Tokyo (awp/afp) - La Banque du Japon a provoqué mardi une onde de choc sur les marchés en assouplissant son étroit contrôle des rendements des obligations publiques japonaises à dix ans. Il s'agit de l'outil le moins conventionnel de sa politique monétaire ultra-accommodante.

La BoJ a recours depuis 2016 à cette mesure radicale et très rarement expérimentée par d'autres banques centrales, à part la Fed américaine pendant et après la Seconde Guerre mondiale et la Banque centrale australienne (RBA) entre 2020 et 2021. A l'époque, la politique d'achats d'actifs massifs de la BoJ lancée en 2013 pour tenter de réveiller durablement la croissance et l'inflation au Japon avait eu pour effet pervers de faire tomber des rendements obligataires nippons en territoire négatif.

Cela mettait en danger le secteur financier du pays, déjà échaudé par le taux d'intérêt négatif de -0,1% fixé peu auparavant par la BoJ sur les dépôts des banques auprès d'elle, pour les inciter à prêter davantage aux entreprises et aux ménages. Aussi le but initial de cet outil appelé "yield curve control" en anglais (YCC) était de maintenir les rendements des obligations publiques japonaises à dix ans entre -0,1% et +0,1% pour éviter qu'ils ne se dégradent trop.

Depuis 2016, la BoJ mène des opérations d'achats d'obligations publiques illimités et à taux fixe pour parvenir à ses fins. La BoJ a progressivement rendu plus flexible son contrôle des rendements obligataires: en 2018 elle a opté pour une fourchette comprise entre -0,2% et +0,2%, élargie en mars 2021 à -0,25% et +0,25%, et depuis ce mardi comprise entre -0,5% et +0,5%.

Un marché distordu

En élargissant cette fourchette, la BoJ cherche à améliorer le fonctionnement du marché obligataire japonais, distordu par ses interventions massives: à fin septembre, l'institution détenait désormais plus de 50% de la valeur totale de ce marché contre environ 10% il y a dix ans, selon des données publiées lundi. Sous l'effet des resserrements monétaires drastiques contre l'inflation menés depuis cette année aux Etats-Unis et en Europe, de nombreux spéculateurs, surtout à l'étranger, ont pensé que la BoJ allait être obligée de faire rapidement de même et ont vendu massivement leurs obligations publiques japonaises, faisant grimper leurs rendements.

Longtemps, la BoJ a farouchement défendu sa ligne rouge de +0,25% sur les rendements à dix ans en multipliant ses opérations d'achats illimités à taux fixe. Mais par la même occasion, elle a encore augmenté son emprise sur le marché obligataire nippon, créant un cercle vicieux difficilement tenable à long terme. Porter son plafond à 0,5% ne marque pas le début d'un resserrement monétaire de la BoJ mais vise à rendre sa politique de contrôle de la courbe des rendements "plus soutenable", a estimé mardi Norihiro Yamaguchi du cabinet Oxford Economics.

Le rendement des obligations publiques japonaises à dix ans a aussitôt bondi mardi jusqu'à plus de 0,4%, au plus haut depuis 2015.

afp/vj