ASML, qui est la plus grosse entreprise technologique européenne cotée (226 milliards d'euros de capitalisation), a annoncé 1,9 Md€ de bénéfice net au 3e trimestre 2023, un niveau légèrement plus élevé que le consensus et en amélioration d'une année sur l'autre. Mais son chiffre d'affaires a manqué le consensus, une première depuis plusieurs trimestres. "L'industrie des semi-conducteurs traverse actuellement le bas du cycle et nos clients s'attendent à ce que le point d'inflexion soit visible d'ici la fin de l'année", a expliqué le CEO, Peter Wennink, qui s'attend à un exercice de transition car les donneurs d'ordres ont encore du mal à voir comment la demande va se matérialiser.

Le Néerlandais, qui conçoit et réalise les machines destinées à produire les puces, en particulier les machines les plus avancées technologiquement, reste donc prudent. Il estime en revanche que les restrictions américaines accrues visant l'export de technologies vers la Chine ne devrait pas peser, du moins à court terme. Le marché accueille toujours avec suspicion de genre de déclaration, dans la mesure où la Chine continentale est le troisième marché d'ASML après Taiwan et la Corée du Sud. Et même le premier au T3, avec 46% du chiffre d'affaires. Les projections du groupe se fondent toutefois sur le principe selon lequel la Chine achète pour l'instant des technologies plus anciennes, qui ne tombent pas sous le couperet de la loi américaine.

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Le titre rentre dans le rang cette année

Reste que les prises de commandes sont au plus bas depuis 2020 et nettement en-deçà de ce qui était attendu. "ASML adopte un point de vue plus conservateur et s'attend à ce que les revenus de 2024 soient similaires à ceux de 2023", souligne Jefferies dans un commentaire ce matin. Le bureau d'études pense toutefois que cette mise à plat est la bienvenue. Le marché sanctionne assez logiquement le titre d'une baisse de 3,6% à 552 EUR dans la matinée de mercredi. Le titre évolue environ 30% sous son record du mois de novembre 2021, autour de 777 EUR.

Les Etats-Unis serrent la vis

Dans un document de plus de 400 pages de règles publié mardi, le Bureau américain de l'industrie et de la sécurité (BIS) a indiqué être ouvert à la contribution de l'industrie des semi-conducteurs pour trouver des moyens de continuer à envoyer des puces d'intelligence artificielle en Chine pour les systèmes de petite et moyenne taille, mais a édicté un ensemble d'interdictions strictes visant le marché des puces les plus performantes. Les règles ont été conçues pour limiter la capacité de la Chine à exploiter les puces américaines pour construire des superordinateurs massifs, mais pas pour des technologies plus classiques.

Thomas Krueger, ancien responsable du contrôle des exportations au sein du Conseil national de sécurité des Etats-Unis, a déclaré que "le principe d'organisation de toutes ces règles est de se concentrer sur les capacités qui peuvent permettre aux systèmes militaires chinois de fonctionner. Elles ne s'intéressent pas aux applications grand public."

Les actions occidentales du secteur souffrent

Les actions de Nvidia, Intel et Advanced Micro Devices ont reculé hier après les annonces. Mais une lecture divergente est possible : il pourrait s'agir d'une bouée de sauvetage pour préserver des activités lucratives et mettre des bâtons dans les roues des acteurs chinois les plus en pointe. "Notre hypothèse est que (Nvidia) redessinera rapidement une puce pour répondre aux nouvelles normes avec des perturbations relativement immatérielles pour les perspectives commerciales actuelles", estiment ainsi les analystes de la banque d'investissement Piper Sandler.

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Une machine de production ASML (Source Société)

Les règles, qui entreront en vigueur dans 30 jours, portent aussi sur les équipements avancés de fabrication de puces, connus sous le nom de machines de lithographie par immersion dans l'ultraviolet profond (DUV), s'ils contiennent des pièces américaines.

Elles ne sont pas produites par des fabricants d'outils américains, mais par le japonais Nikon et le néerlandais ASML. Bien que les machines DUV à immersion ne puissent pas produire des puces de pointe, elles peuvent s'en approcher et c'est probablement ce qui a été utilisé récemment par les partenaires de Huawei pour la fabrication de puces afin de créer une nouvelle puce de smartphone pour son Mate 60 Pro, d'après les analystes.