobility, jugeant qu'ils auraient ensemble une position trop dominante en Europe dans la signalisation ferroviaire et les trains à grande vitesse.

Ses détracteurs lui reprochent de ne pas avoir pris en compte la concurrence asiatique, à commencer par celle du mastodonte chinois CRRC, qui commence à pointer son nez sur le Vieux Continent.

afp/vj