Les marchés actions mondiaux ont continué à se recroqueviller jeudi, toujours groggys après le durcissement de la politique monétaire des principales banques centrales du monde. Les investisseurs s'étaient bâtis il y a quelques semaines un scénario en forme de happy end, sans prévoir une énième péripétie. C'est une bête histoire de décalage entre la réalité et la fiction. La fiction, c'était la victoire rapide des banques centrales contre l'inflation. La réalité c'est qu'on ne nettoie pas de fond en comble des économies modernes en quelques mois.

C'est Jerome Powell, le patron de la Fed, qui l'a encore rappelé mercredi soir. Powell est un indicateur fiable, d'abord parce qu'il est aux commandes de l'économie la plus influente du monde. Ensuite parce qu'il a longtemps vécu lui-même dans la fiction que la banque centrale américaine allait reprendre le contrôle des prix en faisant les gros yeux. Avant de changer de camp, évidemment, mais tardivement. On peut donc imaginer qu'il a appris de ses erreurs d'appréciation, ou plutôt des erreurs commises par l'équipe qu'il incarne. Donc le message est désormais : les efforts passés ne sont pas encore suffisants. Le marché de la dette l'a bien compris : le taux de l'obligation américaine à 10 ans est monté à 3,71% hier, un niveau inédit sur la période récente.

En Europe hier, la séance boursière était plus que morose : toutes les places ont cédé plus de 1%. Paris et Francfort se sont même enfoncées de 1,8%. Aux Etats-Unis, il y a eu quelques tentatives de rejoindre la surface, mais les indices ont échoué en fin de parcours. Bilan, -0,35% pour le Dow Jones et -1,2% pour le Nasdaq. J'avais parié avec le reste de l'équipe hier que le marché américain allait finir par rebondir. J'imagine que ça va me coûter la tournée de viennoiseries du vendredi.

Hier, les banques centrales de plusieurs pays sont venues apporter leurs pierres à l'édifice de la remontée des taux. En particulier en Suisse, en Norvège et au Royaume-Uni. Les outils classiques de cintrage de l'inflation sont déployés, mais on a le sentiment que les banquiers centraux ne contrôlent pas grand-chose. Cela ajoute probablement au spleen des investisseurs actuellement. Il me faut ajouter que la Banque du Japon a fini par réagir à la glissade du yen contre le dollar. La situation devenait intenable avec un recul de 25% depuis le 1er janvier. La BoJ a donc acheté du yen hier, une première en 24 ans, pour "défendre" la zone de 145 JPY pour 1 USD. Ce grand écart provient notamment d'une politique monétaire toujours accommodante dans l'Archipel alors que le reste du monde donne des tours de vis à n'en plus finir. L'actualité "macro" du jour sera dominée par les indicateurs PMI des grandes économies, qui prennent le pouls des directeurs d'achat dans l'industrie et les services. Des statistiques très suivies en général, qui seront distillées tout au long de la journée.  

Je termine les chroniques de la semaine avec le papier intéressant d'un collègue, de John Thornhill, dans le Financial Times. Le journaliste cherchait à trouver en quoi les investisseurs ont eu raison dans les choix qui ont fait gonfler la dernière bulle technologique, celle qui a éclaté en décembre 2021. Un exercice voisin de celui de Paul Graham avec la bulle internet de 2000. Graham expliquait que les investisseurs boursiers avaient eu raison à l'époque sur la direction du voyage, mais tort sur sa vitesse.

Thornhill avance cinq éléments à mettre au crédit des investisseurs. D'abord, ils ont eu raison d'accorder une valeur énorme aux données. Ensuite, ils ont bien compris que si la mondialisation ralentit, la mondialisation électronique s'accélère. Troisième élément, ils ont perçu que le marché du travail a été durablement bouleversé par le coronavirus. Quatrième point, Thornhill pense que la transition énergétique se traduira par une richesse boursière colossale. Je n'ai pas trouvé ça très clair au premier abord, mais il utilise Tesla pour illustrer ce point : l'entreprise est sans doute surmédiatisée et peut-être surévaluée, mais c'est elle qui a montré la voie. Enfin, il mentionne la blockchain et les cryptomonnaies en concédant que les aficionados n'apportent pas beaucoup de réponses mais posent de bonnes questions.

