Paris (awp/afp) - Baisse significative des taux de fret, ralentissement du commerce mondial, surcapacité... les nuages s'accumulent au-dessus du transport maritime international comme l'illustrent vendredi les résultats de CMA CGM, dont le bénéfice net s'est écroulé au troisième trimestre.

Les résultats des géants du secteur publiés ces derniers jours sont venus souligner un brutal retour sur terre après les superprofits des années Covid. Le groupe danois Maersk, deuxième compagnie mondiale, a vu son bénéfice divisé par 17 au troisième trimestre comparé à celui de l'année précédente. Et il a annoncé la suppression de 3.500 emplois en 2024.

Le bénéfice du groupe français CMA CGM, troisième mondial, a lui été divisé par 18 au troisième trimestre.

La fonte des revenus des géants du transport maritime est en grande partie liée à l'effondrement des taux de fret entre mars et décembre 2022, jusqu'à retrouver leurs niveaux d'avant la crise sanitaire.

Ils s'étaient envolés avec la pandémie de Covid-19 et l'explosion de la demande de matériel médical, mais aussi de biens de consommation, alors que les restrictions sanitaires à travers le monde avaient poussé les ménages à réorienter leurs dépenses vers des équipements, meubles et autres biens matériels faute de dépenser en voyages et sorties.

L'acheminement par bateau d'un conteneur standard de 40 pieds ne coûte désormais plus que 1.216 dollars, selon le Freightos Baltic Index. Bien loin des 11.109 dollars record de septembre 2021.

Cet indice, qui mesure le prix hebdomadaire du transport par conteneurs, est même tombé fin octobre à 1.049 dollars, son plus bas historique depuis son lancement en 2016.

Centaines de nouveaux navires

Plusieurs routes maritimes atteignent à peine le seuil de rentabilité. Comme par exemple, le flux transpacifique - entre l'Asie et l'Amérique du Nord - qui est le "principal flux mondial de porte-conteneurs", d'après Arthur Barillas de Thé, directeur général du commissionnaire de transport Ovrsea.

"C'est le flux qui est monté le plus haut pendant le Covid et c'est aussi celui qui s'est effondré le plus vite. C'est un bon exemple de route sur laquelle les compagnies sont probablement en dessous de leur seuil de rentabilité", explique-t-il.

Même le flux transatlantique, traditionnellement plus profitable, a très largement baissé selon Arthur Barillas de Thé. "Il n'est plus aujourd'hui un amortissement pour les compagnies", note-t-il.

Et les indicateurs économiques mondiaux n'incitent pas à l'optimisme. "Il est probable que les dépenses de consommation stagnent dans un environnement de taux d'intérêt plus élevés" dans les grandes économies mondiales, souligne Jonathan Roach, analyste spécialiste du transport de conteneurs pour Braemar.

Rodolphe Saadé, le PDG de CMA CGM, a dit vendredi s'attendre à une croissance atone du commerce mondial pendant toute l'année 2024.

La faiblesse des échanges internationaux vient se conjuguer à une autre menace: celle de la surcapacité. Grâce aux profits phénoménaux engrangés en 2021 et 2022, les grandes compagnies ont, en effet, investi dans des centaines de nouveaux navires.

"Beaucoup plus saines"

Ceux-ci commencent tout juste à être livrés alors que la demande s'assèche, tirant encore plus les prix vers le bas.

Braemar prévoit une croissance annuelle moyenne de la flotte d'environ 5% à 5,5% entre 2023 et 2027. L'offre excédentaire de navire devrait alors atteindre 20% par rapport à 2020.

Il ne s'agit pas pour autant d'une crise, insiste auprès de l'AFP Niels Rasmussen, analyste en chef pour Bimco, principale association mondiale de transporteurs maritimes. En 2008, avant la crise financière, le carnet de commandes de nouveaux navires équivalait à 60% de la flotte mondiale en service. "Aujourd'hui, il est de 27%", précise-t-il.

Les grandes compagnies sont aussi "beaucoup plus saines financièrement car elles ont bénéficié des très forts profits" des années Covid et se sont diversifiées dans la logistique notamment, relève Camille Egloff, spécialiste du transport maritime au Boston Consulting Group.

Et si les échanges Est-Ouest sont sur le déclin, "il y a une résilience plus forte du commerce intrarégional et Nord-Sud" qui peuvent faire office d'amortisseurs, estime Mme Egloff.

"La frénésie des armateurs à acheter de nouveaux navires en période de prospérité, pour les voir arriver en période de vaches maigres, est une histoire aussi vieille que l'industrie du transport maritime elle-même", relativise Daniel Richards, analyste de MSI.

afp/al