L’empire d’Albert Frère est bicéphale : d’un côté, la CNP, son holding personnel, de l’autre Groupe Bruxelles lambert (GBL), détenu à parité avec la famille canadienne Desmarais. Le premier véhicule d’investissement détient surtout des actifs non cotés, tandis que le deuxième abrite les participations de groupes cotés (Pernod Ricard, Lafarge, GDF Suez, Total notamment).

La décision de retirer de la cote la CNP n’est pas anodine, mais bel et bien le début du toilettage de son empire, visant à rationaliser l’ensemble de ses participations. Autre indice : la suspension du programme de rachat d’actions de la CNP, alors que cette pratique, visant à soutenir son cours, était devenue un rituel bien ancré.

La principale raison de ces nouvelles orientations est connue : elle tient au retrait progressif de BNP Paribas. La banque française, allié objectif de Frère depuis le début des années 80, détient 22% de CNP et 14% du holding de tête de GBL. L’entrée en vigueur des nouvelles normes comptables Bâle III, rend nécessaire ce désengagement, car la banque ne peut plus se permettre de détenir des participations minoritaires consommatrices de fonds propres.

Décision certainement pénible à prendre, Albert Frère s’est donc engagé à racheter à BNP Paribas ses participations. Il lui en coûtera 2,7 milliards d’euros, dont 1,7 milliard à sortir dès cette année. Comme c’est de coutume, il a proposé aux autres actionnaires minoritaires de racheter leurs parts dans CNP, ce qui entraîne mécaniquement le retrait de la cote de sa holding.

Dès lors, la force de frappe de la CNP s’en trouvera amoindrie. « La gestion va changer : moins de risque, plus de liquidités », reconnait son bras droit, Gilles Samyn. Un autre proche du milliardaire ajoute : « Albert Frère veut léguer à ses enfants une situation claire, où il n’y a pas de minoritaires. Quand on a 20 ou 30 ans, on prend des risques, quand on vieillit, on tend à les réduire ».

Le baron belge a par ailleurs quasiment réglé la question de sa succession, cédant les rênes opérationnelles de GBL à Gérard Lamarche, actuel directeur financier de GDF Suez, et à son financier de gendre, Ian Gallienne. Mais Albert Frère conserve des fonctions exécutives sans ses différents holdings, tandis que son fils Gérald prend du recul. Si la fin est proche, le milliardaire belge tient manifestement à garder un œil sur ses affaires !