Paris (awp/afp) - "Rien n'arrête un train lancé", assure son PDG: entre réplique judiciaire et accélération de son calendrier, Veolia renforce son offensive pour tenter de mener à bien son projet d'OPA sur son concurrent Suez.

Le numéro un mondial du traitement de l'eau et des déchets a redit mardi son intention de déposer une offre d'achat sur l'ensemble du capital de Suez, "dès que le conseil d'administration" de son rival historique aurait approuvé le projet.

"Nous avons la conviction que nous parviendrons à convaincre le conseil d'administration de Suez, dans sa forme actuelle ou, à défaut, après une assemblée générale, de la pertinence de notre projet", sur le plan industriel comme social, a déclaré son PDG Antoine Frérot quelques heures avant que la direction de Suez ne soit auditionnée au Sénat sur ce dossier.

Veolia, qui veut créer un "champion mondial français" du secteur, a acquis le 5 octobre 29,9% des parts de son concurrent auprès de l'énergéticien Engie. Il a dans la foulée publié une intention d'OPA sur le reste des parts, au prix attractif de 18 euros par action, s'engageant déjà à n'avancer qu'avec "un accueil favorable du conseil" de Suez.

Le groupe dit avoir "consacré les semaines écoulées à de nombreuses tentatives de renouer le dialogue avec Suez" et déplore s'être vu opposer "une fin de non-recevoir".

La direction et les syndicats de Suez rejettent ce projet, criant à la casse sociale, à la perte de compétences et la fin de la concurrence. L'État, qui s'est opposé à la cession d'Engie, a appelé les deux entités au dialogue.

"Détermination absolue"

"Puisque le conseil de Suez ne veut même pas décrocher son téléphone pour entendre mon projet, je vais présenter mon projet directement aux actionnaires", a déclaré mardi M. Frérot, entouré de juristes et de son équipe de direction pour une visioconférence de presse.

"Cela signifie que l'OPA se fera quoi qu'il arrive au plus tard après la prochaine assemblée générale" de Suez (qui doit se tenir avant fin juin), a-t-il ajouté. "Le chemin est donc clair."

Veolia avait à l'origine prévu d'attendre les 12 à 18 mois d'instruction des autorités de la concurrence pour lancer son OPA. Le groupe compte désormais sur les actionnaires pour faire pression et pousser le conseil d'administration de Suez à dialoguer en vue d'un "accord de rapprochement". Qu'il s'agisse du conseil actuel, ou d'un conseil éventuellement renouvelé lors de l'AG.

Veolia se tourne aussi vers la justice. Un recours doit être déposé devant le tribunal de commerce de Nanterre pour demander l'annulation d'une fondation de droit néerlandais créée en septembre par Suez pour compliquer la vente de ses actifs Eau France.

Il sera formalisé quand les pièces, venues notamment de Suez, seront réunies, a précisé le juriste Xavier Boucobza, pour qui cette fondation "viole des principes essentiels du droit des sociétés" en retirant des prérogatives aux instances de direction.

En attendant, Antoine Frérot affiche sa "détermination absolue". Le groupe explique avoir sécurisé le montant de l'opération avec le soutien de quatre banques et prévoit une augmentation de capital de quelque 2 milliards d'euros "maximum".

Devant le Sénat, qui a créé un groupe de suivi sur les conséquences de cette affaire, la direction de Suez a dénoncé une "agressivité" et "l'outrance verbale".

"Je n'ai jamais testé l'amicalité avec un train à grande vitesse", a dit son président Philippe Varin, évoquant en revanche la "solidité" de son conseil.

Il a assuré ne pas avoir "reçu de Veolia le moindre document formalisant son offre": "je l'incite à déposer son offre formelle. Nous regarderons le projet industriel de l'ensemble, au-delà du slogan sur +le leader mondial+".

Le directeur général Bertrand Camus a listé des risques pour les contrats, le périmètre de l'ensemble...: "ce projet revient à transformer deux champions mondiaux en un seul groupe endetté et affaibli".

Le Sénat entendra mercredi le président d'Engie Jean-Pierre Clamadieu, avant M. Frérot le 10 novembre.

La justice a ordonné en référé la suspension de la vente des titres d'Engie, ce qui ne compromet pas forcément l'opération, mais oblige à consulter les représentants du personnel. Veolia et Engie ont fait appel, une décision attendue dans une quinzaine de jours.

afp/rp