par Sarah White et Gwénaëlle Barzic

Le groupe dirigé par Bernard Arnault va débourser 135 dollars par action en numéraire et prévoit de finaliser l'opération au milieu de l'année 2020.

Cette acquisition doit permettre à LVMH d'étoffer sa division la moins importante, les montres et joaillerie, au sein de laquelle figurent déjà les marques Bulgari et Tag Heuer, de se développer dans l'un des domaines les plus dynamiques du secteur du luxe et de renforcer sa présence aux Etats-Unis.

Le groupe français va toutefois devoir relancer une entreprise confrontée à l'évolution des modes de consommation et aux conséquences de la guerre commerciale entre Washington et Pékin, qui accentue la tendance des clients chinois à effectuer de plus en plus d'achats dans leur pays.

Tiffany a déjà entrepris des efforts de redressement en tentant de rajeunir son image et de séduire une clientèle en ligne.

Le joaillier, créé à New York en 1837 et célèbre pour ses écrins de couleur bleu-vert, peut s'appuyer sur une renommée mondiale amplifiée par le film "Breakfast at Tiffany's" ("Diamants sur canapé") en 1961 avec Audrey Hepburn. Seule une poignée de marques peut rivaliser en termes de réputation, comme Cartier, du groupe suisse Richemont.

L'EXEMPLE BULGARI

"C'est une icône de l'Amérique, qui au passage devient un peu française", a dit Bernard Arnault à Reuters. "Il y a chez Tiffany des points extraordinairement marquants, par exemple la couleur. On est propriétaire d'une couleur, c'est quand même très rare."

L'homme d'affaires, qui a fait de LVMH le numéro un mondial du luxe à coups d'acquisitions, a évoqué Bulgari, acheté en 2011, comme exemple à suivre pour Tiffany.

Le groupe est parvenu à multiplier par cinq le résultat opérationnel du joaillier italien en lançant de nouvelles gammes, en améliorant les boutiques dans le monde entier et en travaillant sur la communication, a dit le PDG de LVMH.

"Je ne vous dis pas qu'on va faire ça (avec Tiffany) mais je pense que le potentiel est là", a déclaré Bernard Arnault.

Il a estimé que cette acquisition, financée via des émissions d'obligations, augmenterait le résultat opérationnel de LVMH de 500 à 600 millions d'euros dès la première année.

LVMH ne détaille pas ses bénéfices par marques.

L'action LVMH a pris 2,02% à 404,25 euros lundi à la clôture à la Bourse de Paris, après être montée jusqu'à 405,90 euros. A Wall Street, le titre Tiffany a fini sur un gain de 6,17% à 133,25 dollars.

Dans un communiqué conjoint, Tiffany a déclaré que son conseil d'administration recommandait à ses actionnaires d'approuver l'opération.

Le prix de 135 dollars par action représente une prime de 7,5% par rapport au cours de clôture du titre Tiffany vendredi à New York et de plus de 50% par rapport au niveau où se trouvait l'action avant que LVMH manifeste publiquement son intérêt.

LVMH INTÉRESSÉ DEPUIS DES ANNÉES

Le groupe français a publiquement fait la cour à Tiffany pendant environ cinq semaines après une première offre à 120 dollars par action repoussée en octobre. Son intérêt pour le joaillier américain dure cependant depuis des années, ont dit des sources proches du dossier.

Tiffany dispose de plus de 300 magasins dans le monde et a réalisé près de la moitié de son chiffre d'affaires aux Etats-Unis l'an dernier. Il peine toutefois à attirer une clientèle plus jeune et ses performances en dehors des Etats-Unis sont inégales.

Face à la concurrence de marques plus accessibles comme Pandora et Signet Jewelers, LVMH va probablement s'efforcer d'installer Tiffany sur le segment du haut de gamme, plus rentable.

"Bernard Arnault sera en mesure d'investir massivement pour repositionner la marque, en la faisant davantage monter dans le haut de gamme aux Etats-Unis tout en poussant encore plus en Asie et en Europe", a dit une source proche de l'opération.

La croissance de la joaillerie a été en 2018 plus rapide que celle d'autres domaines du luxe, comme la mode, selon le cabinet Bain, qui prévoit une progression des ventes comparables de 7% cette année sur ce marché de 20 milliards de dollars.

"Le capital de marque de Tiffany et la puissance de l'image de son emblématique boîte bleue 1837 ont plus de valeur que ne le laissent supposer les données financières actuelles", a écrit Flavio Cereda, analyste de Jefferies, dans une note publiée juste avant la confirmation de la transaction.

"LVMH peut s'appuyer sur ces éléments pour lancer une 'offensive' plus concertée sur le marché des 'millennials' en Asie", a-t-il ajouté, alors que les jeunes Chinois sont l'un des moteurs de croissance actuels du secteur du luxe dans le monde.

Un remaniement de la direction de Tiffany n'est pas à l'ordre du jour, a dit Bernard Arnault, sans exclure des changements à plus long terme à la tête du joaillier, dirigé par un ancien de Bulgari, Antonio Bogliolo.

(Version française Bertrand Boucey, édité par Sophie Louet)

par Sarah White et Gwénaëlle Barzic