Par Karey Wutkowski

L'administration Obama a proposé de ramener de quatre à trois le nombre de régulateurs bancaires. Des sources proches de la commission bancaire du Sénat ont toutefois estimé qu'il fallait aller encore plus loin, pour empêcher les banques de tirer profit des failles dans la réglementation.

L'idée de créer un "super-régulateur" bancaire unique a même été débattue, ce qui a provoqué la colère de certains responsables tandis que, selon les experts, une simple réorganisation des compétences entre les organismes existant ne garantit nullement une supervision plus efficace.

L'existence d'un régulateur unique permettrait de résoudre un problème qui s'est trouvé au coeur de la crise financière: le fait que des établissements "fassent leur marché" dans la régulation existante, à l'image d'American International Group et de Countrywide Financial, champions en la matière.

"(Avec un régulateur unique) le risque d'arbitrage et/ou d'exigences tirées vers le bas est éliminé", a déclaré David Min, directeur associé chez Center for American Progress, un "think tank" basé à Washington.

Le gouvernement américain a suggéré de fermer l'Office for Thrift Supervision, l'organisme de régulation des établissements de crédit immobilier accusé par certains de laxisme, et de transférer ses compétences à l'Office of the Comptroller of the Currency, qui a déjà autorité sur la plupart des grandes banques du pays, comme Bank of America et JP Morgan Chase.

Si le projet Obama est mis en oeuvre, la Federal Deposit Insurance Corp (FDIC) et la Réserve fédérale se partageront la supervision des autres établissements bancaires.

D'après un conseiller d'un sénateur faisant partie de la commission bancaire, les législateurs sont toujours en train de réfléchir à la nouvelle répartition des autorités de régulation bancaire.

LES RÉGULATEURS ACTUELS RÉSISTENT

Ce conseiller, qui a requis l'anonymat en raison de la confidentialité des débats, a précisé que les membres de la commission avaient tous manifesté la volonté d'aller plus loin que le texte de l'administration Obama.

Christopher Dodd, le sénateur démocrate qui préside le commission, s'est demandé lors d'une audience organisée le mois dernier si ramener le nombre de régulateurs à trois était une mesure "vraiment suffisante".

Mark Warner, un autre démocrate, s'est pour sa part prononcé en faveur d'un régulateur bancaire unique.

Le Sénat a pris l'initiative sur cet aspect de la réforme réglementaire voulue par Barack Obama, la Chambre des représentants se faisant moins entendre sur le sujet.

"Au bout du compte, (un régulateur unique) serait une bonne chose car nous aurions alors une vraie réforme plutôt qu'un simple toilettage", a déclaré Lawrence Kaplan, avocat spécialiste du secteur bancaire chez Paul Hastings.

Il ajouté que, en l'état actuel, les propositions du gouvernement ne permettent pas de régler la situation actuelle, où deux systèmes cohabitent et où les régulateurs peuvent appliquer des règles différentes selon les banques.

Les autorités de régulation fédérales existantes ont exprimé, à des degrés divers, leur opposition à la création d'un superviseur unique.

La présidente de la FDIC, Sheila Bair, s'est montrée la plus virulente dans la dénonciation d'un tel projet, mettant en garde les législateurs le mois dernier qu'un régulateur unique délaisserait les problèmes des banques locales au profit des gros établissements du pays.

John Dugan (Comptroller of the Currency) et Dan Tarullo (Réserve fédérale) ont été plus mesurés lors de leurs auditions par la commission bancaire du Sénat, disant qu'il y avait des avantages et des inconvénients à toutes les solutions.

Ceci dit, malgré ces différentes oppositions, une loi sur la réorganisation des autorités de régulation bancaires a plus de chances d'être votée que d'autres réformes du système financier.

Une proposition visant à fusionner la Securities and Exchange Commission (SEC), le "gendarme" de la Bourse et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) n'a pas été retenue en raison de fortes divergences entres différentes commissions du Congrès.

Et l'idée d'une loi prévoyant la création d'une agence fédérale chargée de protéger les consommateurs des risques liés aux produits financiers sera vraisemblablement combattue avec force par les régulateurs et les établissements financiers.

David Min souligne que le débat sur le nombre de régulateurs est secondaire, soulignant que l'essentiel réside en l'existence de règles claires applicables à l'ensemble des banques.

"A mon sens, il ne faut pas prendre partie dans cette discussion sur le nombre de régulateurs car tout l'enjeu tourne autour de ce qu'ils font. En fin de compte, ce n'est pas la structure qui importe mais l'exécution des règles", poursuit-il.

Version française Benoit Van Overstraeten