Du moins sur le papier, puisque le constructeur né de la fusion Fiat-PSA est présentement valorisé à trois fois ses profits. C'est moins que Volkswagen (quatre fois ses profits), BMW (cinq fois), Ford (sept fois), Toyota (dix fois), Geely (dix-neuf fois), et bien sûr Tesla (quatre-vingt-quatre fois). 

Il y a quelques semaines, Stellantis publiait pourtant des résultats semestriels épatants, avec €98 milliards de chiffre d'affaires et une marge d'exploitation record de 14%, soit une profitabilité comparable à celles de BMW, Tesla ou Honda ; supérieure à celles de GM ou Volkswagen ; mais toujours deux crans en-dessous de celle de Toyota.

Les différentes marques du groupe — Jeep, Dodge, Peugeot, Citroen, Fiat, Maserati, etc. — alignent les blockbusters. On pense bien sûr, entre autres, au Dodge Ram, à la Peugeot 5008, à la Fiat 500 ou à la Jeep Wrangler. En Amérique du Nord, en Europe ou dans les émergents, la sauce prend partout. 

Le groupe a profité de ces succès pour monter en gamme et relever ses prix, sans que cela n'altère l'enthousiasme de ses clients. En parallèle, il s'échine à rapidement mettre sur pied son offre électrique, et entend ainsi atteindre 400GWh de capacité en 2030, dont 250GWh installé en Europe — comme Volkswagen. 

Avec des ventes au plus haut et trente milliards d'euros de cash en excès à son bilan, le quatrième constructeur mondial apparaît en position de force pour assurer cette transition. Ceci, c'est vrai, en dépit d'un possible retard à l'allumage. 

Comment donc expliquer un tel désintérêt des investisseurs ? D'abord, exception faite de Tesla, on observe bien comme ces derniers se tiennent à l'écart du secteur automobile depuis la grande crise financière de 2008, marquée notamment par la catastrophique banqueroute de General Motors. 

Il y a aussi les cocasseries de Stellantis : empreinte industrielle transatlantique, domicile légal aux Pays-Bas, cotation en Italie, structure née de la fusion d'un groupe français avec un groupe italien, verrouillage de l'actionnariat par la dynastie Agnelli... Mis bout à bout, voilà qui déboussole un peu.  

Autre élément : le positionnement tranché de Carlos Tavares sur le sujet de la Chine. Le directeur général a liquidé la joint-venture locale de Jeep et ne rate jamais une occasion de critiquer vertement l'imbrication du pouvoir politique dans le paysage des affaires chinois. Récemment, il dénonçait "l'invasion" des véhicules électriques chinois produits à bas coûts. 

Tout ceci, en réalité, flirte avec le bon sens. Stellantis ex-Peugeot a déjà subi de plein fouet les sanctions en Russie et en Iran — où le groupe occupait autrefois une positon compétitive archi-dominante. Tavares parle donc d'expérience lorsqu'il anticipe les conséquences d'un possible "découplement" entre la Chine et l'Occident, qui reste après tout une constante historique, hors quelques ponctuels épisodes d'ouverture.

Mais les investisseurs appréhendent peut-être le fait que Stellantis boude le premier marché automobile mondial, qui en l'état reste la poule aux yeux d'or des concurrents allemands comme BMW ou Mercedes... S'agit-il d'un bon choix ? Chacun verra midi à sa porte ici.

Enfin, il n'est pas interdit de craindre un haut de cycle économique et sectoriel : économique après dix ans de taux à zéro ou presque, qui ont incité les consommateurs à s'endetter pour financer l'acquisition de nouveaux véhicules ; sectoriel ensuite, après la pénurie de véhicules d'occasion qui a tiré les prix du neuf vers des niveaux très élevés.

A ce titre, il est possiblement risqué d'extrapoler les marges actuelles de Stellantis. Hors quelques exceptions sur le segment ultra-premium, les retours sur capitaux dans l'industrie automobile, on le rappelle, restent généralement décevants sur les cycles longs. Il n'est pas encore démontré que la consolidation progressive du secteur puisse changer cette dynamique.