Lourdement endettée et confrontée à la chute du titre Casino qui constitue à la fois son principal actif et sa garantie auprès de ses prêteurs, la holding a été contrainte de demander la procédure de sauvegarde.

Outre Rallye, la procédure concerne l'ensemble de la cascade de holdings du groupe de Jean-Charles Naouri, à savoir ses sociétés mères Foncière Euris, Finatis et Euris, ainsi que ses filiales Cobivia et HMB.

Ses filiales opérationnelles, les distributeurs Casino et Go Sport, ne sont pas concernées.

"Dans un contexte persistant d'attaques spéculatives et massives dont les titres du groupe font l'objet, les sociétés en sauvegarde entendent assurer dans le cadre de ces procédures l'intégrité du groupe et consolider leur situation financière dans un environnement stabilisé", a annoncé Rallye dans un communiqué.

Deux administrateurs judiciaires ont été nommés, Hélène Bourbouloux, connue pour avoir notamment restructuré la dette de Vivarte, et Frédéric Abitbol.

La procédure, qui s'étale sur une période de six mois renouvelable deux fois, permet à Rallye de suspendre le service de sa dette obligataire et bancaire et de négocier avec ses créanciers.

Sa dette nette atteignait 2,9 milliards d'euros à la fin de 2018, et celle de Foncière Euris, Finatis et Euris respectivement 180, 104 et 112 millions d'euros.

PLUSIEURS SCÉNARIOS

A l'issue de la procédure, plusieurs scénarios sont envisageables, comme une renégociation des conditions de ses prêts ou une conversion d'une partie de la dette en capital, une option qui pourrait déboucher sur une perte de contrôle de son groupe par Jean-Charles Naouri.

La cotation de l'ensemble des titres, suspendue jeudi, reprendra vendredi à l'ouverture du marché.

Rallye a été suspendu à 7,6 euros et Casino à 27,94 euros, alors qu'il décrochait de 6,4%, touchant ses plus bas niveaux depuis septembre 2018 lorsqu'il avait fait l'objet de dégagements massifs de vendeurs à découvert.

Le titre Casino accuse une chute de 23% depuis le début de l'année, après un plongeon de 28% en 2018, les investisseurs jugeant risquée une stratégie de cessions d'actifs dictée par la pression imposée par la dette de sa maison-mère.

La situation financière de Rallye était critique.

Pour pouvoir obtenir des lignes de crédit, la holding devait apporter des titres Casino en garantie auprès des banques, et le cours de Casino baissant, il l'obligeait à nantir davantage d'actions.

Or, confirmant les estimations des analystes, Rallye a indiqué jeudi avoir nanti la "quasi-totalité" de ses actions.

En 2018, ses sorties de cash (ses charges financières) ont été supérieures à ses entrées (les dividendes de Casino) et ses flux de trésorerie se sont encore dégradés avec la décision de verser entièrement en numéraire son dividende à ses holdings Euris et Finatis.

La valeur de ses actifs (essentiellement sa part de 51% dans Casino) est inférieure au montant de sa dette et la société risquait la faillite d'ici à 2021, date d'une échéance de dette de 615 millions d'euros, selon les analystes de Kepler Cheuvreux.

INQUIÉTUDES SUR CASINO

De son côté, Casino, dont la notation financière a été encore dégradée par les agences S&P et Moody's en avril, a accru son programme de ventes d'actifs sans pour autant parvenir à rassurer les investisseurs.

Nombre d'entre eux estiment que le distributeur ne dégage pas suffisamment de trésorerie en France et que la contrainte financière liée à la dette de sa maison-mère est trop lourde.

L'objectif de génération de trésorerie de 500 millions d'euros par an qu'il s'est fixé pour les trois ans suffit tout juste à couvrir ses intérêts et les dividendes à verser à Rallye, selon certains analystes.

Par ailleurs, la nouvelle vague de ventes d'actifs engagée depuis 2018 (essentiellement des murs de magasins) constitue à leurs yeux une menace, à terme, pour sa rentabilité compte tenu du poids des loyers qu'elle va engendrer dans un marché français particulièrement difficile.

Grâce à ses cessions, la dette nette de Casino s'est réduite d'un milliard d'euros en 2018, à 2,7 milliards.

(Avec Blandine Hénault et Sudip Kar-Gupta, édité par Véronique Tison)

par Pascale Denis