Cet rachat a été conclu dimanche alors que l'attention des observateurs était focalisée sur Lehman Brothers et que Merrill semblait menacée par les répercussions de la crise du crédit.

Il suscite déjà des mécontentements puisque le cabinet d'avocats Wolf Haldenstein Adler Freeman & Herz a annoncé qu'il déposait une plainte dans la mesure où ses modalités sont jugées inadéquates pour les porteurs d'actions de Merrill.

La plainte a été déposée lundi à la Cour suprême de New York contre Merril, son conseil d'administration et Bank of America et au nom d'un investisseur individuel, Laura Diamond, a précisé l'avocat Gregory Nespole.

Il a ajouté que les cabinet tenterait d'obtenir la qualification de plainte en nom collectif au nom d'autres actionnaires de la banque.

"Cela crée une entreprise qu'il aurait fallu une décennie pour construire", a déclaré Kenneth Lewis, le directeur général du groupe, lors d'une téléconférence destinée aux investisseurs.

Il a ajouté que la marque Merrill Lynch serait conservée et que l'organisation de ses activités de courtage, "joyau" du groupe, ne serait pas remise en cause.

Le rachat de Merrill - numéro un mondial du courtage avec quelque 60.000 salariés - devrait être finalisé au premier trimestre de l'an prochain, a-t-il précisé.

Payable intégralement en actions, le rachat valorise Merrill autour de 50 milliards de dollars sur la base des cours de clôture de vendredi.

En début de séance à Wall Street lundi, l'action Bank of America perdait plus de 13% à 29,02 dollars tandis que Merrill gagnait environ 27% à 21,62. La parité d'échange retenue pour la transaction est de 0,8595 action Bank of America pour une action Merrill Lynch.

Lewis a précisé que le rachat devrait amputer le bénéfice par action du groupe de trois cents en 2009, avant un retour à un effet neutre en 2010.

L'intégration de Merrill devrait se traduire par deux milliards de dollars de charges de restructuration mais aussi permettre des réductions de coûts de l'ordre de sept milliards de dollars avant impôt.

Lewis a précisé qu'aucune décision n'avait été prise pour l'instant sur d'éventuelles réductions d'effectifs.

"AUCUNE PRESSION" DES AUTORITES

L'opération a été annoncée presqu'en même temps que le dépôt de bilan de Lehman Brothers, quatrième banque d'investissement aux Etats-Unis, qui a demandé à être placée sous le protection de la loi sur les faillites.

Lewis a assuré n'avoir subi "absolument aucune pression" des autorités de régulation en faveur d'un rapprochement. Il s'est dit convaincu que Merrill Lynch aurait pu rester indépendante.

Son homologue de Merrill, John Thain, a expliqué avoir entamé les discussions avec Bank of America samedi matin, ajoutant qu'il était devenu clair, au fil du week-end, que "le financement des banques d'investissement indépendantes allait devenir tendu".

"Ce n'est pas forcément l'issue à laquelle je m'attendais lorsque j'ai accepté ce poste", a-t-il reconnu.

Le rachat de Merrill devrait permettre à Bank of America de se hisser du quatrième au deuxième rang mondial du secteur, derrière la banque chinoise ICBC . Selon des données Thomson Reuters, elle deviendra aussi la numéro un mondiale pour les émissions d'obligations et d'actions, devant JP Morgan.

"Avec ce rapprochement, Bank of America va détenir des positions fortes là où, auparavant, elle était faible", a estimé James Ellman, gérant de portefeuille chez Seacliff Capital.

"Maintenant Bank of America disposera d'une des meilleures maisons de courtage du pays, d'une des toutes premières banques d'investissement du monde et d'une participation importante dans l'un des meilleurs gérants de capital-investissement", a-t-il ajouté.

Merrill assure également à son acquéreur une position accrue sur les marchés de matières premières, notamment dans l'énergie.

Comme Lehman Brothers, le bilan de Merrill Lynch était de plus en plus déséquilibré par la forte exposition de la banque à des actifs adossés à des crédit immobiliers.

Merrill Lynch a déjà passé pour plus de 40 milliards de dépréciations depuis l'éclatement de la crise du crédit à l'automne 2007. Le mois dernier, elle avait revendu pour plus de 30 milliards de dollars de titres obligataires au fonds Lone Star Funds.

John Poirier, version française Benoit Van Overstraeten