Bruxelles (awp/afp) - Starbucks l'a emporté mardi devant la justice européenne, contrairement à Fiat, dans la bataille des deux entreprises contre l'UE, qui leur demande de rembourser des avantages fiscaux indus: deux arrêts très attendus un an avant la décision des mêmes juges sur un cas similaire et emblématique, celui d'Apple.

Il y a un peu moins de quatre ans, la chaîne américaine de cafés et le constructeur automobile italien avaient été sommés par la Commission européenne de verser jusqu'à 30 millions d'euros d'arriérés d'impôts chacun, le premier aux Pays-Bas, le second au Luxembourg.

Une somme modique par rapport aux 13 milliards d'euros qu'Apple doit rembourser au fisc irlandais, en vertu d'une décision de Bruxelles fin août 2016.

Starbucks et Fiat, ainsi que les Pays-Bas et le Luxembourg, avaient déposé un recours contre la sanction de l'UE, tout comme Apple et l'Irlande, moins d'un an plus tard.

Les deux arrêts de mardi, susceptibles d'appel, étaient censés donner une indication sur ce qui attend le géant informatique américain dans un an.

Et d'une façon plus générale, ils constituent un premier test devant la justice de la politique de la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager.

Cette dernière, l'une des stars de l'équipe de Jean-Claude Juncker, a en effet ciblé tout au long de ses cinq ans de mandat une série de multinationales ayant bénéficié d'un traitement fiscal jugé trop favorable.

Or, les décisions de mardi différant dans les deux affaires, il est difficile d'en tirer une conclusion définitive.

Réagissant à ces deux arrêts, la Danoise, ancienne ministre de l'Economie de son pays, a estimé qu'ils "donnaient des orientations importantes" et que l'UE poursuivrait sa lutte contre la "planification fiscale agressive".

"Les arrêts confirment que, si les États membres de l'UE ont compétence exclusive pour déterminer leur législation en matière de fiscalité directe, ils doivent le faire dans le respect du droit communautaire, y compris les règles relatives aux aides d'État", a-t-elle dit dans un communiqué.

Dénoncé par les ONG

Tout son raisonnement repose en effet sur le fait que ces avantages fiscaux s'apparentent à des aides d'Etat, illégales au regard des règles européennes, puisqu'elles provoquent une distorsion de concurrence.

Pour le tribunal de l'UE, "la Commission n'est pas parvenue à démontrer l'existence d'un avantage" spécifique en faveur de Starbucks par rapport aux autres entreprises. A l'inverse, dans le cas de Fiat, les juges confirment "la validité de la décision de la Commission".

Se félicitant de l'arrêt de mardi, le secrétaire d'État néerlandais aux Finances Menno Snel a estimé que "la décision de la justice européenne prouve que le fisc néerlandais a traité Starbucks comme les autres sociétés, et pas mieux ou différemment".

Même cri de victoire de la firme américaine, qui a assuré dans un courriel à l'AFP "payer tous ses impôts partout où elle devait le faire".

Le gouvernement luxembourgeois était en revanche plus circonspect: "Le Luxembourg prend note de l'arrêt rendu aujourd'hui (...) il analysera l'arrêt avec toute la diligence requise et réserve tous ses droits".

Quant à Fiat, "déçu du jugement", il a dit "évaluer les prochaines mesures à prendre".

Le traitement fiscal extrêmement favorable de grandes entreprises par certains Etats, comme la Belgique, l'Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas, voulant s'assurer investissements et emplois sur leur sol, est dénoncé par les ONG depuis de longues années.

La bataille de Mme Vestager contre le comportement abusif des multinationales lui avait valu le courroux du président Donald Trump, qui l'avait baptisée "Tax Lady" et l'avait accusé de détester les Etats-Unis.

Son intransigeance s'est néanmoins avérée payante pour sa carrière: au sein de la nouvelle Commission européenne, qui entre en fonction le 1er novembre, Mme Vestager a pris du galon, devenant vice-présidente exécutive.

Pour l'ONG Oxfam, les arrêts concernant Starbucks et Fiat montrent en tous les cas "la nécessité d'avoir une meilleure législation fiscale dans l'UE".

afp/rp