Ce constat me paraît assez juste même s'il manque probablement pas mal d'éléments, de l'aveu même de l'auteur. Personnellement, histoire de jouer l'avocat du diable, je complèterai avec une grande tendance de fond qui est en partie le revers de la médaille de ce qui précède, et qui va aussi largement façonner le monde, et l'investissement, dans les années à venir. Les deux visages de l'interconnexion permise par les réseaux sociaux : l'accès démultiplié à l'information et la pensée en silo qui renforce le tribalisme.

Sur les marchés actions, la fin de semaine est teintée de rouge en Asie Pacifique, sauf au Japon où un jour férié empêche les indices de reculer. Les baisses vont de quelques points en Chine continentale à près de 2% en Australie. Les indicateurs avancés européens sont très légèrement haussiers, parce que les places du continent ont plus baissé que Wall Street en clôture. Le CAC40 perdait 0,2% à 5904 points peu après l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

Les investisseurs s'intéresseront à la première mouture des indices PMI de septembre, publiés pour les principales économies. Tout l'agenda macro ici.

L'euro reste sous pression à 0,982 USD. L'once d'or remonte à 1668 USD. Le pétrole recule, avec un Brent de Mer du Nord à 89,89 USD le baril et un brut léger américain WTI à 83,03 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans se tend à 3,71%. Le bitcoin évolue autour de 18 900 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Alstom : Deutsche Bank réduit son objectif de cours de 37 à 32 EUR.
  • Asos : RBC passe de surperformance à performance sectorielle en visant 1000 GBp.
  • Beiersdorf : Berenberg reste à l'achat avec un objectif relevé de 121 à 128 EUR.
  • Bureau Veritas : Oddo BHF passe de surperformance à sousperformance en visant 25 EUR.
  • Compagnie Financière Richemont : Goldman Sachs reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 126 à 128 CHF.
  • Equasens : GreenSome Finance reste à l'achat avec un objectif réduit de 103,10 à 87,30 EUR.
  • Fnac Darty : Oddo BHF passe de neutre à sousperformance visant 36 EUR
  • Intertek : Oddo BHF passe de neutre à surperformance en visant 4500 GBp.
  • Kaufman & Broad : Oddo BHF passe de surperformance à neutre en visant 28 EUR.
  • LPKF : Stifel démarre le suivi à l'achat en visant 17 EUR.
  • Neoen : Citigroup passe de neutre à vendre en visant 37 EUR.
  • Nexity : Oddo BHF passe de neutre à sousperformance en visant 27 EUR.
  • SMCP : Oddo BHF passe de surperformance à neutre en visant 8 EUR.
  • SUSE : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 28 à 20 EUR.
  • The Swatch Group : Goldman Sachs reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 320 à 318 CHF.
  • TotalEnergies : Jefferies reste à l'achat avec un objectif relevé de 60 à 71 EUR.
  • UCB : Jefferies passe de conserver à acheter en visant 89 EUR.
  • Valneva : Goldman Sachs passe d'achat à neutre en visant 8 EUR.
  • Veolia : Citigroup démarre le suivi à neutre en visant 21 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Crédit Suisse dément les rumeurs de départ des Etats-Unis, alors que le titre a été chahuté hier à cause d'informations sur une augmentation de capital en préparation.
  • Volkswagen envisage de délocaliser sa production hors d'Europe de l'Est dans le contexte de la crise énergétique.
  • Cano Health serait dans le collimateur d'Humana et d'autres acquéreurs, selon le Wall Street Journal.
  • The Boeing Company va payer 200 M$ pour mettre fin à l'enquête de la SEC sur la communication autour du B737MAX.
  • Romande Energie et ses partenaires vendent Neo technologies.
  • com renonce à ses prévisions et se met en vente.
  • ABB va prendre une participation de 10% dans le groupe technologique de surveillance de la santé des actifs Samotics.
  • Mercedes va rappeler plus de 100 000 voitures dans le monde en raison d'un problème d'humidité.
  • Tesla rappelle 1,1 million de véhicules américains en raison d'un problème de logiciel d'inversion automatique des vitres.
  • Principales publications du jour : Smiths Group, Biffa, Juventus Football Club… Tout l'agenda ici.

Lectures