Paris (awp/afp) - Le géant français Publicis peine à convertir ses gains de budget et ses efforts de transformation en croissance organique, ses résultats annuels publiés mercredi reflétant les difficultés de la publicité traditionnelle aux Etats-Unis, un marché encore clef dans l'activité du groupe.

Publicis a enregistré un chiffre d'affaires de 8,969 milliards d'euros en 2018, en repli de 3,9% (+0,1% en organique), alors qu'il tablait sur une accélération de la croissance organique en 2018 par rapport à celle de 2017 (+0,8%).

Le communiqué met en avant une croissance organique de 0,8% pour 2018, en excluant l'activité de visiteurs médicaux PHS, dont la vente a été finalisée en janvier.

Publicis estime sa perte en publicité traditionnelle à environ 150 millions d'euros sur l'année écoulée, principalement du fait d'annonceurs américains de la grande consommation.

"On a des clients aux Etats-Unis qui coupent dans leurs budgets, (...) et on souffre avec eux", a admis le président du directoire Arthur Sadoun, lors d'une conférence avec des journalistes. "On ne leur fait pas porter la responsabilité, on comprend, et on assume. Et d'ailleurs on pense qu'à un moment ça va s'inverser".

Publicis a dégagé 919 millions d'euros de bénéfice net en 2018.

Au quatrième trimestre le chiffre d'affaires du groupe a baissé de 0,3% en organique, l'indicateur clef du secteur, un chiffre très inférieur au consensus de +2,5% des analystes Factset.

"Intenable"

"C'est clairement décevant, avec un recul assez fort en Amérique du Nord, en Asie, en Amérique latine... Il n'y a que l'Europe qui est satisfaisante au quatrième trimestre", estime Jean-Baptiste Sergeant, analyste média chez MainFirst, pour l'AFP.

"Leur marge opérationnelle progresse mieux qu'attendu (+ 60 points de base), c'est à saluer. Leur résultat net aussi est plus élevé qu'attendu, donc sur le contrôle des coûts c'est satisfaisant. Mais ce que le marché regarde avant tout c'est la croissance organique, c'est l'indicateur clef."

Dans le communiqué, Publicis assure démarrer l'exercice en cours "avec optimisme", même si le premier trimestre devrait encore être "contrasté" en raison des "effets de l'attrition dans le secteur des biens de consommation".

Le groupe table sur une amélioration de la croissance organique dès le deuxième trimestre, grâce aux gains de budgets de la fin d'année 2018, et confirme son objectif de la porter à 4% en 2020.

"Ils ont un manque de visibilité complet, cela pose la question de la crédibilité de l'objectif pour 2020. ça me semble un objectif intenable", commente M. Sergeant.

Ce revers renforce la conviction du groupe de se concentrer sur sa stratégie (baptisée "Power of One"), qui consiste à se positionner comme un spécialiste, non plus seulement de la communication, mais aussi et surtout de la transformation numérique des entreprises.

Les agences publicitaires sont en effet malmenées par les évolutions de leur secteur. Elles pâtissent de la concurrence des grandes plateformes numériques, comme Google et Facebook, qui s'adressent directement aux annonceurs, mais aussi de la concurrence accrue des cabinets de conseil.

irrigation

Arthur Sadoun met donc l'accent sur ce que Publicis a baptisé les "game changers", ces nouvelles offres sur la donnée, les contenus personnalisés et le conseil en technologie, censées assurer l'avenir du groupe, et une meilleure croissance organique.

"Avec nos +game changers+, qui représentent aujourd'hui 12% de notre chiffre d'affaires, on a été capable de trouver 28% de croissance, soit 250 millions d'euros de nouveaux business", a-t-il précisé.

En 2018, Publicis a notamment remporté l'appel d'offres pour le budget média mondial du groupe pharmaceutique britannique GSK. Face à lui, il avait ses concurrents habituels, comme Omnicom, mais aussi un cabinet de conseil sur le volet numérique.

Sur l'année, le groupe français a remporté la première place en terme de gains de nouveaux budgets, selon une note de Goldman Sachs qui compare les principaux acteurs du secteur (Omnicom, havas, IPG, Dentsu et WPP).

"Mais ce n'est que 12% de notre business parce que nous n'avons pas encore développé cette expertise et ce savoir-faire au niveau global", a-t-il ajouté.

Steve King sera désormais chargé de cette irrigation dans toutes les branches du groupe. Actuellement membre du directoire et directeur exécutif de Publicis Media, il devient mercredi le directeur des opérations, soit le numéro 2 du groupe.

En 2019 le groupe compte aussi poursuivre sa politique d'acquisitions ciblées, en privilégiant les entreprises qui lui apportent des compétences dans le conseil en transformation numérique.

afp/rp