Revoici avec nom de la compagnie d'électricité rectifié, ajoute précisions

CARACAS (awp/afp) - Privés de lumière, d'eau et de moyens de communications, les Vénézuéliens vivent dimanche leur troisième jour d'une panne d'électricité générale qui alimente l'angoisse et la colère liées à la profonde crise politique et économique.

La panne a déjà tué au moins 15 malades dans les hôpitaux mais en l'absence de bilan officiel et de moyens de communications, il est impossible de savoir ce qui se passe exactement, notamment en province alors que Caracas reste majoritairement privée de courant.

Dimanche matin, la compagnie publique d'électricité Copelec a affirmé que la capitale est désormais desservie à 40%. Ce qui laisse 60% dans le noir.

La ville est calme cependant, hormis quelques pillages de supermarchés constatés à Caracas par l'AFP, dont un dans le quartier résidentiel de la Florida.

La centrale hydroélectrique de Gurri, dans l'Etat de Bolivar (sud), responsable de la panne, dessert environ les trois-quarts du pays. Le gouvernement affirme qu'elle a été délibérément visée par une attaque informatique, qui s'est répétée samedi selon lui.

Depuis jeudi 16H50 (20H50 GMT), cette panne, inédite par son ampleur et sa durée dans ce pays de 30 millions d'habitants, qui dispose des premières réserves mondiales de pétrole, met le Venezuela à l'arrêt.

Que des dollars

Magasins, écoles, bureaux et commerces sont fermés, les transports paralysés. Des centaines de passagers sont bloqués à l'aéroport international de Maiquetia, leurs vols annulés.

Chaque jour, Rossy Fernandez, 72 ans, essaie de partir pour Miami pour séjourner huit jours chez son frère. "Personne ne peut rien acheter à l'aéroport parce que personne n'a d'argent sur lui. Il n'y a que les dollars qui circulent. Mais je suis forte, jamais je ne quitterai ce pays, ils partiront d'abord!" lance-t-elle rageuse à propos du gouvernement. 2,7 millions de Vénézuéliens ont émigré depuis 2015.

Samedi soir, dans le quartier résidentiel d'Altamira, les habitants ont entamé un concert de casseroles en guise de protestation, un peu plus long et un peu plus suivi que la veille, témoignant de l'exaspération montante.

Même en ville, dans les rares commerces ouverts, seuls les dollars sont acceptés. Luis a payé 20 dollars les trois fromages, le pain et deux boites de thon... Du fait de l'inflation, les billets locaux en circulation sont trop rares pour payer un litre de lait dix mille bolivars. D'ordinaire, pour s'ajuster à cette hyperinflation, les paiements électronique se sont généralisés. Et ceux-ci sont bien sûr suspendus.

Sur les étals du marché de Chacao, faute de chambres froides ou même de glace, les marchandises se perdent dans la touffeur tropicale de la capitale. Les files de voitures s'allongent devant les stations services, ont constaté les journalistes de l'AFP.

Cette nouvelle crise fournit un nouveau terrain de lutte entre les deux présidents qui se disputent le pouvoir: le président socialiste Nicolas Maduro et le chef de l'opposition Juan Guaido, autoproclamé en janvier président intérimaire et reconnu par une cinquantaine de pays.

"Intervention!"

Tous deux ont organisé samedi des rassemblements rivaux à Caracas. M. Guaido a appelé à une marche nationale sur la capitale pour pousser vers la sortie M. Maduro et répété sa disposition à autoriser une intervention militaire étrangère.

"Intervention! Intervention!", a entonné la foule. "Toutes les options sont sur la table et nous le disons de manière responsable", a assuré Juan Guaido.

M. Maduro, qui effectuait sa première apparition publique depuis le début de la panne, a dénoncé une nouvelle "attaque cybernétique" dans la "guerre électrique" menée selon lui par les Etats-Unis.

Dans un quartier de l'est de Caracas, Francisca Rohas, une retraitée de 62 ans, a passé "trois nuits de grande angoisse".

"Je suis très nerveuse car la situation n'évolue pas, le peu de nourriture que nous avons dans le frigo va être perdue. Jusqu'à quand allons-nous supporter cela?", dit-elle à l'AFP.

Au moins 15 patients atteints de maladies rénales sont morts en 48 heures faute de dialyse, alors que 95% des unités de dialyses sont paralysées par le manque d'électricité, selon l'ONG Coalition des organisations pour le droit à la santé et à la vie (Codevida).

La panne paralyse la plupart des établissement hospitaliers qui ne disposent pas de générateurs.

"C'est pire chaque jour", confie à l'AFP Edward Cazano, 20 ans, qui vit avec sa mère et ses trois petits frères à Pinto Salinas, quartier populaire de Caracas.

Sans nouvelles de leurs proches, samedi soir, des familles étaient garées le long de l'autoroute Francisco Fajardo à Caracas pour tenter de capter un peu de réseau téléphonique.

Des centaines de personnes s'étaient auparavant rendues sur une place de Caracas disposant de panneaux solaires pour y recharger la batterie de leur téléphone portable.

Le gouvernement a affirmé qu'il fournirait à l'ONU "des preuves" d'une responsabilité de Washington dans cette panne. Une délégation du Haut Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme est attendue dans quelques jours.

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