Tout commence dans les années 50. Sidney Harman, ingénieur de formation, travaille chez Bogen, le premier fabricant de systèmes de sonorisation de l'époque. Il se lie d'amitié avec un de ses collègues, Bernard Kardon. Très vite, Sidney perçoit tout l'intérêt de développer l'équipement audio et vidéo pour la maison. Il tente de persuader ses supérieurs du potentiel de ce secteur de niche. Sans succès.

Convaincu de son idée, Sidney Harman démissionne en 1953 et crée avec Bernard Kardon leur propre entreprise : Harman-Kardon Inc. Trois ans plus tard, son associé prend sa retraite, Sidney Harman lui rachète ses parts et devient le grand patron d'une entreprise en plein essor. Harman achète JBL et développe un système stéréo haute qualité à usage domestique qui se distingue de la concurrence par l'alliance de la technologie de pointe et du design.

Harman comble ses clients et épanouit ses salariés
Nous sommes au cœur des Trente Glorieuses et tous les ménages découvrent le confort des équipements ménagers. Entre le réfrigérateur et la télévision, Sidney Harman impose un équipement stéréo mêlant qualité et esthétisme.

Son entreprise est en pleine effervescence. Les masses se réjouissent des innovations technologiques et les salariés découvrent un tout nouveau mode de management participatif. Sidney Harman est connu pour avoir appliqué à la gestion de son personnel la "méthode Bolivar". Elle vise à améliorer la satisfaction des travailleurs et la productivité en créant un environnement de travail axé sur les employés.

Mais Sidney Harman n'est pas simplement un chef d'entreprise brillant, il développe un intérêt pour la politique, l'éducation ou encore la philosophie. Au début des années 1970, Harman devient président des Amis du Collège du Monde, une école expérimentale basée à Long Island. Ces mêmes années sont marquées par la diversification de l'activité du groupe. Une usine dans le Tennessee produit des rétroviseurs latéraux pour automobiles. Ceci symbolise à merveille la capacité de Sidney Harman à gérer à la fois le business et ses passions philanthropiques.

En 1973, Sidney Harman concrétise son attachement à l'enseignement supérieur en obtenant un doctorat en psychologie sociale à l'Institut de l'Union de New York. Nous sommes au milieu des années 70, la dépression n'est pas très loin et Harman-Kardon continue d'afficher une santé économique insolente. En 1976, la société génère 136,5 millions de dollars de chiffre d'affaires annuel.

Harman politicien
1977 : le démocrate Jimmy Carter est élu. Passionné de politique (sa femme Jane est une influente parlementaire démocrate californienne), Sidney Harman accepte le poste de sous-secrétaire du Commerce que lui propose le 39ème Président des Etats-Unis.

Il vend alors 25% de sa participation dans Harman-Kardon à l'entreprise Behemoth Béatrice. Alors qu'Harman enchaine les succès dans l'administration Carter, la mauvaise gestion précipite l'entreprise à sa perte. Lorsque Carter est chassé du pouvoir en 1980, Sidney Harman est déterminé à reprendre le contrôle de l'entreprise et à restaurer sa gloire d'antan. Il rationalise et réorganise la société récemment rebaptisée Harman International Industries.

Au milieu des années 1990, Harman International Industries est en pleine expansion, principalement grâce à l'acquisition de filiales en Europe, au Japon et aux Etats-Unis. Son système de gestion participatif est appliqué au sein de toutes les petites entreprises qu'il rachète. La stratégie s'avère être un énorme succès. Harman International devient l'un des rares producteurs audio-équipement des États-Unis à prospérer au cours des années 1980 et 1990.

Les années 90 sont marquées par l'intensification des efforts de commercialisation et par la fusion de toutes les filiales en trois unités : automobile, professionnels et particuliers.

A 91 ans, Harman entame une carrière dans l'édition
Cet homme d'affaires aurait pu rester dans l'ombre du grand public, mais le rachat de Newsweek, institution de la presse américaine fondé en 1933, l'a propulsé sur le devant de la scène médiatique en août 2010.

Son offre pour le rachat du magazine au Washington Post est préférée à celles présentées par Fred Drasner, ex-dirigeant du tabloïd New York Daily New, et par le fonds d'investissement Avenue Capital Group qui publie notamment le tabloïd The National Enquirer.

Le magazine doit faire face à la crise de la presse, à l'effondrement de la publicité. Selon les Echos du 4 août, ses recettes publicitaires se sont effondrées de 39%, à 70,3 millions de dollars en 2009. L'essor d'internet a également fait plonger sa diffusion (entre 2008 et 2009, Newsweek a perdu presque 15% de son lectorat). Depuis 2007, l'hebdomadaire a réalisé une perte opérationnelle cumulée de 44 millions de dollars.

Sidney Harman s'est engagé à "produire un magazine d'information vivant, intéressant et de première classe, mais aussi un site dynamique". Il prévoit de garder les 350 salariés de l'équipe à l'exception de Jon Meacham, le rédacteur en chef dont le départ est prévu une fois la vente finalisée courant septembre 2010.

Ce virage professionnel est l'occasion pour Sidney Harman de "synthétiser ses expériences dans l'industrie, l'éducation et la politique". A 91 ans, il le dit lui-même : "Je ne pouvais pas laisser passer".