Victor Higgons, les petites valeurs sous performent et décotent de plus en plus par rapport aux grandes. Pourquoi ?

"A l’image de ce que l’on peut observer sur l’ensemble de la classe d’actifs, les résultats 2022 des entreprises de notre fonds, bons dans l’ensemble, laissent la plupart des investisseurs indifférents. Mécaniquement, le PER moyen pondéré du fonds, autour de 10x, creuse sa décote par rapport au marché, proche des 40%. Les flux négatifs sur la classe d’actifs depuis plus de 5 ans s’expliquent par la préférence pour les grosses capitalisations en période d’instabilité, l’impression de fragilité des petites entreprises lors d’évènements exogènes de marché (covid, guerre, crise bancaire...) et la peur de rencontrer des problèmes de liquidité au moment d’un crash. Les croyances ont la dent dure. En effet, en période d’instabilité, il n’a pas été démontré empiriquement que les grandes sociétés résistaient mieux que les petites, au contraire. De plus, la volatilité observée entre les indices Large et Small en Europe est pratiquement égale, voire plus faible pour les Small Cap. Les sociétés de plus petites tailles sont très souvent moins endettées, plus flexibles, avec des dirigeants d’expérience et des alignements d’intérêts forts, renforçant la solidité des PME-ETI en Europe."

Composition et caractéristiques du portefeuille à fin mars 2023

Y a-t-il des raisons d’espérer un regain d’intérêt pour la classe d’actifs ?

"Nous croyons à un rattrapage des multiples de valorisation pour les Small Cap cotées, non seulement par rapport au Large, mais également par rapport au secteur du Private Equity. Notre conviction est que les fonds de capital investissement disposent encore de beaucoup de liquidité à déployer, continuant de collecter massivement auprès des épargnants, et pourraient se tourner vers des sociétés de la cote pour trouver de nouvelles cibles valorisées 30% à 50% de moins que sur le marché privé. Nous ne croyons ainsi pas à une baisse du Private Equity, qui dispose de belles réserves de liquidité à investir, mais plutôt un rattrapage du secteur des petites sociétés cotées. Finalement assez similaire, que la PME-ETI soit cotée ou privée, elle reste un actif économique avec le même euro de rentabilité. Ces écarts de valorisation constituent actuellement une inefficience de marché évidente. Il serait logique que cette inefficience soit exploitée par les investisseurs avec un retour de flux positifs sur les petites sociétés cotées. Ceci pourrait permettre de lancer un nouveau cycle de revalorisation de ces sociétés, à commencer par les plus qualitatives."

Quelles thématiques privilégiez-vous ou évitez-vous actuellement ?

"Nous sommes convaincus que les entreprises en capacités de s’adapter, peu endettées, et rentables, seront les grandes gagnantes de demain, c’est pourquoi l’équipe de gestion se concentre uniquement sur les sociétés en croissance, à forte rentabilité des capitaux engagés, avec une marge confortable, et disposant d’une décote par rapport au marché. Dans ce cadre, nous nous méfions des valeurs exposées à la construction, à la consommation non essentielle, et des équipementiers automobiles. Leurs perspectives de croissance en 2023 et 2024 sont durablement remises en question, ce qui invalide le critère de « Qualité » que nous exigeons pour investir. A contrario, nous privilégions les valeurs offrant des perspectives de croissance visible et de robustesse des marges comme les ESN (Aubay, SII), les sociétés d’intérim (Crit, Synergie) ou encore les sociétés disposant d’un carnet de commandes au-delà de 2023 comme Technip Energies, Fountaine Pajot, Catana ou Rheinmetall."

Performances annuelles du fonds sur 5 ans au 31/3/2023 (source : Quantalys)

Quels sont les derniers arbitrages réalisés au sein du portefeuille ?

"Nous avons renforcé les sociétés du portefeuille qui ont publié favorablement et qui offrent des perspectives de hausse bénéficiaires dans un contexte 2023 plus compliqué. C’est le cas de Stef, Crit et Synergie, Mersen, ou encore d’Eramet. Nous avons pu vérifier le besoin de liquidité des investisseurs sur les titres les moins traités puisque nos achats ont facilement trouvé une contrepartie. Nous avons entré Amundi, dont la valorisation nous a semblée particulièrement attractive lors de la défiance du mois dernier qui a affecté les valeurs financières. A contrario, nous avons achevé les sorties de Plastivaloire et d’Akwel initiées en 2022. Dans ce secteur durablement sinistré faute de pricing power et de volumes, nous conservons Delfingen qui peut compter sur ses parts de marché, le faible poids de ses produits dans les véhicules et la baisse des matières premières pour améliorer ses résultats. Nous avons également allégé Cafom et Reworld dont nous doutons du potentiel de croissance organique dans les années à venir. Enfin, nous n’avons plus de titres Hexaôm et avions allégé Kaufman&Broad."

Indépendance AM a renforcé ses équipes récemment et multiplié les visites de site. Pouvez-vous nous partager une de ces expériences ?

"Nous avons récemment rencontré le management de Delta Plus qui nous a chaleureusement reçus au siège historique de l’entreprise, à Apt dans le Vaucluse. Ces visites sont toujours une bonne occasion de se replonger dans les racines et les trajectoires des sociétés, ce qui facilite la compréhension de leur organisation, de leur modèle économique et de leur trajectoire sur le long terme. En l’occurrence, avec Delta Plus, nous avons relu l’évolution du modèle de l’import/distribution vers un modèle de fabricant/importateur/distributeur avec une diversification continue des familles de produits et des géographies. Nous avons également pu saisir que l’univers concurrentiel était sain, quelles que soit les familles de produit, et que la récurrence des ventes s’expliquait assez bien. "

Le fonds surperforme dans les marchés haussiers (Source : Quantalys à fin mars 2023)