Autrefois une division du conglomérat Colfax, contrôlé par les frères Rales — célèbres pour leurs exploits chez Danaher, l'une des plus formidables success-story boursières et industrielles des dernières décennies — ESAB fait désormais bande à part. 

Après moult restructurations — cessions de Howden et de l'activité historique dans la gestion des fluides, entrée dans l'orthopédie via l'acquisition de DJO Global, etc. — le conglomérat s'est scindé en deux "pure players" : ESAB dans la soudure, Enovis dans l'orthopédie. 

Mitchell Rales reste au capital du premier avec 6.2% des parts, mais son frère Steven est sorti. Les deux restent en revanche engagés dans Enovis dans les mêmes proportions qu'avant la séparation.

On notera que la très réputée firme d'investissement BDT, dirigée par Byron Trott, ex-Goldman, souvent présenté comme "le banquier préféré de Warren Buffett", et un temps soutien des deux frères lorsque Colfax fit l'acquisition d'ESAB, ne figure plus parmi les actionnaires.

Le rythme de croissance de Colfax aura en réalité été décevant sur la dernière décennie, à un taux annualisé d'à peine 3-4%, du reste parfaitement en ligne avec son secteur. On est loin ici de la croissance météorique de Danaher à ses débuts, mais il est vrai que le secteur ciblé est aussi limité — alors que Danaher opérait de manière complètement opportuniste. 

Déceptions semblables aux niveaux des marges d'exploitation, toujours très inférieures à celle de Illinois Tool Work — la référence en la matière, qui profite à plein de son exposition au marché américain — et des cash-flows, qui stagnent depuis des années à cause d'une capricieuse gestion du fonds de roulement. 

Ceci restreint le champ des possibles en matière d'acquisitions, quand bien même Colfax en a réalisé trois pour $149 millions cette année, soit la quasi intégralité du profit cash de $175 millions. 

Ce free cash-flow, signalons-le, dépassait $200 millions il y a trois ans, pré-pandémie : encore moins bien qu'une stagnation des profits, c'est à une problématique réduction qu'on assiste.  

Post-séparation avec Envois, le bilan d'ESAB se retrouve par ailleurs alourdi d'une dette de $1.2 milliards. Cette dette fut contractée pour verser un dividende spécial d'un même montant à Enovis — on appréciera moyennement — et représente trois ans de profit d'exploitation et cinq années de profit cash. Il faudra faire avec.

Bref, ceux qui pariaient il y a dix ans — lorsque Colfax rachetait ESAB au britannique Charter — sur un remake de Danaher en seront pour leur frais. Comme l'ont été, au demeurant, les actionnaires des autres spin-offs pilotés par les frères Rales, Fortive et Vontier.

Le prix de l'action ESAB s'est bien ressaisi ces derniers mois, avec une valeur d'entreprise — capitalisation boursière plus dette nette — de $5 milliards, désormais équivalente à x25 les profits, soit un multiple dans la fourchette haute de la valorisation historique.

Nonobstant la série de déceptions, la situation mériterait potentiellement d'être revisité à moins de $40 par action. Mitchell Rales avait d'ailleurs acquis un demi-million titres à ce cours en novembre 2022.