* La police démantèle des barricades dans la capitale ukrainienne

* Le président se dit favorable à une "table ronde nationale"

* La justice menace de poursuites les occupants des bâtiments publics (Actualisé avec raid contre le parti de Timochenko §7, appel de Biden à Ianoukovitch §§18-19)

par Richard Balmforth et Alissa de Carbonnel

KIEV, 9 décembre (Reuters) - Le président Viktor Ianoukovitch s'est dit favorable lundi à l'ouverture d'un dialogue national en Ukraine, mais la tension reste forte dans les rangs de l'opposition qui redoute une intervention de la police.

Viktor Ianoukovitch est confronté à un vaste mouvement de protestation, le plus important depuis la "révolution orange" de décembre 2004, depuis la décision de son gouvernement, annoncée le 21 novembre, de renoncer à signer un accord de libre-échange avec l'Union européenne et de relancer ses efforts de rapprochement avec Moscou.

L'opposition, qui a encore réuni des centaines de milliers de partisans dimanche à Kiev, réclame la démission du gouvernement et des élections anticipées.

La tension reste vive dans le camp des partisans d'un rapprochement avec l'Europe qui redoutent de nouvelles violences policières après la dispersion brutale d'un rassemblement il y a dix jours sur la place de l'Indépendance.

Des unités de la police anti-émeute se sont déployées lundi matin à proximité de la grande place, centre de la contestation, et aux abords de la mairie de Kiev, occupée depuis le 1er décembre par des manifestants.

Les forces de l'ordre ont retiré des barricades dans un quartier du sud de la capitale et dégagé sans incident l'avenue conduisant au siège du gouvernement. Mais les policiers se sont gardés d'intervenir sur la place de l'Indépendance, point central de la contestation, a constaté l'agence Reuters.

Des hommes armés et masqués ont par ailleurs fait irruption au siège du parti de l'opposante ukrainienne Ioulia Timochenko et ont dérobé un serveur informatique, a dit une porte-parole de cette formation. Natalia Lissova a imputé cet incident à la police, laquelle a démenti toute implication.

NOUVELLES BARRICADES

Dans un communiqué diffusé sur son site, le procureur général d'Ukraine a averti que les manifestants devaient cesser d'occuper les bâtiments publics et de bloquer les rues de la capitale sous peine de s'exposer à des poursuites.

"Quiconque croit qu'il peut, par ces actions, semer l'anarchie dans notre pays, se berce d'illusions", a déclaré le procureur Viktor Pchonka. "La loi opère dans notre Etat."

A l'appel de leurs leaders, les opposants ont dressé de nouvelles barricades pour bloquer les accès à "Maïdan", la place de l'Indépendance.

"L'opposition doit rester ici et faire tout son possible pour empêcher la police de disperser un rassemblement pacifique", a dit Vitali Klitschko, invitant cependant les personnes âgées et fragiles à rentrer chez elles.

"Nous nous attendons à la dispersion par la police d'une manifestation pacifique. Si le sang est versé pendant cette dispersion, ce sang sera sur les mains de celui qui l'a ordonnée (...) Ianoukovitch", a déclaré le champion du monde de boxe reconverti en homme politique.

La violente dispersion par les forces de l'ordre, le 30 novembre, des manifestants rassemblés place de l'Indépendance n'a fait que renforcer la détermination des opposants.

TABLE RONDE

Selon le site de la présidence ukrainienne, Viktor Ianoukovitch apporte son soutien à une initiative du premier président de l'Ukraine indépendante, Leonid Koutchma, qui a proposé la tenue d'une "table ronde nationale" pour rechercher un compromis.

"Une telle table ronde peut devenir une plate-forme de compréhension mutuelle", ajoute le communiqué de la présidence.

Aucune date n'a été donnée pour l'ouverture éventuelle de cette table ronde et les principaux courants de l'opposition n'ont pas encore exprimé de réponse unitaire à cette proposition.

Vitali Klitschko, à la tête du parti libéral Udar, s'est dit prêt à discuter avec le chef de l'Etat en compagnie des autres dirigeants de l'opposition, tout en continuant à réclamer la démission du gouvernement.

Le vice-président américain, Joe Biden, a téléphoné lundi à Viktor Ianoukovitch pour lui faire part de sa "profonde inquiétude" et lui demander de dialoguer avec les opposants, a annoncé la Maison blanche.

"Il a souligné que la violence n'a pas sa place dans une société démocratique et est incompatible avec notre relation stratégique", a précisé la présidence américaine dans un communiqué.

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, avait lui aussi exhorté les autorités ukrainiennes à agir avec retenue et à "respecter pleinement la liberté" des manifestants lorsqu'il s'était entretenu dimanche par téléphone avec le président ukrainien.

Catherine Ashton, haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères, sera mardi et mercredi à Kiev où elle prévoit de rencontrer Viktor Ianoukovitch ainsi que les chefs de l'opposition. (Jean-Stéphane Brosse et Tangi Salaün pour le service français)