10 juillet (Reuters) - L'association représentant les constructeurs automobiles chinois a mis fin à un accord qu'elle avait réussi à négocier entre 16 constructeurs automobiles, dont Tesla, et qui avait permis une trêve dans la guerre des prix des véhicules électriques (VE).

L'Association chinoise des constructeurs automobiles (CAAM) a déclaré dans un communiqué samedi qu'elle reconnaissait que cet accord avait violé la loi antitrust chinoise et qu'elle le rétracterait.

QUEL EST LE CONTEXTE ?

La pression concurrentielle est intense sur le segment: depuis la décision de Tesla de réduire le prix de ses véhicules en janvier, environ deux douzaines de constructeurs automobiles ont diminué leurs prix de ventes afin de rester compétitifs et de stimuler la demande.

Les constructeurs concernés sont chinois, étrangers, publics ou non: Xpeng, NIO et Great Wall Motor , Geely et ses marques affiliées comme Volvo, le groupe détenu par l'Etat Chery Automobile , ont tous réduit leurs prix.

Ford, Toyota, Nissan, General Motors , Honda et Stellantis ont également baissé les prix de leurs véhicules, dont des véhicules à combustion qui perdent des parts de marché au profit des VE et des hybrides rechargeables.

Près de 25 millions de véhicules, dont une part de plus en plus importante de véhicules électriques ou hybrides, devraient être vendus cette année sur le marché chinois, le plus grand du monde et en croissance de 3% par an.

Selon le cabinet de conseil AlixPartners, les marques chinoises représenteront plus de 50% des volumes de vente cette année, une première.

Ces changements ont intensifié la concurrence sur les prix, ce qui stimule les ventes de VE mais menace également la rentabilité de l'ensemble du secteur, selon les analystes.

En mars, la CAAM a exhorté les constructeurs automobiles et les autorités locales à limiter les réductions de prix pour assurer un développement stable du secteur.

Selon les analystes, les consommateurs attendent des réductions plus importantes avant d'acheter, tandis que certains fournisseurs automobiles ont été contraints d'accepter des réductions de leurs prix.

QU'EST-IL ARRIVE A LA "TRÊVE"?

Jeudi, lors d'un événement organisé à Shanghai, la CAAM a négocié une série d'engagements signés par les dirigeants de 16 constructeurs automobiles, dont Tesla, BYD, NIO, Li Auto et Xpeng, ainsi que Geely et les groupes détenus par l'Etat Chery Automobile, SAIC Motor, GAC Group, Dongfeng Motor et FAW Group.

Un fonctionnaire du ministère chinois de l'industrie et des technologies de l'information a assisté à la signature.

La lettre mentionnait un engagement à "ne pas perturber la concurrence loyale sur le marché par des prix anormaux" afin de stabiliser les prix et soutenir les achats, ce qui a été interprété comme le signe d'une trêve dans la guerre des prix.

La teneur du courrier a été remise en question le lendemain, lorsque Tesla a annoncé une offre promotionnelle de l'ordre d'environ 500 dollars sur ses véhicules Model 3 et Model Y, y compris en Chine. Les coentreprises de Volkswagen avec SAIC et FAW ont également annoncé des baisses de prix sur des modèles électriques vendredi.

Samedi, la CAAM a retiré l'accord.

Liu Xu, chercheur à l'Institut national de stratégie de l'université Tsinghua, explique que l'application de la législation antitrust dans l'industrie automobile chinoise est sélective et que l'engagement était formulé de manière si vague qu'il serait difficile de déterminer s'il s'agissait d'une entente sur les prix.

ET MAINTENANT ?

Les constructeurs automobiles internationaux restent soumis à une forte pression pour restructurer leurs activités en Chine, et la pression sur les prix pourrait aboutir à des licenciements et une réduction des marges des fournisseurs.

Certains plans de développement sont en suspens: Tesla attend toujours l'approbation d'un plan visant à augmenter la production de son usine de Shanghai, sa plus grande usine, et certains des ouvriers qui y travaillent ont été informés de licenciements la semaine dernière, bien que les plans de production restent inchangés.

Hyundai Motor, troisième constructeur automobile mondial par les ventes, a déclaré le mois dernier qu'il fermerait une usine en Chine et chercherait à la vendre avec une usine qu'il a fermée l'année dernière.

Selon AlixPartners, le marché chinois des véhicules électriques continuera à croître rapidement, mais l'intensification de la concurrence et la surcapacité bouleverseront le paysage des constructeurs: seules 25 à 30 des 167 entreprises fabricant des VE ou des hybrides rechargeables en Chine survivront d'ici 2030, selon le cabinet de conseil.

Les marques chinoises visent aussi une croissance en dehors de la Chine, notamment en Europe et en Asie du Sud-Est: les constructeurs automobiles chinois ont investi 1,4 milliard de dollars en Thaïlande depuis 2020 et dominent désormais le marché thaïlandais des VE, ayant supplanté les marques japonaises. (Reportage Zhang Yan, Kevin Krolicki, version française Corentin Chappron)